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Citations de Theodor W. Adorno (147)


Theodor W. Adorno
La culture transparente pour le matérialisme n’est pas devenue plus sincère au sens du matérialisme, mais seulement plus vulgaire. Avec sa particularité, elle a perdu le sel de la vérité qui résidait jadis dans son opposition à d’autres particularités. Lorsqu’on lui demande les comptes qu’elle refuse de rendre, on fait le jeu d’une culture qui se donne des grands airs. Neutralisée et refaçonnée, toute la culture traditionnelle est aujourd’hui sans valeur : par un processus irrévocable, cet « héritage » hypocritement revendiqué par les Russes est dans une large mesure devenu inutile, superflu, camelote ; en la traitant comme telle, les profiteurs de la culture de masse peuvent s’en prévaloir en ricanant. Plus la société devient totalitaire, plus l’esprit y est réifié et plus paradoxale sa tentative de s’arracher à la réification de ses propres forces. Même la conscience la plus radicale du désastre risque de dégénérer en bavardage. La critique de la culture se voit confrontée au dernier degré de la dialectique entre culture et barbarie : écrire un poème après Auschwitz est barbare, et ce fait affecte même la connaissance qui explique pourquoi il est devenu impossible d’écrire aujourd’hui des poèmes. L’esprit critique n’est pas en mesure de tenir tête à la réification absolue, laquelle présupposait, comme l’un de ses éléments, le progrès de l’esprit qu’elle s’apprête aujourd’hui à faire disparaître, tant qu’il s’enferme dans une contemplation qui se suffit à elle-même.
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La fétichisation de l'objet et l'engouement du sujet pour lui-même se corrigent réciproquement.
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La présente recherche, de par sa limitation aux aspects psychologiques du fascisme jusqu'à présent largement négligés, ne s'intéresse pas à la production de la propagande. Elle concentre son attention sur le consommateur, l'individu auquel la propagande s'adresse.
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La formulation de Marx suivant laquelle la philosophie se transforme en histoire caractérise déjà Hegel en un certain sens. Dans la mesure où la philosophie devient avec Hegel intellectation et description du mouvement du concept, la Phénoménologie de l'esprit en est virtuellement l'historiographie.
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Ce qui prétend s'élever aujourd'hui au-dessus de la dialectique en invoquant des paroles originaires, le "dit", n'est jamais que ce dont la dialectique ne fait qu'une bouchée, l'abstraction, qui s'enfle jusqu'à l'être en soi et pour soi, et sombre dans le manque total de contenu, dans la tautologie, dans l'être qui ne dit rien d'autre que l'éternelle rengaine de l'être.
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C'est parce que la définition de l'être chez Hegel est un moment de la dialectique, qui est critiqué et réfléchi sur un mode essentiellement négatif, que sa théorie de l'être est inconciliable avec la théologisation qu'elle connait aujourd'hui.
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Les gens ont désappris à donner. Toute entorse au principe de l'échange a quelque chose d'insensé auquel on n'arrive pas à croire ; il arrive que les enfants eux-mêmes regardent avec méfiance celui qui leur fait un cadeau. Par contre, on "fait la charité", on pratique une bienfaisance organisée. Ils n'est pas jusqu'aux cadeaux que l'on se fait entre particuliers qui ne se trouvent ravalés au rang d'une fonction sociale qu'on se fait une raison de remplir, à contrecœur,
en restant strictement dans les limites du budget qu'on s'est fixé.
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C'est bien là ce qu'il y a d'extrêmement étrange dans l'idée de Beckett selon laquelle la seule véritable utopie, c'est la mort. Ce vers quoi convergent toutes les aspirations, c'est vers la mort -par opposition à la vie, qui, elle, n'est qu'une souffrance sans fin. [...] Toute l'incroyable énergie de ce poète tourne autour de cet unique point, qu'on peut facilement comprendre ainsi : on ne peut penser le néant, on ne peut l'imaginer autrement que comme le néant de quelque chose. [...] Le thème métaphysique de cette pièce c'est que l'aspiration au néant positif [...] est désormais refusée aux hommes.
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Pourtant , l'hostilité constante à l'esprit constitue plus qu'un simple trait d'une anthropologie bourgeoise subjective. Cette hostilité provient du fait que le concept de la raison une fois émancipé doit, dans le contexte des conditions présentes de la production, craindre que sa conséquence ne les fasse sauter.
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le geste souverain du critique présente aux lecteurs l'image d'une indépendance fictive et s'arroge un rôle de guide, incompatible avec le principe de liberté de l'esprit qui est le sien.
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Lorsque les fascistes allemands décident un beau jour de lancer par haut-parleurs un terme tel que "intolérable", le lendemain, le peuple entier dira "intolérable". C'est suivant le même schéma que les nations visées par la guerre-éclair ont repris ce mot allemand dans leur langue. Les mots désignant des mesures sont finalement répétés partout, si bien qu'ils prennent un caractère pour ainsi dire familier, tout comme à l'époque du marché libre le nom d'un produit sur les lèvres de tous en faisait augmenter la vente. La répétition aveugle de mots déterminés, en se répandant rapidement, rattache la publicité au mot d'ordre totalitaire. La part d’expérience qui personnalisait les mots en les attachant aux hommes qui les prononçaient, a disparu, et dans cette prompte assimilation, la langue acquiert cette froideur qu'elle n'avait jusqu'alors que sur les colonnes Morris ou dans les annonces des journaux. De nombreuses personnes emploient des mots et des expressions qu'elles ont cessé de comprendre ou qu'elles n'utilisent que parce qu'ils déclenchent des réflexes conditionnés, comme par exemple les noms de marques qui s'accrochent avec d'autant plus de ténacité aux objets qu'ils dénotent que leur signification linguistique est moins bien comprise. Le ministre de l'Instruction publique parle de forces dynamiques sans comprendre ce qu'il dit, les "tubes" parlent constamment de rêverie et de rhapsodie et leur popularité est basée précisément sur la magie de l'incompréhensible ressenti comme frisson d'une vie plus exaltante. D'autres stéréotypes tels que Souvenir sont encore à peu près compris, mais ils échappent à l'expérience qui leur donnerait un sens. Ils apparaissent comme des enclaves dans le langage parlé. A la radio allemande de Flesch et d'Hitler, on les reconnaît à la prononciation affectée du speaker lorsqu'il dit "Bonsoir" ou "Les Jeunesses hitlériennes vous parlent" et même "le Führer", sur un ton imité par des millions de personnes. De telles expressions coupent le dernier lien entre une expérience sédimentaire et la langue qui au XIXème siècle exerçait son effet bénéfique bénéfique dans le dialecte. Le journaliste qui, grâce à la souplesse de son attitude, a réussi à devenir un "Schriftleiter" allemand voit les mots allemands se pétrifier sous sa plume et lui devenir étrangers. Chaque mot montre à quel point il a été avili par la "communauté de la nation" (Volksgemeinschaft) fasciste. Et naturellement une telle langue est déjà universelle et totalitaire. Il n'est plus possible de déceler dans les mots toute la violence qu'ils subissent. Le speaker à la radio n'a plus besoin de prendre un ton affecté; on n'admettrait plus que son accent le distingue de son public. Mais en échange, le langage et les gestes des auditeurs et des spectateurs sont imprégnés plus fortement qu'auparavant des schémas de l’industrie culturelle, jusque dans des nuances si fines qu'aucune méthode expérimentale n'a réussi à les expliquer jusqu'à présent. Aujourd'hui l'industrie culturelle a pris en charge la fonction civilisatrice de la démocratie des asservis et des chefs d'entreprise, qui n'avait pas non plus un sens très affiné des déviations intellectuelles. Tous sont libres de danser et de s'amuser tout comme, depuis la neutralisation historique de la religion, ils sont libres d'entrer dans une des innombrables sectes existant. Mais la liberté dans le choix de l'idéologie, qui reflète toujours la coercition économique, apparaît dans tous les secteurs comme la liberté de choisir ce qui est toujours semblable. La manière dont une jeune fille accepte un rendez-vous inévitable et s'en acquitte, le ton d'une voix au téléphone et dans la situation la plus intime, le choix des mots dans la conversation, voire toute la vie intérieure telle qu'elle est organisée par la psychanalyse vulgarisée témoigne d'une tentative faite par l'homme pour se transformer lui-même en appareil conforme jusque dans ses émotions profondes au modèle présenté par l'industrie culturelle. Les réactions les plus intimes des hommes envers eux-mêmes ont été à ce point réifiées, que l'idée de leur spécificité ne survit que dans sa forme la plus abstraite : pour eux, la personnalité ne signifie guère plus que des dents blanches, l'absence de transpiration sous les bras et la non-émotivité. Et voici le résultat du triomphe de la publicité dans l'industrie culturelle : les consommateurs sont contraints à devenir eux-mêmes ce que sont les produits culturels, tout en sachant très bien à quoi s'en tenir.
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Par la rigueur de son évolution, la musique est entrée en contradiction avec les besoins manipulés et se suffisent à eux-mêmes du public bourgeois. Au petit nombre de connaisseurs se substituait la foule de ceux qui peuvent se payer une place et veulent prouver aux autres le haut niveau de leur culture.
(page 17)
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Ce qui jadis méritait de s'appeler la vie est devenu une affaire privée et ne relève plus que de la consommation, et comme tel, tout cela est à la remorque du processus de la production matérielle, dépourvue d'autonomie et de subsistance propre. (p. 9)
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Face à la musique de Schubert, les larmes coulent sans questionner l’âme auparavant, puisqu’elle se précipite sur nous avec la force même de la réalité, sans le détour de l’image. Nous pleurons, sans savoir pourquoi ; parce que nous ne sommes pas encore tels que cette musique nous promet d’être, mais seulement dans le bonheur innommé de sentir qu’il suffit qu’elle soit ce qu’elle est pour nous assurer qu’un jour nous serons comme elle .
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Le passé récent se présente toujours comme si c’était une catastrophe qui avait amené sa destruction.
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La production qui se situe entre les extrêmes, en fait ne demande pas tant aujourd'hui à être analysée par rapport à eux, mais par sa grisaille rend la spéculation superflue. L'histoire du nouveau mouvement musical ne tolère plus la coexistence riche de sens des oppositions. Depuis la décennie héroïque autour de la Première Guerre mondiale, elle est dans son ensemble histoire de la déchéance, regression dans le traditionnel. La peinture moderne s'est détournée du figuratif, ce qui en elle marque la même rupture que l'atonalité en musique, et cela était déterminé par la défensive contre la marchandise artistique mécanisée, avant tout contre la photographie. À l'origine, la musique radicale n'a pas réagi autrement contre la dépravation commerciale de l'idiome traditionnel; elle a été l'antithèse de l'industrie culturelle qui envahissait son domaine. Il a fallu, il est vrai, plus de temps dans la musique pour arriver à une production commerciale de masse que dans la littérature et les arts plastiques. L'aspect aconceptuel et abstrait de la musique, qui depuis Schopenhauer lui a servi de référence auprès des philosophies irrationalistes, la rendait rétive à la ratio de la vénalité. C'est seulement à l'époque du film sonore, de la radio et des slogans publicitaires mis en musique, que la musique précisément dans son irrationalité a été accaparée par la ratio commerciale. Mais devenue totalitaire, l'administration industrielle du patrimoine culturel étend son pouvoir même sur l'opposition esthétique. La toute-puissance des mécanismes de distribution, dont disposent la camelote esthétique et les biens culturels dépravés, comme aussi les predispositions socialement créées chez les auditeurs, ont, dans la société industrielle au stade tardif, amené la musique radicale à un isolement complet. Cela devient pour les auteurs qui veulent vivre prétexte social et moral à une fausse paix. Il se dégage un type musical qui, nonobstant sa prétention inébranlable au séiieux et au moderne, s'assimile à la culture de masse par une débilité mentale calculée. La génération de Hindemith avait encore du talent et du métier. Son modérantisme se montrait surtout d'une souplesse intellectuelle sans principe; les musiciens composaient au jour le jour en finissant par supprimer en même temps que leur programme futile tout ce qui pouvait déplaire de leur musique. Ils aboutirent à la routine respectable du néo-académisme que l'on ne saurait reprocher à la troisième génération. La connivence avec l'auditeur, en guise d'humanité, commence à désagréger les normes techniques qu'avait atteintes la composition d'avant-garde. Ce qui était valable avant la rupture, à savoir la constitution d'une cohérence musicale au moyen de la tonalité, est irréparablement perdu. La troisième génération ne croit pas aux accords parfaits serviles, qu'elle écrit avec un clignement d'oeil, et d'autre part des moyens sonores élimés ne sauraient davantage être utilisés délibérément pour une autre musique que pour une musique creuse. Mais à la conséquence qu'entraîne le nouvel idiome récompensant l'effort extrême de la conscience artistique par l'échec total sur le marché, les compositeurs de la troisième génération entendent se dérober. Cela ne réussit pas. La violence historique, la « furie de la disparition interdit le compromis en esthétique, de même qu'il est condamné sans retour en politique. Tandis que ces compositeurs cherchent un abri auprès de ce qu'a une vieille réputation en prétendant avoir assez de ce que le langage de l'ignorance appelait « expérimentation », ils se livrent dans leur inconscience à ce qui leur semble le pire : l'anarchie. La recherche du temps perdu non seulement ne trouve pas le chemin du retour, mais perd aussi toute consistance; une conservation arbitraire du dépassé compromet ce qu'elle veut conserver et se raidit avec mauvaise conscience contre le neuf. Par-delà toutes les frontières, les épigones, ennemis irréductibles des épigones, se ressemblent par leurs mélanges débiles de routine et d'impuissance. Chostakovitch, à tort rappelé à l'ordre comme bolchevik de la culture par les autorités de sa patrie, les disciples si vifs de l'ambassadrice pédagogique de Stravinski, en Angleterre Benjamin Britten et son indigence tapageuse - tous, ils ont en commun un goût pour le mauvais goût, une simplicité due à une mauvaise formation, une immaturité qui se croit décantée, tous manquent de capacité technique. Enfin, en Allemagne, la Chambre musicale du Reich a laissé derrière elle un monceau de décombres : le style de tout le monde après la Seconde Guerre mondiale, c'est l'éclectisme du brisé.
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Toutefois, même le tabou portant sur la mention des juifs devient un instrument de l’agitation antisémite, sous la forme de ce clin d’œil qui signifie : « Nous n’avons le droit de rien dire là-dessus, mais nous nous comprenons, entre nous. Nous savons tous ce que nous entendons par là. » Et le seul fait de mentionner, par exemple, un nom juif est suffisant pour que cette technique allusive provoque déjà certains effets.
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Il ne s’agit cependant pas d’opposer le mensonge au mensonge, de tenter d’être aussi malin que lui, mais de travailler contre lui, réellement, en déployant la force décisive de la raison, en faisant appel à la vérité réellement non idéologique.
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Cette propagande ne rend pas conscientes les tendances inconscientes qui alimentent la personnalité autoritaire, bien au contraire, elle les refoule encore plus loin dans l’inconscient, elles sont maintenues artificiellement au stade inconscient.
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Voir démasquée cette structure de l’appel à la personnalité autoritaire, voilà ce qui chauffe à blanc les extrémistes de droite, ce qui prouve, dirais-je qu’on touche un point névralgique en s’y attaquant.
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