Tera Lynn Childs

Sa main se referme sur ma nuque, et avant que je puisse réfléchir, il plonge et nos bouches se rencontrent. Pendant une fraction de seconde, je m'inquiète qu'il croie embrasser Courtney. Mais dès l'instant où la chaleur de ses douces lèvres s'infiltre entre les miennes, toutes mes pensées se dissolvent. Les sensations pures sont tout ce qu'il me reste. De petites étincelles électriques fusent dans mes veines, veillant à ce que chacun des nerfs dans mon corps se concentre sur sa bouche merveilleuse. Mon instinct prend le dessus, et je lève les bras pour les enrouler autour de son cou, l'attirant vers moi. Mes doigts effleurent ses joues, sentant les poils rugueux d'un visage non rasé. Un grognement sauvage s'élève en moi, et je l'attire encore plus près. Il penche la tête de côté, ouvre la bouche , balaie mes lèvres de sa langue, et...

Il s'écarte. Mon esprit tourbillonne. Mes poumons cherchent l'oxygène. Je sens que je commence à me métamorphoser, mon corps réagissant comme si j'étais dans l'eau et que j'avais besoin de mes branchies. Secouant la tête, je reprends le dessus et interromps la transformation. Mes émotions, elles aussi,s'emportent. Non seulement je sens ma joie et ma passion ardente, mais en raison du lien que nous venons de forger, je ressens également une partie de ce qu'il éprouve.

- Wow ! Soufflé-je. C'était...

Je n'arrive pas à trouver le mot juste.

Mais lui, oui.

- Incroyable.

Subitement, j'ouvre grand les yeux et je suis instantanément alerte. Cette voix n'est pas celle de Brody. Cette voix ressemble plutôt à celle de...

- Je parie que Benson ne pourrait jamais t'embrasser comme ça.

— Mais, poursuit-il, me dévisageant de son regard antillais si bleu qu’il en est irritant, j’accepterais volontiers un verre de jus.

Pourquoi fallait-il que ce soit lui qui ait des yeux de la couleur exacte des eaux thalassiniennes ? La mâchoire serrée, je me retourne vers le comptoir et éclabousse l’intérieur d’un verre de jus d’orange. Je pousse le verre vers lui.

— Tiens.

— Merci.

Il prend le verre, ne remarquant apparemment pas que je l’ai presque refroidi au degré de congélation, mais ne recule pas d’un centimètre. Il se contente d’engloutir le jus glacé d’un trait, puis il affiche son sourire arrogant.

— Exactement ce qu’il me fallait.

— Bien, laissé-je sèchement échapper. Maintenant, tu peux…

Ma suggestion pour qu’il disparaisse au plus vite se bloque dans ma gorge à la vue de son regard qui s’attarde sur ma bouche. Son sourire se transforme en un air suffisant au moment où il porte lentement une main à mon visage. Je fige. Mais, que se passe-t-il, dieux de la mer ?

Il frotte mon visage du bout des doigts, puis tourne sa main pour les examiner.

— On dirait que tu as manqué la cible, princesse.

Lorsqu’il me montre sa main, je vois les taches de rose chatoyant qu’il a essuyées sur mon visage.

— Arg, grondé-je de frustration, avant de le repousser de toutes mes forces.

Bien sûr, j’oublie le verre de jus toujours dans ma main et je nous arrose tous les deux. Il renverse la tête vers l’arrière dans un éclat de rire.

Prithi crache à son intention. Bonne fille.

Même pas.

Premièrement, j’ai quitté la Thalassinie il y a quelques jours à peine. Je n’ai pas eu le temps m’ennuyer de qui que ce soit.

Deuxièmement, ma petite peste de cousine me déteste et se comporte de manière généralement horrible lorsque nous nous trouvons toutes deux au même endroit, au même moment. Même si j’étais partie depuis une décennie, je ne pourrais m’ennuyer d’elle. Ça voudrait dire que sa compagnie me plaît. Et la réalité est tout le contraire.

— Qu’est-ce que tu fais ici, Doe ? répété-je, sans me donner la peine de masquer l’irritation dans ma voix.

Trouver un triton ou une sirène sur terre ne me cause pas le choc le plus total et absolu. Par contre, ils ne viennent habituellement pas cogner à ma porte, en raison de mon statut royal. Ils ne veulent pas s’imposer. Toutefois, de nombreux Océaniens visitent le continent à l’occasion. Certains le font même fréquemment. Doe ne fait pas partie d’eux. Même si elle ne me méprisait pas, elle ne serait pas du genre à sortir la queue de l’eau pour sauver sa meilleure amie. Elle hait sérieusement les humains et les évite comme la marée rouge de la semaine dernière. Ce qui rend sa présence sur le porche arrière de tante Rachel plus que légèrement suspecte.

— J’étais certaine qu’oncle Buccin enverrait un message, chantonne-t-elle d’une voix faussement sincère.

En retirant un carré de papier de varech rose de son décolleté, elle dit :

— Oups ! Je dois avoir intercepté le goéland messager.