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Citations de Theodor W. Adorno (147)


Il y a quelque raison de croire qu'un échec dans l'intériorisation du surmoi est dû à la faiblesse du moi, à son incapacité à accomplir la nécessaire synthèse, c'est-à-dire à intégrer le surmoi à lui-même. Que cela soit le cas ou non, la faiblesse du moi semble concomitante au conventionnalisme et à l'autoritarisme. La faiblesse du moi s'exprime dans l'incapacité de construire une série cohérente et durable de valeurs morales à l'intérieur de la personnalité ; et c'est cette situation, apparemment, qui impose à l'individu la nécessité de rechercher un agent organisateur et coordinateur en dehors de lui-même. Lorsque de tels agents externes sont la source principale des décisions morales, on peut dire que la conscience est extériorisée.
Bien que le conventionnalisme et l'autoritarisme puissent ainsi être considérés comme des signes de la faiblesse du moi, il a semblé utile de chercher d'autres moyens plus directs pour évaluer cette tendance dans la personnalité, et pour la relier aux autres. Il semblerait que la faiblesse du moi s'exprime assez directement à travers des phénomènes tels que l'opposition à l'introspection, la superstition et la stéréotypie, et dans l'attribution d'une importance excessive au moi et à sa supposée force.
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Une fois que l'individu s'est convaincu lui-même qu'il existe des gens qui devrais être punis, il dispose d'un canal à travers lequel ses impulsions agressives les plus profondes peuvent s'exprimer, même s'il se considère lui-même comme individu absolument moral. Si ses autorités externes, ou la foule, accordent leur approbation à cette forme d'agression, alors elle peut prendre les formes les plus violentes, et persister après que les valeurs conventionnelles, au nom desquelles elle a commencé, ont été perdues de vue.
On pourrait dire que dans l'agressivité autoritaire, l'hostilité qui était originellement suscitée par et dirigée vers les autorités du groupe interne est déplacée sur les groupes externes.
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La disposition à condamner les autres pour des raisons de morale peut avoir une autre origine : non seulement l'individu autoritaire doit condamner le laxisme moral qu'il voit chez les autres, mais il est réellement poussé à voir en eux des attributs immoraux, que cela soit fondé dans les faits ou non. Il s'agit là d'un autre moyen de contenir ses propres tendances inhibées; il se dit à lui-même, pour ainsi dire : "Ce n'est pas moi qui suis mauvais et qui mérite d'être puni, mais lui."
Autrement dit, les propres impulsions inacceptables de l'individu sont projetées sur d'autres individus et d'autres groupes qui sont dès lors rejetés.
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Aucun penseur ou artiste d'avant-garde n'échappe à ce reproche (de froideur). Parce qu'il prend terriblement au sérieux l'utopie et sa réalisation, il n'est pas un utopiste, mais il regarde la réalité en face, telle qu'elle est, pour ne pas se laisser abêtir par elle. Il veut libérer de leur emprisonnement les éléments du mieux qui sont contenus en elle. S'il se fait aussi dur que les conditions de vie pétrifiées, ce n'est que pour les briser.
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Dans la constitution présente de l'existence, les relations entre les êtres ne se nouent pas en fonction de leur libre volonté ni de leurs pulsions, mais en fonction de lois sociales et économiques qui s'imposent derrière leur dos. Quand la psychologie, dans ces conditions, se rend humaine et présentable, en faisant comme si la société était celle des êtres humains, déterminée par leur soi intime, elle prête à une réalité inhumaine l'éclat de l'humanité.
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Avec la "mise au pas" de la culture allemande par le ministre de la Propagande Joseph Goebbels, Benjamin dut quitter un pays où il n'y avait pour lui aucune place. Son caractère d'intellectuel "sans parti" sous la république de Weimar contribua sans doute à accentuer son isolement dans l'émigration, ou il se trouva largement coupé des réseaux d'accueil de l'antifascisme allemand.
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Les réactions les plus intimes des hommes envers eux-mêmes ont été à ce point réifiées que l'idée de leur spécificité ne survit que dans sa forme la plus abstraite: pour eux, la personnalité ne signifie guère plus que des dents blanches, l'absence de taches de transpiration sous les bras et la non-émotivité. Et voici le résultat du triomphe de la publicité dans l'industrie culturelle : les consommateurs sont contraints à devenir eux-mêmes ce que sont les produits culturels, tout en sachant très bien à quoi s'en tenir.
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C'est pourquoi Hegel a pu tout aussi bien -- dans la Phénoménologie -- partir du sujet et, prenant en compte son mouvement autonome, appréhender tous les contenus concrets, qu'à l'inverse -- dans la logique -- faire débuter le mouvement de la pensée avec l'être. A bien comprendre Hegel, le choix du point de départ, de ce qui chaque fois sera considéré comme premier, est, pour sa philosophie, indifférent; elle ne reconnaît pas un tel principe premier, dans la mesure où il serait un principe fixe et resterait, sans subir de transformation, identique à lui-même au cours de la progression de la pensée. Hegel laisse loin derrière lui toute métaphysique traditionnelle ainsi que le concept pré-spéculatif d'idéalisme.
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L'organisation intégrale de la vie exige le regroupement de gens qui sont des morts. La volonté de vivre se voit renvoyée à la négation de la volonté vivre : l'autoconservation annule toute vie dans la subjectivité.
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113.

Le trouble-fête. - L'affinité entre ascèse et ivresse que constate la sagesse des psychologues, le rapport d'amour-haine entre les saints et les prostituées, a une raison objectivement juste : l'ascèse rend davantage justice à l'idée de l'accomplissement de l'homme que la culture débitée en tranches. L'hostilité pour le plaisir est sans aucun doute inséparable de la connivence avec la discipline d'une société dont le propre est de demander plus qu'elle n'accorde. Mais il y a également une certaine défiance à l'égard du plaisir, née du pressentiment que le plaisir n'existe pas en ce monde. Un raisonnement de Schopenhauer exprime involontairement un tel pressentiment. Le passage de l'affirmation à la négation de la volonté de vivre s'effectue dans le développement de l'idée selon laquelle toute entrave opposée à la volonté par un obstacle "interposé entre elle et un objectif éventuel, est souffrance; par contre, lorsque cet objectif est atteint, il est source de satisfaction, de contentement, de bonheur". Mais tandis que cette "souffrance", selon l'impitoyable intuition de Schopenhauer, tend à croître au point que la mort devienne quasiment souhaitable, l'état de "satisfaction" est lui-même in satisfaisant, car

" ... le besoin et la souffrance ne nous accordent pas plus tôt un répit, que l'ennui arrive; il faut, à tout prix, quelque distraction. Ce qui fait l'occupation de tout être vivant, ce qui le tient en mouvement, c'est le désir de vivre. Eh bien, cette existence, une fois assurée, nous ne savons qu'en faire, ni à quoi l'employer! Alors intervient le second ressort qui nous met en mouvement, le désir de nous délivrer du fardeau de l'existence, de le rendre insensible, de "tuer le temps", ce qui veut dire de fuir l'ennui " (Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation , trad. Burdeau, P.U.F., p. 396)

Mais ce concept d'ennui élevé à une dignité aussi inattendue est fondamentalement bourgeois, ce que l'esprit antihistorique de Schopenhauer ne serait guère disposé à reconnaître. Il fait partie du travail aliéné dont il est le complément, il est du "temps libre" antithètique soit parce que celui-ci doit simplement reconstituer l'énergie dépensée, soit parce que pèse sur lui l'approbation du travail d'autrui. Le temps libre continue d'être une réaction au rythme de la production imposé au sujet de l'extérieur, et qui perdure forcément même dans les moments de pause. La conscience que l'existence est totalement privée de liberté - conscience que la nécessité de gagner sa vie empêche d'affleurer - ne réapparaît finalement que dans les interludes de la liberté. La nostalgie du Dimanche n'est pas le désir de retrouver le foyer après une semaine de travail, mais la nostalgie d'un état libéré de la nécessité d'un telle semaine; le Dimanche nous laisse insatisfait non parce que c'est une journée fériée, mais parce que ce qu'il avait promis apparaît aussitôt dans son non-accomplissement; tout comme le dimanche anglais, chaque dimanche est trop peu dimanche. Celui pour qui le temps s'étire péniblement attend en vain, déçu par cette occasion manquée: que demain soit la continuation d'hier. Et pourtant l'ennui de ceux qui n'ont pas besoin de travailler n'est pas fondamentalement différent. La société comme totalité inflige aux détenteurs du pouvoir ce qu'eux-mêmes font subir aux autres et les premiers ne se permettent guère ce qui est interdit aux seconds. Les bourgeois ont fait de la satiété, qui devrait être quelque chose de semblable à la béatitude, un terme injurieux. Parce que les autres ont faim, l'idéologie exige que l'absence de faim soit chose vulgaire. C'est ainsi que les bourgeois accusent les bourgeois. Eux-mêmes exemptés du travail, ils n'ont pas à faire l'éloge de la paresse: on déclare que celle-ci est ennuyeuse. L'activité fébrile dont parle Schopenhauer ne fait pas tant référence à ce qu'a d'insupportable le statut de privilégié qu'à l'ostentation avec laquelle, selon la situation historique, ce statut doit augmenter la distance sociale ou la réduire au moyen de manifestations prétendument indispensables, et démontrer ainsi l'utilité des maîtres. Et si l'on s'ennuie effectivement au sommet de la hiérarchie sociale, ce n'est pas parce qu'on souffre d'un excès de bonheur, mais parce que ce bonheur porte la marque du malheur universel, du caractère de marchandise qui livre les plaisirs à la stupidité, de la brutalité des ordres dont l'écho résonne sinistrement dans l'exubérance des maîtres et , finalement, de l'angoisse qu'inspire à ceux-ci leur propre superfluité. Celui qui profite du système du profit ne peut vivre sans éprouver de honte, et cette honte dénature même le plaisir naturel, quand bien même les excès qu'envient les philosophes n'ont probablement pas été toujours aussi ennuyeux qu'ils veulent nous le faire croire. Dire que l'ennui disparaîtrait une fois instaurée la liberté, se trouve effectivement confirmé par certaines expériences dérobées à la civilisation.
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Aimer, c'est être capable de ne pas laisser dépérir l'immédiateté sous la pression omniprésente de la médiation, de l'économie et, dans cette fidélité, l'amour se médiatise lui-même, il devient contre-pression opiniâtre.
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Les distances que l'on prend par rapport aux rouages du système (Betrieb) représentent un luxe qui n'est possible que comme produit du système lui-même.
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Dans la représentation abstraite d'une injustice généralisée, toute responsabilité concrète disparaît.
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Le privilège de l'information et de la position qu'ils occupent leur permet d'énoncer leur opinion comme si c'était l'objectivité. Mais ce n'est que l'objectivité de l'esprit dominant. Ils contribuent à en tisser le voile.
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Si la plupart des stations de radio et des salles de cinéma étaient fermées, il est probable que les consommateurs n'en seraient pas grandement privés. Il y a longtemps qu'en passant de la rue au cinéma on ne fait plus ce pas qui conduit de la réalité dans le rêve ; dès que les institution n'obligent plus, par leur simple présence, à les fréquenter, il est probable que le désir même de cette fréquentation risque de diminuer progressivement. Une fermeture des cinémas n'aurait rien de comparable à l'action réactionnaire de ceux qui détruisent les machines.
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Celui qui ment a honte, car chaque mensonge lui fait éprouver tout ce qu'il y a d'indigne dans l'ordre d'un monde qui le contraint au mensonge pour survivre. (...)
Cette pudeur affaiblit les mensonges de ceux qui ont une sensibilité délicate. Ils s'en tirent mal; et c'est alors que le mensonge devient proprement quelque chose d'immoral par rapport à autrui. C'est en effet le prendre pour un imbécile et lui témoigner son dédain. Au sein des pratiques éhontés de notre temps, le mensonge a perdu depuis longtemps sa fonction bien claire de nous tromper sur la réalité. Personne ne croit plus personne, tout le monde sait à quoi s'en tenir. On ne ment à autrui que pour lui signifier le peu d'intérêt qu'on lui porte, pour lui montrer qu'on n'a pas besoin de lui et qu'on se moque de ce qu'il peut bien penser. Le mensonge, qui pouvait autrefois apporter une certaine souplesse dans la communication, est devenu maintenant l'une des techniques de l'impudence, qu'utilise chaque individu pour répandre autour de lui la froideur dont il a besoin pour prospérer.
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Le terme "hypocrite", utilisé par le sujet M203, apparaît très fréquemment dans les interviews des sujets à bas score, et parfois dans celles des sujets à haut score, généralement en référence à l'organisation de l'Eglise opposée aux valeurs religieuses "authentiques". Ainsi s'exprime l'émancipation historique de l'expérience religieuse subjective par rapport à la religion institutionnalisée. La haine de l'hypocrisie est cependant une arme à double tranchant, selon qu'elle fonctionne comme une force de diffusion de la culture, ou comme une rationalisation du cynisme et du mépris pour l'homme. Il semble que l'utilisation du terme "hypocrite", comme celle du terme "snob", acquière toujours plus une connotation d'envie et de ressentiment. Ce terme dénonce ceux qui "se considère comme meilleurs que les autres", afin de glorifier la médiocrité et d'établir comme norme une vie simple, censée être naturel. Le combat contre le mensonge est souvent est souvent un simple prétexte pour exprimer ouvertement des motifs destructeurs rationalisés par la supposée "hypocrisie" et l' "arrogance" des autres.
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Il semble que la personnalité à tendance fasciste ne puisse affronter la vie qu'en scindant son propre moi en de nombreux agents, certains d'entre eux se conformant à la ligne de la doctrine officielle, tandis que d'autres, héritiers du vieux surmoi, le protègent d'un déséquilibre mental et lui permettent de se maintenir en tant qu'individu.
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L'enveloppe extérieure de la doctrine chrétienne, avant tout son autorité sociale et également un certain nombre d'éléments plus ou moins isolés de son contenu, a été préservée et "consumée" de manière hasardeuse comme un "bien culturel", à l'instar du patriotisme ou de l'art traditionnel.
Cette neutralisation des croyances religieuses trouve une illustration frappante dans la déclaration suivante de M109, un catholique romain à haut score qui fréquente régulièrement l'église. Il écrit sur son questionnaire qu'il considère la religion comme

"une partie absolument importante de l'existence, peut-être elle devrait occuper de 2 à 5% du temps libre".

La relégation de la religion, qui était autrefois tenue pour la sphère la plus essentielle de la vie, au "temps libre", tout comme le temps qui lui est alloué et, surtout, le fait qu'elle s'inscrit dans un emploi du temps calculé et exprimé en termes de pourcentages symbolise les profonds changements qui ont affecté l'attitude dominante à l'égard de la religion.
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L'idée explicative que les "juifs l'ont bien cherché" est utilisée comme une rationalisation de désirs destructifs qui, sinon, ne seraient pas autorisés à franchir la censure du moi.
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