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Citation de Partemps


II. — MONSIEUR LE SOLEIL

Au milieu d’un éblouissement de rayonnante fournaise, monsieur le Soleil s’apprête à monter dans son carrosse de topaze dont la portière est déjà ouverte, et dont les chevaux orangés, toujours cabrés, jettent par les naseaux des fusées de lumière et de perles. Il est vêtu en général romain, avec la fauve cuirasse aux ornements gaufrés, la ceinture au large nœud, les flamboyants lambrequins à franges au haut desquels brille une figurine d’Hercule, l’épée, le coutelas, et les chaussures de peau de lion à semelles épaisses, qui laissent passer le bout de ses pieds nus.

Sur sa flottante perruque de flamme est posé très haut un laurier de rubis d’où tombent de longs rubans de braise rose, et son visage d’or que coupe au-dessus de la lèvre la toute petite moustache droite, comme dessinée à la plume, s’encadre dans une cravate en dentelle de feu.

À quelques pas, dans un autre carrosse, on voit vaguement le profil de la vieille dame. Autour de monsieur le Soleil s’empressent les Astres princes et ducs, et à l’écart, un vieux courtisan, rougi à blanc et écrivant sur ses genoux, prend des notes. Cependant le Victorieux, le Porte-foudre a vu quelques-uns des rutilants seigneurs de sa suite réprimer un rapide sourire ; il veut en savoir la cause, et les interroge.

— « Eh bien ! dit-il à l’un d’eux, parlez franchement, je vous l’ordonne. Que dit-on de moi dans les gazettes ?

— Sire, murmure le seigneur incandescent, je n’oserais. Le respect…

— J’ai dit : je veux.

— Eh bien ! Sire, des esprits chagrins pensent qu’à force de tout éclairer trop nettement, votre aveuglante lumière rend les objets vulgaires et mesquins, en montre l’infirmité et la laideur, et que celle de la Nuit, avec ses tendres mollesses bleues, donne aux choses un charme plus pénétrant et plus intime.

— Bon ! dit monsieur le Soleil, en mettant le pied sur le marchepied du carrosse, ce sont là de simples idées romantiques, dont le législateur du Parnasse fera bonne justice. Et tout cela ne serait pas arrivé, si on avait continué à représenter régulièrement les excellentes pièces de théâtre de monsieur Racine ! »

À ces mots le carrosse se referme. Les Astres princes et ducs montent à cheval, et bientôt, carrosses et cavaliers et l’escorte de soldats, tout s’envole dans la clarté furieuse, et le cortège n’est plus que flamme et incendie, sauf les larges bottes à entonnoir des cochers, qui apparaissent toutes noires dans la gloire triomphale de l’universel embrasement.
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