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Citation de Charybde2


Les odeurs libérées par le dégel printanier soulèvent en nous un furieux besoin de mouvement. L’air est si propre qu’on peut flairer la différence entre la pierre lisse et la déchiquetée. Humer l’eau qui ruisselle sur l’argile.
L’odeur sucrée du lichen. Le lichen vert ne sent pas la même chose que le noir. Au printemps, on respire la mort de l’automne passé et la croissance de cette année ; le lichen plus ancien apprend au jeune à pousser.
Le gel piège la vie, immobilise le temps. Le dégel les délivre. On renifle les empreintes de l’automne passé, la décomposition récente de tous ceux qui ont péri dans les griffes de l’hiver. Le réchauffement de la planète relâchera les odeurs les plus profondes, fera jaillir des histoires du pergélisol. Qui sait quels souvenirs enfouis se cachent sous la glace ? Qui sait quelles malédictions ? Les rumeurs de la Terre libérées dans l’atmosphère ne pourront provoquer que des ravages.
Des brins de verdure commencent à dresse leur vie timide à travers la couverture de glace. Les chants des oiseaux migrateurs résonnent comme des réveils qui nous arrachent à la torpeur de l’hiver. La vie est arrivée ! La glace recule à contrecœur, nous promet sa vengeance dans quelques semaines à peine. C’est toujours l’hiver qui gagne. Le soleil s’en moque. Rien ne pourra freiner la cacophonie de procréation vorace à venir.
La glace est encore solide sur la mer, mais les étangs ont dégelé et sont maintenant ouverts. Les larves de moustiques ondulent de leurs belles oscillations hypnotisantes. Dur contraste avec ce qu’elles seront dans quelques jours, métamorphosées en cyclone assoiffé de sang. Si on me l’offrait, l’ennemi que j’aurais l’occasion de torturer se retrouverait à poil sur la toundra en pleine saison des moustiques, les mains liées derrière le dos, aucun doute là-dessus.
Nous, les enfants du printemps, la ville est notre terrain de jeu. Aussi vrai qu’on ne supporte plus la compagnie de nos parents, ça fait la moitié d’une année qu’eux, ils endurent la frénésie de notre agitation encagée. Le soleil ne se couche plus, il nourrit nos visions, il nous tient chaud. On court après l’aventure dans les rues poussiéreuses. La ville est parcourue de grandes bandes d’enfants, de grosses meutes de chiens en liberté. Je me demande quel groupe est le plus enragé. Aucun de mes amis n’a de couvre-feu, sauf moi. Notre aventure doit prendre fin avant onze heures !
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