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Critiques de Tarjei Vesaas (143)
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Nuit de printemps

Nuit de printemps de Tarjei Vesaas,

une nuit de printemps particulière, où la chaleur alanguit l'esprit et le corps.



Une nuit pour explorer l'univers intime de Hallstein, jeune garçon de quatorze ans, témoin privilégié du ballet amoureux qui se joue entre Sissel, sa soeur aînée et Tore, le jeune voisin âgés tous deux de dix-huit ans.

Un ballet qui titille les sens de notre narrateur, le jeune Hallstein, alors que son imagination débridée le couronne maître d'un univers merveilleux et magique, prince du val des angéliques, son repaire et refuge, un vallon humide qui lui appartient tout proche de la maison familiale. Maison familiale désertée aujourd'hui par les parents, partis à l'enterrement d'un oncle dans une ville éloignée.



Une belle soirée en perspective, une soirée ennébulée, promesse de liberté et de sécurité dans la maison familiale vidée de toute autorité parentale, ouverte aux quatre vents, occupée par les seuls adolescents. Une soirée inespérée à peine enténébrée par le soleil de minuit, cette clarté rasante proche de l'heure bleue, l'heure entre chien et loup où illusion et réalité se confondent, prémices d'instants heureux à partager entre Hallstein et Sissel car Hallstein a décidé que Tore, le voisin énamouré n'y avait pas sa place.



Pourtant en cette ultime nuit de printemps, l'univers enchanteur du narrateur va être tourneboulé par un événement extérieur, un véritable maëlstrom va secouer toute la maisonnée et les signes cabalistiques répétés par Hallstein n'y pourront rien changés,en apparence, car au petit matin notre jeune garçon sera autre, aura gagné en maturité comme le fruit mûr de l'été qui va bientôt arrivé.



J'ai retrouvé avec joie l'univers de Tarjei Vesaas que j'avais déjà effleuré avec Les oiseaux, son écriture pudique, authentique aussi vibrante que la nature qui la nourrit et l'entoure.

Avec ce récit, il embobeline les lecteurs à travers les nombreuses dégaboulinations de ses personnages (petit clin d'oeil au traducteur Jean-Baptiste Coursaud).



Un auteur qui saisit à merveille les émotions de ses protagonistes et évoque avec talent le passage à l'âge adulte. Encore une fois l'immersion dans l'univers intérieur du narrateur est réussi, et nous l'accompagnons tout au long du récit. Hallstein confronté à des énigmes existentielles quitte peu à peu son univers magique en cherchant les réponses dans les réalités de la vie lors de cette longue et ineffable nuit de printemps. Un équilibre bouleversé à réinventer ...



Une lecture sensuelle, poétique, surprenante et fascinante entre rêve éveillé et réalité. Un enchantement sans aucun maléfices, un vrai bonheur.

Une nuit de printemps ou comment Etre dans ce qui s'en va ...



Nuit de printemps, publié en1954, a été adapté au Théâtre en 1992, puis au cinéma en 1976 par le réalisateur Erik Solbakken.

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Palais de glace

Les lectures récentes de Jon Fosse et de Karl Ove Knausgaard m'ont donné envie de continuer d'explorer les chefs d'oeuvre de la littérature norvégienne. Mon choix s'est porté sur les livres de Tarjeï Vesaas, nouvelliste poète norvégien du début du 20ème siècle. Parmi ses livres, deux romans semblaient particulièrement ressortir, deux romans d'après-guerre : Les oiseaux et Palais de glace.



Palais de glace, paru en 1963, est une très belle histoire, d'une grande poésie, celle d'une amitié absolue entre deux fillettes de onze ans dans un univers onirique, à la fois très réaliste mais aussi mythique.



«On était encore en plein après-midi, en fait. Pourtant tout était plongé dans la nuit en cette fin d'automne figée par le gel. Des étoiles mais pas de lune, pas de neige susceptible de produire des reflets nacrés – l'obscurité n'en était que plus dense, en dépit des étoiles.»



Unn arrive dans le petit village de sa tante à la fin de l'été. Ayant perdu sa mère, ne connaissant pas son père, la petite orpheline vit désormais chez cette vieille tante qui l'a accueillie.

La nouvelle écolière est particulière et se fait remarquer par la distance et la réserve qu'elle maintient entre elle et les autres enfants de l'école. Pourtant tous se sont efforcés de l'intégrer. Seule Siss n'a pas renoncé, obnubilée par cette fille dont l'inaccessibilité est certainement promesse d'une forte personnalité, voire d'un secret.

Elles finissent par s'inviter et à passer une soirée ensemble. Siss en apprend alors un peu plus sur Unn, dans l'intimité de sa chambre fermée à double tour. Elles se dévoilent, troublées, et tournent autour du mystère qui les attire l'une vers l'autre, mystère seulement effleuré, jamais révélé, contourné, enrobé par le silence et le trouble. Dans tous les cas, l'amitié entre les deux filles est désormais scellée.



Le lendemain de cette soirée importante, Unn décide de ne pas venir à l'école, craignant de gâcher la magie vécue quelques heures auparavant, et préférant retrouver Siss le surlendemain ce qui donnera plus de poids à leur retrouvaille. Elle décide ainsi de faire une grande balade, s'enfonce dans la forêt, remonte la rivière jusqu'à son embouchure où, là, une cascade a permis de former un palais de glace, formation hivernale dont parle toute l'école. Ce palais, aux reflets verts à l'ombre et orangés dès que le soleil y pénètre, s'avère somptueux, tarabiscoté avec ses d'alcôves et ses couloirs, ses goulets, ses dômes glacés au sommet. Unn, de pièce en pièce, va se perdre dans cette merveille labyrinthique. Elle ne reviendra pas, ne rentrera pas chez elle, emmurée.



« le soleil de leva au même moment, oblique et froid. Les rayons transpercèrent la glace, illuminèrent le fond brunâtre, la boue, les pierres, les plantes.

Aux abords de la berge, l'eau était entièrement gelée. Même la vase que recouvrait une pellicule blanche de givre et à laquelle se superposait l'épaisse couche de glace. Incarcérée dans ce bloc de glace, de larges feuilles en forme de sabre, de minces brins d'herbe, des graines, poussières et détritus descendus de la forêt, une fourmi marron aux membres écartés – le tout mélangé à des bulles d'air qui s'étaient formées dans la glace-acier et prenaient l'apparence de perles quand les rayons du soleil les atteignaient. Des galets noirs avaient roulé de la rive pour mieux se fixer dans cette masse, aux côtés de bâtons dépourvus d'écorce. Des fougères à la tige pliée, figées elles aussi, évoquaient des croquis d'une grâce infinie ».





A partir de ce moment, la disparition de la fillette va mobiliser tout le village qui organise le soir même des battues malgré le froid et la nuit. Siss étant la dernière à lui avoir parlé est particulièrement sollicitée dans cette recherche. Mais la fille ne peut révéler ce qu'elles ont partagé dans la chambre.



Alors que Unn est enfermée dans son imposant palais de glace, Siss sera elle enfermée dans le palais immatériel du souvenir, se promettant d'attendre son amie, et ainsi de ne plus se lier à d'autres enfants pour ne pas trahir leur amitié. le silence, le repli sur soi, le rejet est sa manière à elle de refuser de faire le deuil de l'absente…Promesse qui va se révéler de plus en plus lourde à porter au fil des jours et des semaines.





J'ai particulièrement aimé les descriptions de ces paysages hivernaux en froid extrême et figés par le gel. Ce sont des visions envoutantes, angoissantes aussi, lorsque le silence est entrecoupé de craquements qui montrent la progression de la glace.

Par ailleurs, la façon dont l'auteur met en valeur la sensibilité des deux filles, tout en retenue, pudeur, nuances, est d'une grande délicatesse et d'une étonnante singularité. Le lecteur doit deviner certains secrets, certains sentiments laissant libre cours à notre propre imagination, à notre propre interprétation. Cela peut être déstabilisant et agaçant, ou au contraire être la clé du charme qui se dégage du livre, selon les lecteurs.



La plume de Tarjeï Vesaas, qui sait saisir les subtiles nuances de la lumière, les transformations progressives du paysage, qui sait capter les plus insaisissables mouvements de l'âme, construit dans tous les cas une dentelle d'une pureté absolue, à l'image de ce palais aussi beau que dangereux, source d'émerveillement, de communion, d'amour, mais aussi de douleur et de mort. Il a une dimension à la fois réaliste et symbolique. Un monument qui d'un palais d'images magnifiques se fait mausolée du souvenir. Aussi beau que mortifère.



Un voyage en terres norvégiennes très dépaysant où l'indicible narré avec élégance et délicatesse, entre en résonance en nous de façon troublante !



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Les Oiseaux

Les oiseaux, roman de Tarjei Vesaas édité en 1957 et traduit par Régis Boyer nous emmène dans une région norvégienne verdoyante et lacustre, peut-être le Tellmark, au sein d'une modeste maisonnée pour partager la vie de Mattis et Hege, un frère et une soeur célibataires endurcis.



Mattis, un coeur pur et un esprit simple, surnommée « La houpette », un vieux garçon de trente sept ans à la charge de sa soeur aînée, besogneuse et, attentive aux humeurs de son frère.



Les oiseaux c'est le récit de la perception du monde extérieur par Mattis ( milieu qui peut s'avérer hostile ou généreux) et la découverte de son monde intérieur.

Le passage entre les deux mondes est assurée par des signes perçus, présages d'événements à venir, de changement irrémédiable.

Le symbole de cette liaison, la passée de bécasses.



Oui, la bécasse, l'oiseau le plus intelligent des volatiles devient l'amie de Mattis et il décrypte dans la boue le message qu 'elle lui a laissé:

« Tu es toi, voilà ce qui était écrit.

C'était vraiment une salutation.

Il chercha un petit bâton et marqua une réponse dans une tâche intacte de vase. Il n'employa pas de lettres ordinaires, c'était pour la bécasse, n'est-ce pas? aussi employa-t-il l'écriture d'oiseau lui aussi. »



La bécasse, est-elle l'oiseau de mauvais augure ou l'animal totem de Mattis?

Dans tous les cas elle représente l'intelligence des sens de Mattis.

Ce texte construit comme un tryptique nous conte le devenir d'un homme qui prend son envol et qui quittera peut-être son nid.

Il parle aussi d'un trio, de liens qui se tissent entre les protagonistes de cette histoire.

Dans tous les cas, il y a un avant et un après la passée de bécasses.



J'ai été très touchée par l 'écriture de ce texte, tout en finesse et en retenu, par l'authenticité et la pudeur, le respect manifesté par Tarjei Vesaas pour nous présenter son héros, cet homme pas comme les autres, différent.

J'ai aimé partager sa vie quotidienne, ponctuée de tentatives matérielles, pressé par sa soeur pour gagner sa vie et l' alléger: ouvrier agricole lorsqu'il démarie les raves, bûcheron lorsqu'il s'essaie à la coupe, passeur d'une rive à l'autre du lac proche de leur maisonnée...

J'ai aimé suivre ses interrogations métaphysiques et existentielles et assister à la naissance de sentiments nouveaux pour lui, l'amour, la haine et la complicité.



Un roman très émouvant dont le dénouement est surprenant



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Palais de glace

Une magnifique histoire,pleine de magie et de poésie,qui nous vient du froid,d'un auteur norvégien, Vesaas(1897-1970),"le magicien de l'indicible ".

Un conte sur une amitié absolue, scellée en une nuit entre deux fillettes de onze ans, qu'apparemment tout sépare.Une nuit dont elles n'en sortiront pas indemnes.

Dans un paysage de glace ,où "une cascade transformée en sculpture grâce au froid intense" devient un palais, un palais au coeur du roman,où "des joueurs de bois avec leurs instruments", peuplent les bords de route,où "une nuée de créatures noires ondulent au gré de la couche de neige ",dans l'obscurité....se déroule un drame dans un silence absolu. Oui ça fait froid au dos, mais que c'est beau!

Un monde où les petits respectent petits et grands,et les grands respectent grands et petits, un monde où la pudeur est maître ("C'avait été le temps de la neige,le temps de la mort et des chambres fermées-et puis trois fois trop vite,pof on se retrouve de l'autre côté de ce temps,avec de la buée dans les yeux tellement on est contente,tout ça sous prétexte qu'un garçon vous a dit" Toi et tes fossettes, alors."), ...est-ce un monde disparu ou un monde rêvé ?

Qu'importe, Vesaas va droit au coeur de l'enfant en nous.

C'est son deuxième livre que je viens de lire après " Les ponts",que j'avais également beaucoup aimé.Toujours cette même prose, très poétique dans une nature sauvage,celle de son pays , une richesse innouie de détails et de symboles ,le mystère de la vie au-delà des apparences, c'est magistrale,de la grande littérature,que dire de plus.
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Palais de glace

Un saule penché sur le ruisseau,

Pleure dans le cristal des eaux

Ses feuilles blanches

Ophélie tressant des guirlandes

Vient présenter comme une offrande

Des fleurs, des branches....



La mort d'Ophélie, Johnny Hallyday, Hamlet (1976)



Histoire de l'attirance

tréfonds de la jeune enfance,

marque d'une certaine insouciance,

ni rebellion, ni défiance

réel manque d'assurance.



promesse solenelle et silences

stalactites, glace, transparence

Interstice à la méfiance

baisse de la vigilance

sonne l'heure de la résilience

et enfin... les vies dansent.



Lecture au coin du feu chez les scandinaves résidences

Sonne comme un air de Renaissance

pas sûr que ça se lise comme une romance

Etre ou ne pas être, question d'existence

Nature à dimension Symbolique ,

à mon goût trop de concupiscence

c'est là qu'il y a un hic !...















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Palais de glace

Entre la timide Unn et la pétillante Siss, l’alchimie fût presque immédiate. Les deux fillettes de tout juste onze ans surent tout de suite que leur amitié serait grande et unique. Une attirance mêlée de fascination les a conduit l’une vers l’autre pour les lier à jamais. Alors, pour sceller cette complicité naissante, Unn décide d’inviter Siss chez elle. La rencontre est intense, mais l’excitation et le désir d’aller trop vite dans la découverte l’une de l’autre ne leur épargne pas quelques petites déceptions, laissant les deux jeunes filles frustrées, inassouvies…





Pour se remettre de ces émotions trop fortes, Unn décide, malgré son envie d’être avec Siss, de faire l’école buissonnière le lendemain de leur rendez-vous. Ses pas la conduisent vers la cascade, que le gel a transformée en véritable palais de glace, tout droit sorti d’un conte de fées. S’introduisant à travers les crevasses, Unn se lance dans l’exploration de la fascinante bâtisse. Mais les salles sont nombreuses, étourdissantes de beauté et de majesté et le froid est traître… Derrière son apparente splendeur, le palais pourrait bien cacher un tombeau…





Tout d’abord, je tiens à remercier chaleureusement les éditions Cambourakis d’avoir réédité ce petit bijou, classique de la littérature norvégienne, injustement tombé dans l’oubli ! « Le palais de glace » vient de m’offrir un pur moment de plaisir. Sous des dehors apparemment simples, voire enfantins, la langue cache en réalité une poésie et une beauté incroyables ! L’émotion qu’elle dégage est d’autant plus forte qu’elle est insoupçonnée, pleine de tact et de finesse. On avance aux côtés de Siss, seuls témoins de la promesse qu’elle a faite à Unn de l’attendre toujours et totalement impuissants face à sa détresse.





Un texte qui, sous ses allures de conte cruel nous parle de sujets forts et délicats tels que l’amitié dans ce qu’elle a de plus passionnée, exclusive, mais aussi de la solitude, du deuil et de la dépression. Ce décor de village perdu au milieu de rivières et de forêts et figé par le froid nordique confère au récit une atmosphère à la beauté irréelle, sublime et dangereuse. Un univers dans lequel la nature reprend ses droits et se révèle indomptable. « Le palais de glace » est un roman bouleversant, tragique et cependant lumineux sur l’enfance, l’amitié et la solidarité entre les hommes. Une merveille à découvrir absolument !
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Palais de glace

Je n’ai pas du tout su apprécier « le palais des glaces » de Tarjei Vesaas, je me suis ennuyée, ce moment de lecture n’a pas été convaincant pour moi, la magie n’a pas opérée.

L’amitié fulgurante scellée en une nuit entre deux petites filles Siss et Unn nouvellement arrivée chez sa tante à la suite de la mort de sa maman sera dès le lendemain mise à mal par la disparition de Unn. La recherche de la petite fille par le village entier, adultes comme enfants ne m’a rien apporté, le mutisme de Siss pour respecter un pacte ne m’a pas émue et je dirais même que cela m'a agacée. Bref, rien n’a retenu mon attention positivement sauf les paysages qui m’ont fait rêver. Le palais de glace est décrit avec un tel réalisme que je l’ai vu sans aucune difficulté et j’en ai été émerveillée mais malheureusement c’est la seule chose que j’ai appréciée.

Ce n’est pas le style de lecture avec lequel je me sens bien, mon avis est donc biaisé et comme j'ai pu le voir, il y a beaucoup de très bonnes et belles critiques.

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Les Oiseaux

Mattis est surnommé " le benêt ". Simple d'esprit ? Autiste? Je dirais que le terme d'homme-enfant est celui qui lui correspond le mieux. Il est à peine plus jeune que sa sœur, Hege qui a 40 ans,avec laquelle il vit et qui s'occupe de lui comme une mère. Ils'en rend bien compte et aimerait l'aider en travaillant mais il n'y parvient pas. Toutes ses tentatives se soldent par un échec. Il aimerait tant être " fort et futé " comme tous les gens qu'il rencontre! Lui cependant, sait comme personne, observer la nature et les signes qu'elle lui envoie. Lorsqu'une becasse choisit le toit de leur maison pour y faire sa parade nuptiale il sait que plus rien ne sera comme avant. Peut-être du nouveau avec les filles? Il y pense souvent...Le changement ne va,en effet, pas tarder mais pas du tout comme il aurait pu l'imaginer. Ses pensées se bousculent,le heurtent et le perturbent . Les évènements vont peu à peu le guider vers la solution que la nature decidera pour lui,il s'en remet entièrement à elle.

Ce roman écrit en 1957 n'a pas pris une ride. Tarjei Vesaas nous parle avec une grande sensibilité du monde intérieur d'un homme pas comme les autres et de son regard sur le monde des forts et futés...et ,bien sûr, en miroir celui de ces gens sur lui. Le croisement de ces deux mondes reste aujourd'hui toujours difficile.

Comme dans Le palais de glace, l'auteur dépeint la nature avec beaucoup de grâce mais aussi de mystère.
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Palais de glace

Le printemps approche et avant de quitter cette saison, j'ai eu envie de rester dans une ambiance hivernale avec ce roman de l'écrivain norvégien Tarjei Vesaas.

« le palais de glace » est pareil à un songe glacé. C'est un conte d'hiver, de glace et de neige qui aurait pu commencer par « Il était une fois ».

Pourtant, comme beaucoup de conte de fées, cette histoire n'est pas joyeuse, au contraire. Tarjei Vesaas parle d'amitié profonde, de perte, de décès et des sentiments de culpabilité indissociables du travail de deuil. Il évoque aussi avec beaucoup de retenue, la période délicate de l'adolescence et la sexualité pré-pubère.



*

Cette histoire, qui se concentre sur l'amitié entre deux fillettes, nous entraîne dans un village isolé de Scandinavie. Un monde sous cloche où la vie y est paisible, calme, rythmée par les changements de saisons : la glace, l'arrivée de la neige, le redoux.



Siss est intriguée par le comportement solitaire et secret d'Unn, une nouvelle élève du même âge. Effectivement, la fillette se tient délibérément à l'écart des autres enfants, ne cherchant pas à s'intégrer au groupe malgré les sollicitations de Siss. Alors, lorsqu'Unn l'invite chez elle pour la soirée, Siss sent qu'elles vont enfin pouvoir devenir de très bonnes amies.

En effet, quelque chose se passe alors qu'elles sont toutes seules dans la chambre, échanges, secrets, promesses, un lien indéfectible se tisse. Mais alors qu'elles jouent, Siss décide subitement de rentrer chez elle, cette intimité nouvelle devenant trop inconfortable pour elle.



Le lendemain, sur le chemin de l'école, Unn disparaît inexplicablement. Siss se sent alors responsable. Elle va alors vivre son deuil et sa souffrance à sa façon et à son rythme, portant le lourd fardeau de la mémoire d'Unn.



« Je te promets de ne penser qu'à toi.

Je penserai à tout ce que je sais de toi. Quand tu étais à la maison, à l'école, et sur le chemin de l'école. Toute la journée je penserai à toi, et aussi pendant la nuit, si je me réveille. »



L'absence de cette fillette la rend encore plus présente à nos yeux.



*

Cette histoire est touchante, à sa manière d'instaurer un climat emprunt d'une douleur intérieure. On comprend le manque, la culpabilité et la solitude de Siss par ses silences et son besoin d'isolement.

Les saisons qui passent, de l'automne au printemps, les changements physiques de la cascade constitueront une forme de catharsis.



Si on lit cette histoire du point de vue d'un adulte, les réactions de cet enfant peuvent étonnées, agacées, mais si on la lit du point de vue d'une enfant de onze ans, ses réactions sont alors parfaitement compréhensibles et logiques.



*

Cette histoire m'a séduite par son décor hivernal, sa beauté étrange et mystérieuse, et ce voile de tristesse et de mélancolie.

J'ai adoré les descriptions des paysages nordiques, le changement de saison, ce froid extrême qui pétrifie la forêt, solidifie le lac, paralyse la chute d'eau et enveloppe le lecteur d'un épais manteau de neige. La beauté des paysages glacés et figés que nous dépeint Tarjei Vesaas génère une sorte de torpeur, de lenteur, mais aussi une angoisse imperceptible et latente.

La raison principale est la présence d'une cascade gelée à proximité du village. Elle ajoute une force étrange, mystérieuse, obsédante, mais sombre, sinistre. Son apparence changeante, à la fois inanimée et prête à s'éveiller, s'animer, se transformer, se moduler, s'ouvrir et se refermer, la rende vivante, hypnotique, grondante, menaçante, et même monstrueuse.

L'image qui me vient à l'esprit pour la décrire est celle d'un poumon qui se gonfle, se rétracte, crépite.



Son existence laisse des traces ineffaçables entre les lignes du roman. Et même lorsque le récit s'éloigne d'elle, mon esprit me ramenait sans cesse à ce Palais des glaces, comme s'il m'attirait et m'emprisonnait dans ses serres invisibles.



« Un palais ensorcelé. Il fallait essayer d'y pénétrer si, toutefois, on pouvait trouver une entrée ! On y découvrirait sûrement une quantité de passages et de portails étranges. Il fallait y aller. »



Mais ce palais de glace a également un aspect fragile et éphémère, car il peut se disloquer à chaque instant au moment du dégel.



« Personne ne put être témoin de la fin du palais. Cela se passa pendant la nuit, lorsque les enfants étaient couchés. »



*

L'écriture m'a saisie aussi par sa poésie et sa froidure. La prose de l'auteur, onirique, minimaliste, métaphorique, pleine de symboles est magnifique.



« Elle voyait bien qu'il ne s'agissait que de l'eau, mais malgré tout, cette pièce n'était que pleurs. Une lourde oppression la gagnait. Ce n'était pas ici qu'elle serait capable de lancer un appel, pas plus qu'en recevoir. »



Toute cette glace crée un mur de silence qui fait barrage aux émotions. Je dois avouer que la poésie de l'auteur n'a pas réussi à m'emporter entièrement. le coup de coeur n'était pas très loin, mais le mutisme de Siss m'a un peu gênée, j‘aurais aimé me plonger dans ses pensées pour davantage m'attacher à elle.

Mais faut-il s'attacher aux personnages pour apprécier un roman ? Certes non, en ce qui me concerne.



*

Pour conclure, le résumé nous présente ce roman comme un chef-d'oeuvre de la littérature scandinave. Je n'irai pas jusque là. Néanmoins, la plume poétique de Tarjei Vesaas a su retranscrire le froid, la beauté de ces paysages enneigés pour en faire un très beau roman d'ambiance.

J'ai adoré les descriptions du palais laissant couler ses larmes de glace.

J'ai aimé ces moments suspendus, ces silences, ce mélange de rêves et de réalité.



Mais, ce roman pourrait aussi laisser de glace. Les non-dits, les émotions peu exprimées peuvent laisser un sentiment d'inachevé tout comme séduire, offrant une belle impression feutrée et irréelle.

Je vous laisse en juger par vous-même, mais ce qui est sûr, c'est que ce roman ne laisse pas indifférent.
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Palais de glace

Juste une remarque avant de donner mon ressenti: j'ai le livre en Editions Babel et la première de couverture est bien plus jolie et évocatrice que celle de Garnier Flammarion. Dommage qu'on ne puisse pas la mettre... Le visage fin d'une fille, au regard énigmatique, sous la glace, entourée de cristaux de givre...



Ce livre, qui au départ ressemble à un conte d'Andersen, on y entre ou pas. Le Palais de glace, on y pénètre ou pas. Ce récit symboliste, très poétique, hanté par la mort, les promesses d'enfant, l'amitié étrange et puissante, les forces d'une nature gelée, dangereuse, peut ne pas plaire, déconcerter, rebuter. Il faut se laisser glisser dans ce monde imaginaire, et pourtant proche de nos coeurs, de nos sensations. Il faut laisser les rêves se libérer et la glace finalement fondre...



Je sais, mon ressenti semble bien flou, peu explicite. Mais c'est ce que le livre provoque en moi. Unn et Siss flottent devant mes yeux, main dans la main, tremblantes et ardentes. Au-delà du miroir...



J'espère que vous connaîtrez la même magie en le lisant. Merci à toi, Idil.
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L'arbre de santal

Tarjei Vesaas est un écrivain norvégien. L’arbre Santal est l’un de ses premiers romans.

Une famille norvégienne composée du père, Magnus, de la mère : Hilde, d’un garçon : Egil et d’une fille : Margit.

La famille va s’agrandir car Hilde est enceinte. Les enfants heureux décident que ce serait un garçon qui se prénommera Livind.

Magnus est écrivain, enfin il tente de l’être, il rédige également des articles dans la presse. Les camarades des enfants ironisent à dire qu’il ne s’agit pas d’un vrai métier comme le pourrait être menuisier ou bucheron ! Néanmoins, la famille peut vivre des revenus du père.

Hilde est morose, souvent son regard se perd dans le vide. Que se passe-t-il ?

La mère est un socle dans une famille surtout pour les enfants. Or, Hilde est instable, et semble même capricieuse.

Un jour, elle prend une décision et veut que son époux l’emmène elle et ses enfants en voyage. Magnus est attentif et pense que cette escapade pourra améliorer la santé mentale de sa femme.

Les voici donc tous les quatre embarqués dans un train, puis un autre.

Hilde semble heureuse et chacun est rassuré de penser que la mère va retrouver sa joie de vivre.

Malheureusement, celle-ci continue de se laisser glisser dans la mélancolie obligeant les enfants à se prendre en charge, à être autonome voire à s’occuper d’elle, à lui trouver des distractions, à pallier ses caprices.

Le voyage dure longtemps, il est souvent effectué à pieds, fatigant.

Cette fatigue n’est pas seulement due aux nombreux pas faits dans une journée mais aussi à l’attention que requiert Hilde.

La maman est un repère, il lui arrive d’être solide et enracinée tel un arbre aux branches vives auxquelles on peut s’agripper. Seulement l’arbre qui représente Hilde est souvent fragile et ploie sous le vent.

Ce voyage est un chemin initiatique pour chacun d’entre eux et il y a tant à apprendre durant ces marches interminables et face aux manquements de la mère.

Au cours de la lecture, il m’est arrivé de porter un jugement sur cette femme, à ne pas très bien comprendre sa puérilité. C’est en fin de roman que j’ai compris que cette mère avait une grandeur d’âme immense à agir ainsi durant ce voyage. J’ai compris qu’elle préparait, qu’elle éduquait, qu’elle permettait aux enfants d’atteindre l’autonomie afin de mieux appréhender la vie et ce qui les attendait dans un futur proche.

Si le roman est par moments déroutant, il prend au fur et à mesure de son avancée tout son sens, et ce en toute simplicité.

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Nuit de printemps

Première incursion dans l'univers de cet auteur norvégien, merci, Idil, pour cet envoi!



Juste quelques jalons pour présenter l'oeuvre: durant une nuit printanière, époque où il fait encore jour dans les pays scandinaves, deux adolescents, Hallstein, 14 ans, et sa soeur Sissel, 18 ans, seuls chez eux, vont vivre des moments uniques, en raison de la venue inopinée d'un groupe de personnes.



Je suis assez partagée car certains aspects du livre m'ont beaucoup plu, d'autres moins...



Commençons par le négatif : dans ce huis-clos, ce qui m'a de plus en plus hérissée, ce sont les conversations décousues, quelquefois peu compréhensibles, avec des phrases souvent inachevées, des personnages. On comprend bien que le symbolisme est important chez cet auteur, mais il devient à certains moments hermétique. De même que les agissements des uns et des autres, bien étranges. En tout cas, le personnage d' Hjalmar est remarquablement présenté car le lecteur, tout comme les protagonistes de l'histoire, finit par ne plus le supporter non plus!



Par contre, j'ai adhéré à l'écriture , magique, sensuelle, tout en nuances. La fusion des êtres avec la nature sauvage est rendue avec justesse et poésie. Le val aux angéliques où Hallstein aime se rendre, quel enchantement!



J'ai aimé aussi la manière délicate et subtile dont l'auteur nous fait apparaître les changements qui s'opèrent dans le corps et l'esprit de Sissel et d'Hallstein , en l'espace d'une nuit. Perçue comme rite d'initiation, passage à l'âge adulte, la rencontre avec ces gens bizarres sera déterminante pour eux. Comme un rêve éveillé...tout en langueur et émoi.



Même si mon avis est un peu mitigé, j'ai envie de découvrir davantage cet auteur attachant et singulier. Peut-être avec le plus connu de lui, " Palais de glace". Si vous me conseillez autre chose, je suis prenante!



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Palais de glace

Tarjei Vesaas (1897-1970) est un auteur norvégien qui obtient plusieurs prix littéraires dont le prix du Conseil Nordique pour le roman « Palais de glace » édité en 1963.

Il était une fois dans un pays froid où la glace forme des cathédrales et des palais enchantés que Siss et Unn deux jeunes adolescentes, deviennent amies. Nous avons la chance de partager l’intimité de la genèse de cette amitié.

Quels en sont les ingrédients ?

Plaire! Donner ! Recevoir !

L’être humain a néanmoins un processus naturel en lui qui le fait « douter », « se méfier »! Toutes ces composantes ont édifié une amitié d’une force inouïe.

Ce conte regorge de valeurs humaines telles que la fidélité, la promesse, le respect, l’attachement. L’absence ne signifie pas l’éloignement. On peut être distant et pourtant très proches. La solitude ne fait pas office d’exclusivité car la présence de l’absent peut prendre des proportions tout à fait réelles et habiter l’esprit de façon omnisciente.

L’insouciante de l’enfance est conté d’une belle écriture. On ressent le froid de la glace tout en sentant le moelleux d’une prose sensible tout en finesse. Un livre à lire sans hésiter.
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Nuit de printemps

LA VIE, PAR PETITES TOUCHES.



De Tarjei Vesaas (prononcer, à peu près, "véssauss' ", le son "z" n'existant pas en néo-norvégien), le public français connait essentiellement ses deux chefs-d'oeuvre - ce qui n'est déjà pas si mal, tant les littératures du grand nord furent longtemps méconnues et maigrement traduites chez nous avant l'engouement parfois un rien excessif pour leur veine policière contemporaine, mais là n'est pas le débat - que sont : Palais de Glace, édité de longue date chez Flammarion ainsi que le bouleversant et intemporel Les Oiseaux, longtemps proposés et défendus (bec et ongles, oserons- nous ajouter) par un seul petit éditeur-imprimeur charentais courageux : Les Editions Plein-Chant. Aujourd'hui, ce titre magnifique est aussi proposé en version poche, ce qui est une très bonne chose, mais ces petites maisons d'éditions sont dans de telles situations de survie économique qu'il semble essentiel de rester attaché malgré tout au premier passeur de cet incroyable roman.



Aussi est-ce toujours une stupéfiante bonne nouvelle que de découvrir un titre jamais publié en France de cet auteur trop rare. C'est ce qu'on réalisé les confidentielles mais néanmoins excellentes éditions Cambourakis en 2015 en donnant une première traduction en français d'un livre pourtant majeur de cet écrivain : Nuit de printemps.



Comme bien souvent chez Vesaas, le prétexte de l'histoire tient en quelques lignes : un frère et sa soeur, s'aime d'amour (fraternel) tendre pourrait ajouter le poète, plongés qu'ils sont en pleine adolescence mais en ses deux extrémités opposées. Hallstein, quatorze-ans, achève ainsi de quitter les rivages fantasques de l'enfance tandis que son aînée, Sissel, dix-huit ans, aborde à pas comptés l'age des adultes. Cette nuit-là, ils se retrouvent provisoirement seuls dans leur petite maisonnée familiale, en pleine nature et même si le plus proche village n'est qu'à quelques encablures. La jeune femme en est aux premiers flirts tandis que le garçon s'invente encore des amies parfaitement imaginaires.



C'est le printemps. Sans doute même, l'approche de l'été. Pour qui n'a vécu sous ses latitudes ou ne s'y est jamais rendu à cette période, il faut oublier impérativement nos printemps de zone tempérée. Là-haut, et même si le Telemark où se situe fort probablement l'action lieu de vie de son auteur, est une région du sud de la Norvège, le printemps y est une véritable explosion de vie, de couleurs, de lumières. Et bien que les éclaircies y succèdent inexorablement aux averses (et inversement), le jour pénètre la nuit jusqu'à fort tard, donnant à l'ambiance du monde une saveur mystérieuse que l'on ne peut retrouver nulle part ailleurs. Les toiles d'Edvard Munch, le grand artiste de la première modernité scandinave a parfaitement exalté ces atmosphères quasi incandescentes dans des oeuvres malheureusement moins connues chez nous que son célèbre "Cri". La pluie, le soleil, la lumière, l'étrangeté mystique du monde et de la nature, cette explosion verte et vive de vie renaissante après une trop longue période de tristesse grise et sombre, de mort : voilà ce que retranscrit, par petites touches successives et délicates, ce grand poète et écrivain qu'était Tarjei Vesaas.



Rien ne préfigurait le bouleversement qu'allait alors connaître nos deux jeunes gens. Il aura suffit d'une vieille guimbarde en panne, d'une femme enceinte et prête à accoucher, d'une famille qui se déchire copieusement, sans qu'on sache réellement pourquoi, sinon que les tensions internes y sont monnaie courante et effrayantes, pour qu'explose le drame. Seule la plus jeune, une adolescente de treize ans nommée Gudrun et affublée d'une étonnante frange de cheveux bruns, semble tenter de s'abstraire de cette furie domestique. Gudrun. le portrait même, jusqu'au nom, de cette jeune amie imaginaire que s'est créé le solitaire Hallstein. Lorsque songe et réalité se rejoignent.



On ne saura rien de ce qui a pu déclencher une telle tempête. On n'en aura que de minces bribes, assénées ici et là sans qu'on s'y attende. On se retrouve pourtant mêlé, comme les deux jeunes gens, à cette vie qui est nous étrangère et proche à la fois. Comme si Vesaas avait le pouvoir pour ainsi dire magique de nous faire pénétrer le saint des sains d'une longue histoire intime sans que cela nécessite pour autant d'en alourdir la réalité tangible par l'évocation laborieuse d'une multitude de faits qui se seraient juxtaposés, superposés, accumulés au fil des semaines. Est-il si indispensable de connaître la source d'un cyclone lorsque vous vous y trouvez impliqué sans que vous ayez eu le temps de vous en prémunir ? Est-il possible d'en dévier le cours ? de l'apaiser ? Non : il faut seulement tenir et, lorsque c'est possible, protéger. C'est ce que vont faire, d'une certaine manière mais sans en avoir la prescience ni même la conscience, nos beaux adolescents. C'est aussi la vie et la mort qui vont se succéder sous ce toit. C'est une petite part de la folie des humains. C'est une incoercible incompréhension entre des êtres qui ne se connaissent pourtant que trop qui va entretenir les vents mauvais du conflit. Ce sont des petits riens qui vont permettre de faire pourtant avancer l'horloge de l'existence. C'est le pire et le meilleur de toute existence qui vont trouver résolution, aussi imparfaite que la vie elle-même. Un épilogue parmi des millions d'autres envisageables. Et pourtant le seul possible.



Il est impossible de résumer parfaitement les livres de cet immense écrivain norvégien parce qu'ils parviennent, extra-ordinairement, à raconter la vie, la vie dans ce qu'elle a de plus éternel, immédiat et simple, dans ses moments d'apparence si ténue, si fragile, dans ses explosions d'amour ou de haine les plus inattendus et prévisibles à la fois, parce que les gens qu'on y croise, on pourrait tout aussi bien les rencontrer au coin de la rue, parce que ce chantre de la nature sait le langage des fleurs et des ruisseaux, parce qu'il connait le visage des arbres, parce que nul ou bien peu - étrangement, je pense à un écrivain pourtant inattendu ici comme André Dhôtel - ont su, comme cet homme fait, évoquer la grâce et les tourments de l'adolescence. Parce que tout y est dit à partir de presque rien. Mais de ce presque, Tarjei Vesaas fait des prodiges. Et lorsqu'on tombe une fois dans ces livres-là, qu'on en comprend les prémisses et les intentions, qu'on cesse d'être interloqué par ce style allusif, symboliste, imperceptiblement évocateur, jamais on ne s'en remet tout à fait. Pour son plus grand bonheur. Pour une espèce de joie intérieure qui ne vous quitte plus vraiment.



Nul doute que d'autres chroniques consacrées à cet homme reviendront ici tôt ou tard. C'est chaque fois miraculeux !

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Les Oiseaux

Pour "Les Oiseaux" ["Fuglane", 1957], Mattis et Hege sont bien un "couple" (frère/sœur) indissociable (*) mais c'est le seul point de vue (et mode de pensée) de Mattis le "simple d'esprit" — dit "Mattis La Houppette " — qui sera donné en partage par le discret Tarjei VESAAS (1897-1970), auteur discret dont on avait déjà révéré "Le Germe" ["Kimen", 1940] (âpre et violent roman symboliste laissant deviner l'entrée dans la nuit de la guerre pour la Norvège rurale), "Le Vent du Nord" ["Vindane", 1952] (un recueil d'une quinzaine de nouvelles déchirantes, fréquemment réédité) et bien sûr le justement célèbre diamant noir que demeurera son "Palais de Glace" ["Is-Slottet", 1963] pour l'éternité... Je sais cependant que je m'émerveillerai encore de découvrir l'également troublant — et poétique — "Les Ponts" ["Bruene", 1966], situé comme le fameux "Palais" en cette étrange lisière séparant le monde des morts et celui des vivants... mais que je ferai lâchement l'impasse sur "La barque le soir" ["Båten om Kvelden", 1968], un écrit tardif d'inspiration autobiographique (que je trouve, moi très humble plouc, à peu près illisible)...



Mattis décourage : il ne sait pas bosser correctement... plus de quinze minutes lui est difficile... pourtant il veut bien faire ! Il est à la charge de Hege, sa sœur qui le fait vivre de ses travaux acharnés d'aiguilles à tricoter... et il n'en peut plus de se sentir inutile et "à charge" de quelqu'un... Le cœur de Mattis est universel.



L'écriture y est sourdement poétique ; les "petits détails vrais" fourmillent (comme chez Simenon) ; bref, on est dans le Grand Art... mais depuis 2011 sylvie, lilicrapota, falachan, myriampele, Loutre_des_Rivieres, VanessaK, VanessaV, Liligalipette, GrandGousierGuerin (soit les neuf amis Babéliotes nous ayant précédé dans le champ électromagnétique de nos attractions tarjeivesaasiennes... ) vous l'expliqueront bien mieux que moi... et avec infiniment plus d'arguments ! Evidemment, c'est un livre impressionniste qui dépasse largement cette pensée née du spectacle d'une passée de bécasses au-dessus de la maison : "C'est beau, la Norvège, le soir"...



Mettez donc de côté un temps vos Lydie Vargas, vos Fred Salvayre, vos Yasmina Despentes, vos Virginie Khadra, vos Michel Foenkinos, vos David Houellebecq (etc. etc.) : tous ces machins à peu près écrits comme l'as de pique... Substituez-leur un moment la découverte des œuvres — et de la poétique unique — de Tarjei VESAAS "l'oublié"...



(*) Au fil de notre lecture — repensant beaucoup à l'exceptionnel film de Fredi M. Mürer (suisse de langue germanique) : "L'âme sœur"... Présence du "Fatum" dans tous les recoins brumeux d'une ferme d'alpage isolée ou d'une humble maisonnette sur le rivage d'un fjord...

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Palais de glace

Siss et Unn sont deux fillettes très différentes. La première est populaire et entourée d’amis. La seconde est solitaire et inaccessible. Pourtant, il se noue entre elles une amitié inexplicable et incommensurable. Une amitié si pure qu’elle ne peut pas exister ailleurs que dans la glace, qui saura la préserver à jamais. « La glace qui couvrait le lac était si étincelante qu’elle ne semblait pas exister. Une glace d’acier. Pas le moindre flocon de neige n’était tombé depuis sa formation. » (p. 61) Ce sentiment est si fort que les deux enfants prennent peur. Unn, pour échapper à la pression incontrôlable d’une trop grande joie choisit de faire l’école buissonnière et de se promener sous les arcades mystérieuses de la cascade gelée. L’indicible se produit et il ne reste plus que Siss qui, pour ne pas oublier Unn, se fait une promesse démesurée. « Dehors, la neige continuait à tomber, comme pour effacer Unn et tout ce qui se rapportait à elle. » (p. 109)



Dans ce texte très court, Tarjei Vesaas déploie une symbolique du froid qui confine à l’allégorie, voire à la mystique. L’amour, la mort, l’absence, ce sont trois états que les mots ne peuvent pas cerner, mais par touches, par éclats, il est possible d’en approcher le profond mystère. Palais de glace est un texte éminemment poétique, aux accents de légende et de drame antique. Pour moi qui aime tant l’hiver et le froid, ce roman est aussi précieux et unique qu’un flocon de neige.

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Les Oiseaux

Mattis vit depuis toujours à la charge de sa soeur, Hege. Il ne travaille pas et est très peu capable de mener à bien une tâche. Au village, tout le monde l'appelle La Houpette. Et Mattis déteste ce surnom : il sait qu'il est idiot et qu'il cause du souci à sa soeur. « Une voix monta en lui : C'est moi qui ai fait grisonner Hege. Ainsi, peu à peu, la vérité l'accabla. Il eut profondément honte de sa conduite. » (p. 29) Mais les résolutions de Mattis ne tiennent jamais longtemps. Il suffit qu'une bécasse passe au-dessus de la maison et il se prend à rêver que tout va changer. C'est là le grand défaut de Mattis : il rêve et il espère trop. « Je vais finir par me tuer à force de penser, répondit-il, et c'était la vérité. » (p. 260) Alors qu'il est devenu passeur sur le lac, il devient l'instrument de sa propre perte, du bouleversement de son existence et l'exécutant de sa plus grande peur : perdre Hege.



Mattis est une bouleversante figure d'idiot : avec sa conception tronquée du monde, il voit plus loin que les autres, mais il est incapable de faire comprendre ce qu'il a vu. Cassandre imbécile aux rêves exaltés, Mattis n'aurait sa place que dans un monde où il serait isolé avec sa soeur. Mais Hege, quasi mutique, exprime silencieusement et hargneusement son désir d'ailleurs et d'autre chose. le récit est sous-tendu par un potentiel de violence qui vibre à chaque page et qu'un souffle pourrait faire éclater. Et pourtant, il ne se passe presque rien dans cette histoire, à peine quelques évènements quotidiens qui font frissonner l'ordinaire. Mais c'est compter sans la fureur incontrôlée des rêves de Mattis et les profonds tourments de l'attente résignée dans lesquels plonge Hege.



Du même auteur, je vous conseille Palais de glace. Et au sujet des rapports fraternels, avec un traitement différent, lisez L'honnête tricheuse de Tove Jansson.

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Les Oiseaux

énième lecture...mais ça faisait bien 10 ans qu'il n'était pas sorti de ma bibliothèque!



N'est pas idiot celui qu'on croit



Pour Mathis, les mots SONT, la nature est signe, et son lien avec le "surnaturel" qui est une vision très ordinaire des choses pour les scandinaves a ceci de particulier qu'il DEVIENT ce qu'il voit. Les trembles morts qui sont Mathis et Hege, la passée de bécasse qui est comme son double, s'instaure un rapport au langage unique (dialogue avec l'oiseau au moyen de signes écrits par terre) et aux mots (quand il dit Hege est comme l'éclair, le mot éclair efface Hege, n'existe plus que l'éclair et la vision de Mathis dans l'orage)



Plus qu'empathie, le lecteur assiste à une sympathie avec la nature, l'environnement de Mathis tellement profonde qu'elle devient confusion (la voix qui parle au-dedans de Mathis, à qui appartient-elle?)



Qui est responsable des actes de Mathis? L'idiotie n'est pas ici une thématique déclinée par l'auteur, bien au contraire. C'est un conte parce qu'on est perpétuellement dans l'émerveillement (Mathis découvre chaque chose comme s'il ne les avait jamais vues)



C'est un roman qui mériterait des pages et des pages d'analyse... Mais le mieux, c'est de le lire avec son coeur et de se laisser porter nous aussi par notre voix intérieure, même -et surtout- si elle n'use pas de mots pour s'exprimer.
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Palais de glace

Au coeur de l'hiver scandinave, deux jeunes filles de 11 ans, Sis et Unn, se rencontrent et se perdent au milieu d'un village isolé et de froides forêts où les craquements des lacs gelés résonnent dans l'obscurité. C'est un joli petit roman qui semble présenter une histoire d'amitié, de deuil et d'apprentissage.



Mais n'y voir que cela reviendrait à ignorer (par inconfort ?) un thème spécifique qui me parait pourtant central. Attention je vais divulgâcher dans les grandes largeurs. Comment faire abstraction de la scène séminale (si l'on peut dire) où Sis et Unn se dévêtissent dans la chambre de cette dernière ? Elles portent l'une sur l'autre un regard fasciné où germe un « désir ». le mot est écrit noir sur blanc. Et c'est bien en raison de ce trouble, de cet émoi, que Unn prend la fuite et va mourir de froid dans ce que les jeunes filles appellent le « palais de glace ». Tout part de là, de ce désir qui s'avère mortifère.



Le « palais des glaces » sera d'ailleurs décrit avec les champs lexicaux de la mort et du désir. Cette cascade gelée (dont le nom lui-même et les couleurs chatoyantes reflètent les fantasmes de l'enfance) constitue le symbole central du roman. Elle saille depuis les flancs de la terre et on y entre par une fente, vers un intérieur suintant. le désir actif de Unn pour Sis se confond avec son désir d'entrer dans ce palais, de l'explorer. Mais son rapport avec le palais ne pourra se concevoir sur un autre plan que celui d'une beauté frigide, qui se referme éternellement sur l'enfant, et se ferme aussi aux hommes lors d'une autre scène très importante, où ces derniers, partis à la recherche d'Unn, se retrouvent pris d'un effroi ontologique devant ce palais dont ils ne trouvent pas l'entrée. Angoisse de l'enfance perdue ou effroi de faire face à une féminité qui les exclut ? le récit mêle habilement ces deux dimensions, saupoudrées d'allusions chrétiennes, notamment cette scène d'assomption où Sis entraperçoit à travers la glace (en croyant rêver) le corps congelé et nimbé de soleil d'Unn, comme purifié. Cela semble apporter un démenti flamboyant aux craintes qu'Unn exprimait de ne pas aller au paradis, à cause de son « secret », dont on aura deviné la nature. de là à déduire que sa mort a évité le péché et préservé la pureté de l'enfance…



Dans le même ordre d'idée, la tante d'Unn délivrera ensuite à Sis un discours incitant cette dernière à oublier Unn, à ne pas finir seule comme elle (la tante), et à se tourner plutôt vers ses camarades, notamment un garçon qui lui fait de l'oeil. Convaincue par ces paroles, Sis acceptera donc de regarder de l'avant au moment où le printemps fait fondre le palais des glaces : la cascade fertile jaillira de nouveau entre ces falaises libérées, les pulsions délétères seront oubliées et Sis pourra devenir une femme accomplie et « guérie » (avec tout ce que ce mot peut sous-entendre).



Bien sûr, il est certain que Vesaas éprouve beaucoup de tendresse (paternaliste ?) pour ses deux héroïnes. Dans l'ensemble, beaucoup est suggéré, car nous avons affaire à une oeuvre littéraire. Vesaas s'exprime donc surtout par images et sensations, via une langue simple et agréable, quoique parfois un peu simplette et répétitive. Nul « message » agressif et militant, juste une vison… qui en dit beaucoup sur le trouble des mentalités en Norvège, à une époque où s'élevait un débat sur la dépénalisation de l'homosexualité.
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Les Ponts

Les longs et indolents congés d'été sont sur le point de s'achever. Torvil et Aud, amis depuis l'enfance, passent leurs journées à réviser leur examen d'entrée scolaire et à se promener dans les bois tous proches de leurs maisons jumelées. « Aud et Torvil partageaient une amitié qu'ils craignaient de voir détraquée par des intrus. Une amitié où, presque toujours, on se sentait en sécurité. » (p. 11) Les parents des adolescents rêvent d'une union qui scellerait encore plus cette relation criante d'évidence. Le calme quotidien des jeunes gens est brisé par une découverte sordide dans la forêt, disparue dès le lendemain, mais durablement inscrite dans leurs jeunes esprits. « J'ai l'impression qu'on est arrivé au bord d'un précipice et qu'on est chacun d'un côté du gouffre. » (p. 57) Liés par un secret terrible à la jeune Valborg, Torvil et Aud sont précipités dans l'âge adulte et pressés de prendre des décisions qui semblaient, hier, encore si lointaines. « On est coincé en ce moment au creux d'un abîme. Le courant s'écoule dans toute sa magnificence en emportant l'ensemble de ce qui s'est déposé au fond de lui et qui va être emporté. Il existe une tombe pour ça. Et si tout ne se déroule pas trop mal pour nous, on pourra y déposer notre fardeau et être libéré. » (p. 95)



L'œuvre de Tarjei Vesaas, hélas trop peu connue en France, est de celles qui enchantent tout autant qu'elles bouleversent. La nature y est omniprésente, quasi mystique, à la fois refuge et lieu maudit. Sous la plume de l'auteur norvégien, les drames humains prennent des dimensions titanesques, ce qui les rend définitivement universelles. Les ponts, ce sont les liens entre les êtres, pas toujours aussi solides qu'il semblerait. Face à la violence des émotions nouvelles, les cœurs se brisent ou s'endurcissent, et tout est changé. Fermer un roman de Tarjei Vesaas, c'est la certitude pour moi d'être hantée pendant longtemps par l'histoire.
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