Interview Maitre Deshimaru (suite)

Le comportement influence la conscience. A comportement juste, conscience juste. Notre attitude ici, maintenant, influence tout l'environnement : nos paroles, nos gestes, nos façons de nous tenir, tout cela influence ce qui se passe autour de nous et en nous. Les actions de chaque instant, de chaque jour doivent être justes. Le comportement dans le dojo rejaillira sur notre vie quotidienne. Chaque geste est important. [...] Il ne faut pas rêver sa vie ! Mais être complètement dans tout ce que l'on fait. C'est cela l'entraînement aux "kata". L'esprit du Zen et du Budo tend à cela : ce sont de vraies sciences du comportement. Rien à voir avec l'imagination qui transforme le monde, comme dans beaucoup de religions. On doit vivre le monde avec son corps, ici et maintenant. Et complètement se concentrer sur chaque geste.
[...] il ne s'agit pas uniquement du comportement et de l'apparence extérieure, mais aussi et surtout de notre attitude intérieure.
(p.56-57)
Personne n'est normal aujourd'hui, tous les gens sont un peu fous, avec leur mental qui fonctionne tout le temps : ils voient le monde d'une façon étroite, étriquée. Ils sont dévorés parleur égo. Ils croient voir, mais se trompent : ils projettent leur folie, leur monde, sur le monde. Aucune lucidité, aucune sagesse là-dedans ! C'est pour cela que Socrate, comme le Bouddha, comme tous les sages, disent d'abord : "Connais-toi toi-même et tu connaîtras l'univers." C'est l'esprit du Zen et du Bushido traditionnels !
(p.55-56)
Le sport n'est qu'un amusement et, en fin de compte, par l'esprit de compétition, il use le corps. C'est la raison pour laquelle les arts martiaux doivent retrouver leur dimension première. Dans l'esprit du Zen et du Budo, la vie quotidienne devient le lieu de combat. C'est à chaque instant qu'il faut être conscient, en se levant, en travaillant, en mangeant, en se couchant. La maîtrise de soi se trouve là.
(p.49)
La façon de se comporter est "kata". Quand on salue, il ne faut pas faire cela n'importe comment : en Occident, on joint vaguement les mains et on incline un peu la tête ; on n'a rien compris à la beauté du geste ! Il faut saluer complètement : joindre ses deux mains lentement, bras droits, parallèles au sol, le bout des doigts arrivant à la hauteur du nez, puis courber ainsi son dos vers le sol, puissamment, se relever les mains jointes toujours et mettre naturellement les bras le long du corps. Corps droit, nuque droite, pieds au sol, esprit calme.
(p.55)
Fort et sage : le Zen nous enseigne les deux voies en une seule.
(p.15)
Un "koan" dit : "Chaud, froid, c'est vous qui l'expérimentez." C'est vrai pour tout.
Ici, maintenant, pour chacun, est différent.
(p.57)
L'intuition et l'action doivent jaillir en même temps. Il ne peut y avoir de pensée dans la pratique du Budo. Il n'y a pas une seule seconde pour penser. Quand on agit, l'intention et l'action doivent être simultanées.
(p.27)
La vraie essence des "kata" se retrouve non dans les gestes eux-mêmes, mais dans la façon dont l'esprit les rend justes. [...] [il faut] exercer son esprit-corps à créer chaque fois un geste total, où tout le "ki" se retrouve, en un instant.
Vivre le véritable esprit du geste : le "kata", par l'entraînement, doit se confondre avec l'esprit.
(p.54)
Le "Budo" inclut des arts comme le "Kendo", le "Judo",l' "Aikido", et le "Kyudo" (tir à l'arc). Pourtant, le "kanji Bu" signifie aussi stopper, arrêter la lutte. Car, dans le "Budo", il ne s'agit pas seulement de concourir, mais de trouver paix et maîtrise de soi.
(p.17)
Le Budo japonais s'est développé en relation directe avec l'éthique, la philosophie et la religion, et sans aucun rapport avec le sport. Aussi tous les vieux textes sur les anciens Budo qui nous ont été transmis se situent au niveau de la culture intellectuelle et mentale, et développent une réflexion sur l'égo. Ils expliquent et enseignent la technique profonde de la Voie.
(p.63)