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Citations de Tarjei Vesaas (184)


QUARANTE DEGRES A CATANE

La mer chaude
étire une langue indolente
vers des cuisses dorées
sur un sable de braise.

La paralysie caniculaire sévit.
Derrière l'obscurité des lunettes
le cerveau a de hauts loupés
comme des avions blessés.

Le soleil est sauvage
et il ne faut pas en parler,
mais la terre est un fourneau,
et l'Etna sur le feu
fume du goulot.
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IV
RENTRANT CE SOIR

Le bleu a émergé de par-delà
tout ce qui apparaît
et habille le clair-obscur d'une montagne
que tu es en train de regarder.
Le bleu est en toi,
et attend là.

Le bleu chante sans bruit,
s'approfondit, tend vers le noir.
C'est ta propre montagne quand tu
rentres de voyage. Elle ne parle jamais de
ce que la vie est devenue.

Mais la montagne muette qui dirige
le cours des flots,
et l'homme fatigué qui se dirige
vers son giron
restent aussi immobiles l'un et l'autre
dans ce chant ténébreux.
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Tarjei Vesaas
AU BORD DU CHEMIN DIFFICILE

Au bord du chemin difficile

il pleut des soleils étincelants

comme si de rien n’était.

Nous avons l’immensité où puiser

mais ne savons l’utiliser.

Elle regorge de tempêtes

que nous ne comprenons pas.

Un feu éclate,
tout aussi énigmatique.

Dans les tombeaux reposent tous nos

vieux souvenirs.
Nous les appelons

sans obtenir de réponse.

Ils ne nous voient pas,

regardent bien au-delà de nous.
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Il regarda sa soeur à la dérobée. Des yeux si étranges. Toujours désemparés, farouches comme des oiseaux.
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D'une caresse, l'homme écarte prudemment du pied du cheval la neige ensanglantée. Il y a une longue estafilade rouge juste au-dessus du sabot. C'est le fer luisant et acéré de l'autre pied qui a causé la blessure. Blessure de son propre fer. De l'eau de neige fondue, sale, ruisselle le long du pied et traverse la blessure.
Terriblement douloureux.
Le cheval baisse la tête comme s'il rêvait. Lève le pied. Se penche davantage... Est avec l'homme. Est avec l'homme pour le bien et le mal.
S'est remis à l'homme.
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Le rêve des ponts enneigés

Et la neige qui tombe sur nous s'épaissit.
La manche de ton manteau blanchit.
La manche de mon manteau blanchit.
Elles bougent entre nous comme
des ponts enneigés.

Mais les ponts enneigés sont gelés.
Ici au cœur règne une chaleur pleine de vie.
Ton bras est chaud sous la neige et
pése avec bonheur sur mon bras.

Il neige et il neige sans cesse
sur les ponts silencieux.
Des ponts que personne ne connaît.

P.127
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Le coeur est fendu en deux et ne sait ce qu'il veut.
La barque doit aller pour lui - jour ou nuit ne sont qu'un rideau changeant à traverser. Avancer d'un courage farouche. Pas à cause des hommes. A cause d'énigmes embarrassantes. Le coeur est fendu en deux en grand secret.
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Un front jeune et blanc, s'enfonçant dans le noir. Une fillette de onze ans. Siss.
On était encore en plein après-midi, en fait. Pourtant, tout était plongé dans la nuit en cette fin d'automne figée par le gel. Des étoiles mais pas de lune, pas de neige susceptible de produire des reflets nacrés - l'obscurité n'en était que plus dense, en dépit des étoiles. Des deux côtés, la forêt où régnait un silence de mort - avec tout ce qui en cet instant devait y vivre et y transir.
(Incipit)
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Même si on l'aimait énormément, sa maman, on était gênée face à elle. On ne pouvait pas désigner telle ou telle chose qu'on aurait voulue différente chez elle, mais on était gênée malgré tout. Gênée, on l'était aussi face à son papa - bien qu'on soit encore plus copine avec lui, dans le fond.
p 175
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Nous sommes les joueurs de bois, attirés par des choses auxquelles nous ne résistons pas.
Le dépouillement et la nouveauté sont partout autour de nous. Un rocher se dresse dans l'eau ruisselante telle une hache silencieuse brandie dans l'air, qui tronçonne les temps pour que nous arrivions sans retard à destination.
Nous sommes attendus.
Un petit oiseau inconscient dégringole contre le rocher, gît dans la bruyère, agite à nouveau ses ailes et s'envole pour ne plus se montrer.
Nous sommes attendus.
Nous sommes entre les troncs blancs des bouleaux avant même d'avoir pu nous retourner. Nous étions là-bas, et nous voilà ici.
Nous sommes attendus. C'est ici que s'écoulera notre temps compté.
Un oiseau volette au-dessus de nos têtes. Une langue de terre plantée de bouleaux s'avance dans le lac. Notre temps compté.
p199


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-- Tu es jolie.
Alors elle se rapprocha, tout contre lui.
-- Maintenant, je comprends mieux pourquoi j'ai attendu si longtemps, ajouta-t-il.
Elle se tut tout le temps -- car elle avait un secret à lui confier. Elle s'approcha encore plus. Elle avait bougé le bras et ç'avait été un chant d'oiseau -- maintenant, elle tournait tout le corps, par sorcellerie.
Tournait tout le corps et il ne comprenait pas ce qui lui arrivait. C'était indicible. Elle s'approcha encore plus. Elle était tout près de lui, née d'une passée de bécasses. Elle était à lui.

[Tarjei VESAAS, "Fuglane" ("Les Oiseaux"), Gyldendal Norsk Forlag, Oslo, 1957, traduit du néo-norvégien (nynorsk) par Régis Boyer pour les éditions Pierre-Jean Oswald, 1975 -- réédité aux éditions Plein Chant, 1986, chapitre VII, pages 42-43]
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Il y avait une question,à laquelle elle devait répondre, à laquelle elle ne pouvait pas couper :
-Elle était comment ,Unn?
-Je l'aimais beaucoup.
Et pas un mot de plus.
Quiconque entendait ce témoignage de la tante sentait qu'il n'existait pas de plus belle phrase que celle-ci. Une phrase nullement fripée,bien que répétée des fois et des fois. p.103
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Aux yeux d’Unn, un monde ensorcelé se révélait, composé de monticules, de voûtes, de coupoles givrées, de courbes harmonieuses et de dentelures complexes. Rien que de la glace, sur laquelle l’eau, éclaboussant sans cesse, continuait son œuvre de construction. Les glaces, ayant barré certaines parties de la cascade, d’autres branches s’étaient créées, où se forgeaient de nouvelles improvisations. Malgré l’absence du soleil, c’était un éblouissement de couleurs, des jaillissements de bleus et de verts. Un froid de mort y régnait.
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Elle n'était pas méchante, elle était seulement à part. L'oiseau étincelant s'était si joliment reflété dans son visage.

[Tarjei VESAAS, "Fuglane" ("Les Oiseaux"), Gyldendal Norsk Forlag, Oslo, 1957, traduit du néo-norvégien (nynorsk) par Régis Boyer pour les éditions Pierre-Jean Oswald, 1975 -- réédité aux éditions Plein Chant, 1986, chapitre XIII, page 92]
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C'est alors qu'arriva le grand événement.
Tandis qu'il réfléchissait, voyant Hege s'en aller, il s'assit à sa place habituelle sur l'escalier de la maisonnette et regarda par-dessus le lac, vers les crêtes à l'ouest. L'eau était noire maintenant, et les crêtes s'assombrissaient. Un doux crépuscule d'été, dans le ciel et sur la terre. Mattis n'était pas insensible à de telles choses.
Leur maisonnette se trouvait dans un petit repli de terrain marécageux qui remontait du rivage. La forêtrde conifères était mêlée de bouleaux et de trembles. Un petit ruisseau dévalait la pente. Parfois, il semblait que cet endroit était d'une beauté comme il n'en avait vu nulle part ailleurs -- si peu qu'il se fût promené.
Peut-être était-ce là ce qu'il ressentit alors -- il s'évadait, en tout cas, les yeux écarquillés, laissant le crépuscule s'appesantir, à supposer que l'on pût appeler cela un crépuscule et non quelque chose d'ineffablement doux.
C'est à ce moment-là quarriva l'inattendu.
"De ce côté-ci du vent tout est tranquille", venait-il de penser tout en regardant au loin les deux cîmes des trembles et le ciel nocturne. C'était quelque chose qui passait parmi les cîmes, il s'imagina qu'il pouvait le voir, tant il faisait clair. Pas de vent, seulement quelque chose qui passait -- et le temps était si tranquille par ici que pas une feuille ne bougeait sur les trembles verts.
Et puis il y eut un petit bruit. Un cri soudain, étrange. Et en même temps, il perçut quelques brefs coups d'ailes rapides, là-haut, en l'air. Puis quelques appels étouffés dans un langage d'oiseau désemparé.
Cela passa au-dessus de la maison.
Mais cela passa aussi juste à travers Mattis.

[Tarjei VESAAS, "Fuglane" ("Les Oiseaux"), Gyldendal Norsk Forlag, Oslo, 1957, traduit du néo-norvégien (nynorsk) par Régis Boyer pour les éditions Pierre-Jean Oswald, 1975 -- réédité aux éditions Plein Chant, 1986, chapitre V, pages 31-32]
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Neige sur un visage

Il neige sans doute comme si le ciel était sauvage,
mais l'obscurité dissimule tout ce soir.
Et aucun bruit ne se mêle au crissement tranquille,
invisible, de la neige qui tombe.

Pas à pas, à l'insu de tous, un garçon avance
seul sur la route, nul autre.
Le long de la colline blanche, il quitte une fête,
fuit un œil qui en demandait plus.

Il fuit le beau rêve derrière l'étoffe
qui n'a jamais réchauffé sa main.
Mais les yeux ce soir eurent un éclat si étrange,
porteurs d'un message de terre promise.

Lentement, la neige s'écoule sur son menton,
l'égratignant doucement de son fouet
d'étoiles. Sa joie traverse la nuit nue. Son visage
brûle sous la neige fondue.
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Vis, notre rêve (3)
À qui parlons-nous
quand nous nous taisons ?
Nous en avons besoin
pour notre voyage inconnu.
Nous en avons besoin
de manière à le sentir à nos côtés
dans l'obscur
comme lorsqu'un bon ami y respire,
respire profond dans les nuits.
Plus loin que le lointain,
cela est plus proche que rien d'autre.
Dans le cœur intime du germe
où la lumière n'est pas,
mais rien que nous,
là où personne n'a été,
là où je suis toi
sans un mot.
Toi qui nais
dans la toute bruissante jeunesse.
Un jeune homme derrière la clôture
pourrait mourir pour toi
et le fait aussi en secret.
C'est pourquoi ton voile fin
peut être là comme les primevères
de la prairie un matin d'été.
Sans un bruit, tu disparais dans l'origine.
Telle est ta puissance secrète.
Soif neuf,
tu portes notre nom
et nos traits.
Tu portes nos vies
à jamais.
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Quand on voit une fleur qui nous est chère
piétinée, et humiliée et cassée,
mais
qu'on la voit se redresser,
trouver la santé, trouver des couleurs, devenir belle,
trouver la force de se lever

alors on ne trouve pas que la vie soit vaine.


( cité par Richard Rognet, dans " Les frôlements infinis du monde")
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Unn plongeait son regard dans ce monde magique fait d'aiguilles et de dents , de dômes galbés et de coupoles givrées, de courbes douces et de guipures alambiquées. Tout était de glace. (...) Tout étincelait.
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La fleur se dresse

Quand on voit une fleur qui nous est chère
piétinée et humiliée et cassée,
mais
qu’on la voit se redresser,
trouver la santé, trouver des couleurs , devenir belle,
trouver la force de se lever

– alors on ne trouve pas que la vie soit vaine
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