Pour les anciens Babyloniens, la justice et l'éthique absolues n'étaient pas pour les hommes, mais n'appartenaient qu'aux dieux. Le suppliant de la Prière à Mardouk affirme qu'aucun homme ne peut être parfait au point d'éviter les fautes, et seul un être divin, Mardouk en l'occurrence, sait ce qu'est le Bien et le Mal. Aucun humain n'en est capable :
"Parmi les fils de la Matrice et tous les vivants,
Qui s'est suffisamment gardé pour ne pas fauter ?
Qui a fait assez attention pour ne porter aucun péché ?
Où est-il, celui qui a évité de faire le mal ?
(...) Un dieu révèle ce qui est bien et ce qui est mal.
Celui qui a son dieu, ses péchés sont éloignés,
Mais celui qui n'en a pas, ses crimes sont nombreux.
Quand toi, son dieu, tu es à ses côtés,
Ses paroles sont bien choisies, son verbe est honnête."
Ces vers montrent bien que l'homme par nature, est condamné à pécher et que seuls les dieux peuvent lui enseigner l'éthique pour l'en empêcher. En d'autres termes, s'il perd son dieu, malgré ses bonnes intentions, il devient inévitablement un criminel. Ainsi ... les anciens recherchaient la miséricorde et la protection de plusieurs divinités, et surtout de Mardouk, dans l'espoir que son pardon soit constant et inconditionnel, comme celui d'un père pour son fils.
pp. 52-53
Il semble que les anciens Babyloniens ne croyaient pas au Ciel et à l'Enfer, ni au Jugement Dernier... Ils pensaient que ce qui leur arrivait était la réaction immédiate des dieux à leurs actes. Ils n'appliquaient pas cette idée à des spéculations sur l'avenir lointain, mais plutôt à l'interprétation des situations actuelles où ils se trouvaient. S'ils étaient prospères et bien portants, c'était que les dieux étaient satisfaits d'eux. Sinon, s'ils avaient quelque malheur, c'était le résultat de la colère divine et ils voyaient dans l'adversité une punition divine immédiate. De plus, les anciens Babyloniens avaient une conception du "péché" bien plus vague que la nôtre, qui se fonde sur le respect dans nos actes de principes moraux ; pour eux, "le péché", c'était tout ce qui offensait les dieux. (...)
On a de bonnes raisons de croire que les anciens définissaient les offenses aux divinités non comme des actions immorales (le vol, le meurtre, l'adultère), mais comme des négligences des devoirs rituels et le manque de respect envers les êtres divins. Quand le suppliant d'une prière /dingir-sha3-dib-ba/ détaille ses péchés involontaires, il n'évoque que le manque de piété envers son dieu, la négligence des devoirs cultuels, le sacrilège, et "le mal" sans autre détail. Le narrateur du poème Ludlul Bêl Nêmeqi (II, 22-23) insiste sur son passé d'homme juste. Par là, il ne parle que des activités rituelles, non de crimes qu'il aurait commis.
pp. 16-17
Le juste souffrant.
Ceux qui ne recherchent pas le dieu marchent sur la voie de la réussite
alors que celui qui pense à la déesse peut devenir pauvre et ruiné.
Dans ma jeunesse, j'ai cherché la pensée du dieu,
avec les marques du respect et les bénédictions, j'ai recherché la déesse.
Mais je porte un joug comme une corvée qui ne rapporte aucun salaire,
et le dieu m'a imposé la pauvreté au lieu de la richesse.
Un infirme passe avant moi ; un imbécile m'évite,
pendant que les malfaiteurs s'élèvent dans le monde, moi je descends.
VII, vers 70-77