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3.99/5 (sur 719 notes)

Nationalité : Royaume-Uni
Né(e) à : Londres , le 19/09/1947
Mort(e) à : Sussex de l'Est , le 24/05/2015
Biographie :

Tanith Lee est une romancière anglaise.

Elle est auteure de plus de quatre-vingt-dix romans et deux cents nouvelles de science-fiction, horreur et fantasy.

Elle a commencé à publier en Angleterre des ouvrages pour la jeunesse, parallèlement à sa carrière de bibliothécaire, avant de se tourner vers les États-Unis dans les années 1970 pour connaître un très grand succès avec des romans désormais destinés au public adulte.

Après le succès de "La Déesse voilée" (The Birthgrave) paru en 1975 dans une maison d'édition américaine, DAW, elle peut vivre de sa plume.

"Le Dit de la Terre Plate" (The Flat-Earth Cycle), constitué de cinq volumes publiés de 1978 à 1987, lui a valu le prix British Fantasy du meilleur roman pour "Le Maître de la mort" (Death's Master, 1979).

Elle a écrit également pour la télévision et la radio.

Elle a reçu le Prix World Fantasy de la meilleure nouvelle en 1983 et 1984, et l'August Derleth Award of British Fantasy pour son roman "Le Maître des ténèbres" (Night's Master, 1978).

Tanith Lee avait multiplié les nominations tout au long de sa carrière, décrochant par exemple en 2013 un World Fantasy Award d'honneur célébrant justement son parcours.
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Bibliographie de Tanith Lee   (83)Voir plus

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Citations et extraits (78) Voir plus Ajouter une citation
Ma mère avait oublié sa mélancolie. Elle était comme une pile électrique. Elle décida tout à trac qu’il était grand temps d’aller inspecter le poulailler. Ces derniers temps, les œufs n’étaient jamais conformes. Y avait-il une fuite dans les parois étanches de l’enclos ?
Il fallut se frayer un chemin entre les alignements de laitues. Dérangées dans leur sommeil, les poules s’égaillèrent en caquetant. Ma mère se hissa péniblement au sommet d’une échelle afin d’examiner la toiture.
– Je ne vois rien, répéta-t-elle à plusieurs reprises.
Elle descendit enfin. Haletante, elle dut prendre appui contre l’échelle. La torche électrique pendait au bout de son bras, inutilement allumée au risque d’épuiser la pile.
– Maman… ? Tu as oublié d’éteindre la torche.
Elle éteignit la torche et la suspendit à un montant.
Soudain, elle s’avança vers moi. Elle me saisit aux épaules. Ses yeux crevaient mes yeux.
– Greena, as-tu compris ce qui s’était passé aujourd’hui, avec cet homme ?
– Oui, maman.
Elle me secoua avec colère, mais sans violence.
– C’est inévitable. Sais-tu pourquoi ?
– Je sais, maman. Ça m’est égal. Il me plaît.
Ses yeux avaient encore changé. Ils s’emplirent de larmes brûlantes et le cœur me manqua. Ce fut comme si le sol se dérobait. Il y avait une infinie douceur dans son regard affolé.
– Écoute-moi bien, Greena. J’ai eu trente ans la semaine passée.
– Je sais…
– Tais-toi. Écoute. J’ai subi le contrôle de routine. Je suis foutue, Greena.
Nous échangeâmes un long regard. Ce n’était pas vraiment une surprise. Tout le monde doit en passer par là. Elle pouvait même s’estimer heureuse d’être arrivée jusqu’à trente ans. À l’extérieur, l’espérance de vie moyenne n’excédait pas vingt-cinq ans.
– Je voulais attendre un peu pour t’en parler. Mon hospitalisation n’est pas prévue avant trois mois. La douleur commence seulement à se faire sentir. Heureusement, il y a l’assurance. J’ai les moyens de m’offrir un analgésique dernier cri.
– Maman…
– Ne m’interromps pas. Nous avons un tas de choses à mettre au point. As-tu conscience de tes responsabilités ? Vis-à-vis des enfants, bien sûr. Vous êtes frères et sœurs, ne l’oublie jamais.
– Ne t’inquiète pas. Je m’occuperai d’eux.
– Il t’aidera, il le faut. Il est vraiment mordu, Greena. Pauvre Alexander, il n’a pas eu de chance. Sa fiancée est morte. Native du Centre et tout et tout, ça ne l’a pas empêchée de claquer à dix-huit ans. Une aubaine pour nous, soit dit en passant. Je ne me féliciterai jamais assez de t’avoir fait suivre le programme de stérilisation quand tu étais gamine. Il n’a pas le droit de coucher avec une fille féconde, tu saisis ? Trop de risques de malformations congénitales. À le voir, on ne s’en douterait pas.
– Je comprends. Je connais la loi sur la reproduction.
Pas de gifle. Pas de cri. Ma réponse hardie n’avait d’autre but que de la rassurer, elle s’en rendait compte. Oui, je comprenais la situation. Alexander avait un problème, ce n’était pas difficile à deviner. Sinon, pourquoi serait-il allé chercher une fille de l’extérieur ?
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– Monsieur Alexander, bonjour. Nous ne sommes pas trop en avance ?
– Pas le moins du monde, fit une voix masculine, presque trop jeune. Votre fille est avec vous ? C’est parfait. Donnez-vous la peine d’entrer.
J’avançai dans le sillage de ma mère, foulant le tapis couleur de gazon. Je vis plusieurs sièges disposés autour d’un bureau. Puis ma mère s’effaça pour me présenter.
– Voici ma fille, Monsieur Alexander. Greena. C’est elle.
Il ne devait pas avoir plus de vingt-deux ans et je pouvais me vanter d’avoir de la chance dans la mesure où la population du Centre bénéficie d’une extrême longévité, jusqu’à des cinquante ou soixante ans, cela s’est vu. Et même, bien souvent, ceux qui sont nés sous les coupoles s’en vont mourir ailleurs, c’était le changement de vie, disait volontiers ma mère, ils ne supportaient pas.
Celui-ci était bronzé, vêtu avec soin, pantalon et chemise de coton naturel. Il portait un bracelet en argent dont la plaque rouge confirmait son jeune âge. Tout entier maître de soi et belle apparence, tel était monsieur Alexander, vivante incarnation de l’hygiène bien comprise et de la santé. À croquer de la tête aux pieds. Son regard me scrutait. Je détournai le mien en vitesse.
– Asseyez-vous, je vous en prie.
Ma mère se vit offrir trois doigts de gin en provenance des distilleries du Centre. Il ajouta des glaçons et des tranches de citron. Souriant, il me proposa un milk-shake à la framboise, avec du lait véritable, s’il vous plaît. J’étais trop angoissée pour avoir envie de quoi que ce soit, je ne me sentais pas en état de savourer son milk-shake, mais comment refuser pareil délice ? Cela ne se fait pas, tout simplement.
Enfin, nanties du gin et du milk-shake, nous nous installâmes raidement à l’extrémité de nos sièges. Monsieur Alexander ne buvait pas. Assis face à nous sur le bureau, il balançait une jambe dans le vide. Il prit une cigarette dans le coffret et l’alluma. Il aspira une longue bouffée.
– Tout d’abord, je tiens à vous remercier d’être venues de si loin, dit-il à ma mère sur le ton plaisant d’une conversation mondaine. Un jour d’alerte, de surcroît. En fait, ce n’était pas grand-chose, n’est-ce pas ? Une simple averse.
– Nous sommes arrivées bien avant, répliqua vivement ma mère.
Elle tenait à mettre les points sur les i. La fleur était intacte, aucune goutte de pluie ne l’avait souillée.
– Je sais. Le Parloir m’a renseigné.
Il avait dû se faire communiquer nos coefficients. Au fond, c’était son droit le plus strict. S’il avait l’intention de m’acheter, il voulait s’assurer que son acquisition lui ferait un peu d’usage, quoi de plus normal.
– Permettez-moi de vous dire dès à présent que votre fille semble présenter toutes les qualités requises pour l’emploi auquel nous la destinons. Elle est charmante, pleine de réserve et de correction.
L’allusion à un hypothétique emploi n’est là que pour la frime, pensai-je. Mais peut-être, pour commencer, me demanderait-on vraiment d’effectuer un travail quelconque ?
Ma mère avait dû passer sa petite annonce dès l’automne dernier, tout de suite après que nous fûmes allées rendre visite à ce photographe du Centre. Je portais ma petite culotte de dentelle en nylon et pas grand-chose d’autre. Une photo qui ne cachait rien, comme celle que l’on prend tous les dix ans, à l’occasion du contrôle médical. Toujours, les petites annonces de ce type étaient accompagnées de photos du genre déshabillé. Pratique parfaitement illégale, mais personne n’en avait cure. Trois ans auparavant, au moyen d’un stratagème identique, un garçon qui habitait notre rue s’était trouvé une place dans le Centre. Il avait passé la petite annonce lui-même, il s’était occupé de tout. Joli garçon, il n’avait qu’un défaut, des cheveux déjà clairsemés comme les miens, laissant présager une calvitie précoce. Selon toute apparence, ce détail n’avait gêné personne.
Ma mère avait-elle reçu d’autres réponses ou seulement celle de ce jeune homme hâlé au regard intense ?
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La journée ne faisait que commencer, mais une alerte météorologique nous tenait tous confinés à la maison. Les enfants regardaient la chaîne payante tandis que je donnais à manger aux volailles dans le poulailler intérieur. Il devait être neuf heures du matin. Ma mère a surgi, elle s’est arrêtée sur le seuil de l’enclos. Je n’oublierai jamais l’expression de ses yeux posés sur moi. Je connaissais ce regard, et bien qu’il se fut toujours passé de commentaire, je savais parfaitement à quoi m’en tenir. C’était ainsi qu’elle estimait le poids des volailles ou qu’elle inspectait les casiers de semis. Ce jour-là, pourtant, ce n’était pas tout à fait le même regard. La nuance ne m’échappait pas et je savais aussi comment l’interpréter. J’étais à point, semblait-il.
– Greena, dit ma mère.
En trois enjambées puissantes, elle fut au milieu de l’enclos, jetant un œil indifférent à nos décevantes poules. Nous n’avions recueilli que trois œufs cette semaine, dont l’un n’était même pas conforme à la norme. Trop haut. Ma mère s’en moquait, elle avait pour l’instant d’autres chats à fouetter.
– Greena, dit-elle. Ce matin, nous irons au Centre.
– Et l’alerte, maman ?
– Laissons cela. Ces imbéciles se trompent si souvent. D’ailleurs la pluie ne devrait pas tomber avant midi. D’ici là, le ciel restera dégagé et nous serons arrivées bien avant les premières gouttes.
– As-tu pensé aux bus, maman ? Ils ne fonctionnent jamais quand la météo est mauvaise. Nous serons obligées d’y aller à pied.
Elle me regarda avec sa figure farouche, ravagée, fermée comme un poing, ce masque bouffé par la vie et l’ardeur de vivre.
– Et après ? Nous irons à pied. Ne discute pas, Greena. Les jambes, c’est fait pour marcher, que je sache.
J’inclinai la casserole pour répandre le reliquat de nourriture. Je me dirigeai vers la porte de l’escalier.
– À propos de jambes, dit-elle, tu me feras le plaisir de mettre tes bas. Et tous les trucs que nous avons achetés la dernière fois.
C’étaient toujours les mêmes sempiternels chichis. Sous le prétexte des caméras, bien sûr. En particulier celles qui se trouvent dans les salles de bains du Parloir. On se déshabille et tous les vêtements filent dans la machine à laver. On les récupère à la sortie. Mais les vigiles ou les médecins, personne ne les empêche de se rincer l’œil sur les écrans et, dans le meilleur des cas, de se sentir émoustillés par ce qu’ils voient. Alors on se fait un devoir de mettre ses plus beaux atours, des choses que l’on peut exhiber sans honte et que même un médecin du Centre pourra reluquer sans haut-le-cœur. Ma mère est ainsi, elle ne badine pas avec les convenances. J’allai prendre une douche et me faire un shampooing. Je me saupoudrai de talc, celui parfumé à l’essence de rose que nous avions acheté au Centre. Je devais être nickel de la tête aux pieds en prévision de la douche et du shampooing qui me seraient administrés dans la salle de bains du Parloir. J’enfilai mes dessous les plus flatteurs, ma robe blanche et mes bas. Je me chaussai. Je n’oubliai pas de glisser dans mon sac la boîte de talc à l’essence de rose.
Ma mère était déjà prête ; elle m’attendait lorsque je me présentai devant les portes donnant sur la rue. Elle ne me fit aucun reproche. Elle avait exigé le grand jeu ; le grand jeu prend du temps.
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À présent, elle devait se remémorer le chemin qu'empruntaient Carlo et Cheta. Il lui fallait retrouver le village dans l'obscurité. Elle s'éloignait dans la lande, et d'un monticule d'ombre surgit quelque chose qui lui bloquait le passage. Le dernier d'entre eux, le chat.
Rachaela ralentit son pas mais ne s'arrêta pas. Le chat la regardait. Son poil soyeux luisait à peine, ses oreilles n'étaient pas couchées. La reconnaissait-il ou allait-il l'agresser maintenant qu'elle s'était elle-même proscrite ? Était-il une sorte de sentinelle surnaturelle des Scarabae ?
Elle s'approcha de lui et tendit la main. Le chat la senti, et elle caressa sa tête de fauve.
- Tu es un monstre magnifique, dit-elle. Me laisserais-tu passer ?
Le chat s'écarta d'elle et s'en fut vers la pierre dressée, tel un fantôme charbonneux dans la nuit. Elle l'entendit qui griffait le sol, à quelque dix mètres de distance. Il ne s'intéressait plus à elle.
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Etre ainsi épiée ne lui plaisait guère, mais elle décida que la situation n'avait rien d'étonnant ici.
Le plan de la Demeure lui échappait. C'était un kaléidoscope mouvant d'ombres et de verres teintés. En fait les pièces étaient bien plus sombres le jour que la nuit.
Chaque pendule qu'elle voyait ou entendait indiquait une heure différente. Chaque miroir était peint. Dans un couloir elle trouva une grande glace en cours d'occultation. La scène représentait avec un savoir-faire un rien compassé un paysage de bosquets et de fontaines, avec en fond des collines et des prés. Proprement rangé à côté du miroir se trouvait le matériel de l'artiste : une boîte de couleurs, une palette, des pinceaux et une petite bouteille d'essence de térébenthine, des chiffons.
Partout elle avait vu des tableaux, mais sans les étudier. Elle avait remarqué le sujet de l'un d'entre eux : une tête de bouc qui semblait jaillir du tablier ceignant le ventre d'une femme.
Ainsi donc ici rien n'était certain, ni le jour, ni l'heure, ni même les reflets de soi.
C 'était vraiment une maison de fous.
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Un homme sortait des ténèbres, et il portait avec lui ses propres ténèbres.
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Les dieux ne se souillent point par des exploits : cela nécessite des anges.
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La femme était belle. D'une beauté généreuse. En dépit d'une silhouette mince et fragile, il émanait d'elle une capiteuse opulence qui trouvait son expression la plus achevée dans le désordre luxuriant de sa chevelure de miel. De miel aussi sa peau hâlée par le soleil d'été, nervures sur une feuille d'or les fines rides autour de ses yeux. Un anneau de cuivre brillait à sa main. Il y avait donc réellement un homme quelque part. Pas ici, en tous cas.
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Certains tendaient des embuscades aux vivants, les trompaient, par pure jalousie, par vengeance, par haine pour quiconque bénéficiait sans effort d'une existence charnelle, mais d'autres tuaient sans le faire exprès, sans être sciemment responsable des morts qu'ils causaient en se réchauffant aux vies comme aux flammes d'un feu.
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Dans les légendes de maints pays, le prophète se rend dans un désert de sable ou de neige, ou encore au sommet d'une montagne noire, puis annonce à son retour qu'il a vu son dieu. Je suppose que si un dieu existe, il se trouve à l'intérieur de l'homme, tel le diamant dans sa gangue. Je suppose également que les lieux désertiques ont le pouvoir de dissoudre, pour un instant ou à jamais, la boue et l'argile qui le dissimulent. Peut-être le prophète qui revient ne devrait-il pas dire : « J'ai vu mon dieu », mais plutôt : « Je me suis vu. »
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