Citations de Thaïs L (56)
"La chose la plus difficile à supporter que ils s'en vont, ces amis tranquilles, c'est qu'ils emportent avec eux tant d'années de notre propre vie."
John Galsworthy
J'ai été contrainte de m'en éloigner, mais je ne peux plus leur échapper.
Chapitre 1 :
Alys
«…Une fois dans le véhicule, je vais, comme d’habitude, m’asseoir au fond. Je colle mon front contre la vitre et regarde à l’extérieur. Le soleil fait briller les flaques d’eau qui jonchent le sol. Elles reflètent le ciel, à présent aussi bleu que la mer des Caraïbes. Je remarque une ombre menaçante dans l’une d’elles, et c’est en levant les yeux que je découvre une voiture noire aux vitres teintées, garée juste en face. Mon cœur palpite alors dangereusement en reconnaissant l’homme du supermarché ouvrir la portière conducteur, prêt à s’installer. Mais il se fige et son regard emprisonne le mien. Il me fixe quelques instants, puis hoche brièvement la tête. Les poils de mes bras se redressent, je me sens blêmir. Paniquée, je me tourne de moitié, désireuse de rompre ce contact angoissant, tandis que le bus entame son avancée pour me ramener à mon appartenant.»
Chapitre 3 : Cade :
"... La partie est engagée, et la proie a bien compris où était le danger. les mecs enfourchent leurs motos tandis que je reste encore un instant pour les voir s'engouffrer dans la voiture. la conductrice tremble de tous es membres. je le vois même à cette distance. elle démarre alors sur les chapeaux de roue, en chassant de l'arrière ce qui fait hurler de rire les gars.
Et ouais, ma belle, je crois que tu es loin de te douter dans quel guêpier tu t'es fourrée !"
Elle m'obsède, mon corps frissonne à son rappel, alors que nous n'avons jamais été plus loin que de simples caresses. Je n'arrive pas à me l'enlever du crâne. C'est comme si elle m'avait ensorcelé avec sa fragilité, sa douceur et son physique de bohémienne. Elle était touchante, mais son indécision m'a blessé dans mon orgueil. Je n'étais pas assez bien pour lui faire oublier « l'autre ».
Elle est repartie, pour je ne sais où, tenter de récupérer une énième fois ce mec qui ne la mérite pas, alors que j' étais enfin prêt à me laisser apprivoiser. Je me laisse tomber lourdement sur le couvre-lit, passe mes paumes sur mon visage crispé. Même cette maison, habituellement source de bien-être, ne joue plus son rôle pour mes nerfs.
L'amour ne se commande pas. Pour me défaire de cet envoûtement, je dois repartir. Peu importe l'endroit, du moment que c'est loin d'ici et de ce qui me rappelle sa présence, nos instants passés ensemble.
La serveuse me contemple un instant, fronce les sourcils puis lève le pouce. Elle doit probablement me prendre pour une pauvre fille sourde et muette, ou complètement timbrée.
Je hausse les épaules. De toute façon, je m’en fous, je veux juste passer le temps avant de retourner au foyer et j’ai l’habitude que l’on me regarde comme une bête curieuse. J’inspecte le lieu où je me trouve. Il fait sombre, mais c’est chaleureux. Un néon clignote au-dessus du bar : Le Healing’s. Des tables de quatre ou six bordent une petite piste de danse où quelques clients sont regroupés. Je remarque qu’il n’y a que deux serveuses, la blonde qui a pris ma commande est au bar et discute avec le barman. La seconde serveuse slalome entre les tables avec son plateau bien garni. Les boissons tanguent dans les verres, j’admire sa maîtrise. Elle est petite, son plateau semble plus lourd qu’elle, mais elle le baisse et le relève avec facilité, déposant les commandes sur les tables avec un petit mot pour chaque client.
Une jeune femme avec un plateau s’approche de ma table, le sourire aux lèvres. J’envie son visage souriant, son assurance. Elle est grande, un corps mis en valeur par un jean et un petit top noir, où le nom du bar est brodé sur la poitrine.
Faire vœu de mutisme est un choix délibéré, unique moyen de ne plus tuer, car quand cela arrive, vous n’avez pas de seconde chance. Les paroles peuvent anéantir toute votre vie et vous n’avez que votre conscience pour tenter de rendre service aux autres en restant muette.
Je m’enfonce dans une solitude profonde qui ne m’aide pas à enlever ces idées noires qui me perturbent. Une goutte, puis deux viennent s’écraser sur mon nez. Je relève la tête, le ciel a viré au gris. Perdue dans mes pensées, je ne me suis pas rendu compte qu’il s’était mis à pleuvoir. Les gouttes sont glaciales, je cherche rapidement un endroit où me mettre à l’abri. Mes pas m’ont amenée près de la plage, je repère un bar qui fait l’angle d’une rue, au bout de la jetée.
J’ai connu le bonheur, c’était il y a longtemps. Mon cœur se comprime, je chancelle, prise d’un vertige. Je dois me tenir à un banc pour reprendre mon souffle. Est-ce à cause de ma peine, ou du manque de nourriture ?
Je ne supporte plus cette promiscuité entre chaque résident, les regards souvent malsains de certains qui n’hésitent pas à balader leurs mains sur des parties de mon corps quand j’ai le malheur de passer un peu trop près d’eux. Pour éviter de m’exposer, je me cache comme je peux derrière des habits informes ainsi qu’un masque de froideur.
J’aime particulièrement l’atmosphère qui se dégage ici en cette période de soldes : beaucoup de bruits, des personnes ne prêtant attention à rien, l’idéal pour quelqu’un qui cherche à se fondre dans la masse, à se rendre invisible.
Tout ceci n’est que le fruit d’un cerveau malmené qui a manqué d’air pendant quelques secondes de trop. Il me suffit de me reposer et tout ira mieux. La voix finit par me laisser tranquille, mon corps s’alourdit, je sombre dans un profond sommeil en moins de temps qu’il en faut pour le dire.
Tu sais, aujourd’hui, j’ai eu l’impression d’être dans le corps d’un gars, j’ai vu ce qu’il faisait comme je te vois là et en plus, il m’a tapé une petite causette mentale. Oh, et en prime, il m’a appris à nager !
J’ai du mal à prendre conscience du drame qui a failli se produire, personne ne s’est aperçu de rien, et j’ai vraiment échappé au pire. Des doigts s’enroulent autour de mon poignet, me soulèvent hors de l’eau comme si je ne pesais rien. Mes pieds rejoignent la terre ferme, je lève le menton pour croiser le regard inquiet de Gary. Son expression est soucieuse, ses prunelles chocolat me dévisagent, s’assurent que je n’ai rien.
Elle est aussi belle à l’intérieur qu’à l’extérieur, aussi blonde que je suis bru… enfin, c’est vrai que maintenant ils sont bleus. Ses yeux ont une teinte quasiment semblable à celle de mes cheveux, et sont si expressifs qu’il lui serait impossible de jouer la comédie même si sa vie en dépendait. Elle ressemble à une déesse grecque dans cette robe blanche, avec sa crinière dorée qui descend jusqu’à ses reins et ce maquillage si bien réalisé.
— T’as l’air d’une pouf, ma blonde, laissé-je échapper pour lui rendre la monnaie de sa pièce concernant mon sous-vêtement préféré.
Cette fille est tellement canon, si j’étais un mec, il est clair que je n’aurais qu’une obsession, qu’elle me rejoigne sur ce lit.
Cette fille sait toujours quoi dire, en digne représentante des moulins à paroles. J’avoue que ma subite décision de sortir dans une soirée de Jaimie Mackenzie est à noter dans les annales. Je déteste cette gonzesse, cliché parfait de la bimbo pleine aux as, qui est persuadée que ses années en tant qu’étudiante doivent se résumer à obtenir une vraie notoriété auprès de toutes les personnes qu’elle croise sur son chemin.
Nous avons toujours été plus forts pour trouver des solutions à deux. Je ne comprends pas sa perte de confiance.
Même lorsque nous ne le voulons pas, l’un peut forcer le barrage mental et pénétrer les prunelles de l’autre. Nous avions compris que nous ne devions pas empiéter sur nos vies respectives et un pacte avait été passé : Ne jamais violer le regard de l’autre. Cette fois-ci, je suis tellement affolée que je ne respecte pas ce marché. Je le cherche, me donne mal au crâne à force de me concentrer. Je n’y parviens pas, n’arrive pas à le retrouver.
Je suis incapable de me rappeler quand tout a commencé, quand je me suis aperçue que nous avions ce don : celui d’être les yeux de l’autre. Il suffit que je me concentre un peu pour que ce qu’il voit se superpose à ce que je regarde. Un frisson me parcourt, je me sens subitement triste. Je fronce les sourcils, mon cœur bat à tout rompre, comme si j’avais couru comme une folle alors que cela fait deux heures que je ne bouge pas de ma chambre. Ce n’est pas moi qui suis essoufflée, c’est lui. Je ne supporte pas quand il souffre, son mal-être devient le mien.