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Citations de Théophile de Viau (75)


Je viens dans un désert mes larmes épancher,
Où la terre languit, où le Soleil s’ennuie,
Et d’un torrent de pleurs qu’on ne peut étancher
Couvre l’air de vapeurs et la terre de pluie.

Là le seul réconfort qui peut m’entretenir,
C’est de ne craindre point que les vivants me cherchent
Où le flambeau du jour n’osa jamais venir.

Théophile de Viau.
(1590-1626)
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Théophile de Viau
Je ne suis point industrieux
Comme ce forgeron des dieux,
Dont les subtilités nuisibles
Pour un chef-d’œuvre de son art,
Dessous des filets invisibles
Firent voir qu’il était cornard.

Cet infâme aux creux étnéans
Dessus les tombeaux des Géants,
Enivré de souffre et de flamme,
Forgeait des armes pour autrui,
Cependant que Mars et sa femme
Faisait des forgerons pour lui.

Je suis un forgeron nouveau,
Qui sans enclume et sans marteau
Forge un tonnerre à ma parole,
Et du seul regard de mes yeux,
Fais partir un éclair qui vole,
Plus puissant que celui des cieux.

Les plus rebelles des humains,
Subjugués des traits de mes mains,
Ont fait émerveiller l’Europe,
Et Vulcain avoue aisément
De n’avoir jamais vu Cyclope
Battre le fer si rudement.

Le dard qu’amour me fait forger,
Sans déplaisir et sans danger,
Pénètre au fond de la pensée,
Et la dame qu’il veut toucher
En est si doucement blessée,
Qu’elle n’en peut haïr l’archer.

Mais les flèches de mon courroux,
Fatales qu’elles sont à tous,
Font trembler le dieu de la guerre,
Et rien ne l’a fait habiter
Dans un ciel si loin de la terre
Que le soin de les éviter.
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Théophile de Viau
Sur une tempête qui s’éleva comme il était prêt de s’embarquer pour aller en Angleterre

Parmi ces promenoirs sauvages
J’ois bruire les vents et les flots
Attendant que les matelots
M’emportent hors de ces rivages.
Ici les rochers blanchissants,
Du choc des vagues gémissants,
Hérissent leurs masses cornues
Contre la colère des airs,
Et présentent leurs têtes nues
À la menace des éclairs.

J’ois sans peur l’orage qui gronde,
Et fût-ce l’heure de ma mort,
Je suis prêt à quitter le port
En dépit du ciel et de l’onde.
Je meurs d’ennui dans ce loisir :
Car un impatient désir
De revoir les pompes du Louvre
Travaille tant mon souvenir
Que je brûle d’aller à Douvre
Tant j’ai hâte d’en revenir.

Dieu de l’onde, un peu de silence !
Un dieu fait mal de s’émouvoir.
Fais-moi paraître ton pouvoir
À corriger ta violence.
Mais à quoi sert de te parler,
Esclave du vent et de l’air,
Monstre confus qui, de nature
Vide de rage et de pitié,
Ne montres que par aventure
Ta haine ni ton amitié !

Nochers, qui par un long usage
Voyez les vagues sans effroi
Et qui connaissez mieux que moi
Leur bon et leur mauvais visage,
Dites-moi, ce ciel foudroyant,
Ce flot de tempête aboyant,
Les flancs de ces montagnes grosses,
Sont-ils mortels à nos vaisseaux ?
Et sans aplanir tant de bosses
Pourrai-je bien courir les eaux ?

Allons, pilote, où la Fortune
Pousse mon généreux dessein !
Je porte un dieu dedans le sein
Mille fois plus grand que Neptune :
Amour me force de partir.
Et dût Thétis pour m’engloutir
Ouvrir mieux ses moites entrailles,
Cloris m’a su trop enflammer
Pour craindre que mes funérailles
Se puissent faire dans la mer.

Ô mon ange ! Ô ma destinée !
Qu’ai-je fait à cet élément
Qu’il tienne si cruellement
Contre moi sa rage obstinée ?
Ma Cloris, ouvre ici tes yeux,
Tire un de tes regards aux cieux :
Ils dissiperont leurs nuages,
Et pour l’amour de ta beauté
Neptune n’aura plus de rage
Que pour punir sa cruauté.

Déjà ces montagnes s’abaissent,
Tous leurs sentiers sont aplanis ;
Et sur ces flots si bien unis
Je vois des alcyons qui naissent.
Cloris, que ton pouvoir est grand !
La fureur de l’onde se rend
À la faveur que tu m’as faite.
Que je vais passer doucement !
Et que la peur de la tempête
Me donne peu de pensement !

L’ancre est levée, et le zéphyre,
Avec un mouvement léger,
Enfle la voile et fait nager
Le lourd fardeau de la navire.
Mais quoi ! Le temps n’est plus si beau,
La tourmente revient dans l’eau.
Dieux, que la mer est infidèle !
Chère Cloris, si ton amour
N’avait plus de constance qu’elle,
Je mourrais avant mon retour.
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Théophile de Viau
Théophile à son ami Chiron

Toi qui fais un breuvage d’eau
Mille fois meilleurs et plus beau
Que celui du beau Ganymède,
Et qui lui donnes tant d’appas
Que sa liqueur est un remède
Contre l’atteinte du trépas,
Penses-tu que malgré l’ennui
Que me peut donner aujourd’hui
L’horreur d’une prison si noire,
Je ne te garde encore un lieu
Au même endroit de ma mémoire
Où se doit mettre un demi-dieu?
Bouffi d’un air tout infecté,
De tant d’ordures humecté,
Et du froid qui me fait la guerre,
Tout chagrin et tout abattu,
Mieux qu’en autre lieu de la terre
Il me souvient de ta vertu.
Chiron, au moins si je pouvais
Te faire ouïr les tristes voix
Dont t’invoquent mes maladies,
Tu me pourrais donner de quoi
Forcer mes Muses étourdies
A parler dignement de toi.
De tant de vases précieux
Où l’art le plus exquis des cieux
A caché sa meilleur force,
Si j’avais seulement goûté
A leur moindre petite amorce
J’aurais trop d’aise et de santé.
Si devant que de me coucher
Mes soupirs se pouvaient boucher
D’un long trait de cet hydromèle
Où tout chagrin s’ensevelit,
L’enfant dont avorta Sémèle
Ne me mettrait jamais au lit.
Au lieu des continus ennuis
Qui me font passer tant de nuits
Avec des visions horribles,
Mes yeux verraient en sommeillant
Mille voluptés invisibles
Que la main cherche en s’éveillant.
Au lieu d’être dans les enfers,
De songer des feux et des fers
Qui me font le repos si triste,
Je songerais d’être à Paris
Dans le cabinet où Caliste
Eut triomphé de Cloris.
A l’éclat de ses doux flambeaux
Les noires caves des tombeaux
D’où je vois sortir les Furies,
Se peindraient de vives couleurs
Et seraient à mes rêveries
De beaux près tapissés de fleurs.
Ah! que je perds de ne pouvoir
Quelquefois t’ouïr et te voir
Dans mes noires mélancolies
Qui ne me laissent presque rien
De tant d’agréables folies
Qu’on aimait en mon entretien!
Que mes dieux sont mes ennemis
De ce qu’ils ne m’ont pas permis
De t’appeler en ma détresse!
Docte Chiron, après le Roi
Et les faveurs de ma maîtresse,
Mon cœur n’a de regret qu’à toi.
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AU TEMPS DE L'EMPRISONNEMENT ET DU PROCÈS (1623-1625)

XXXIX
Lettre de Théophile à son Frère


Ah! que les cris d’un innocent,
Quelques longs maux qui les exercent,
Trouvent malaisément l’accent
Dont ces âmes de fer se percent !
Leur rage dure un an sur moi
Sans trouver ni raison ni loi,
Qui l’apaise ou qui lui résiste ;
Le plus juste et le plus Chrétien
Croit que sa charité m’assiste
Si sa haine ne me fait rien.

L’énorme suite de malheurs !
Dois-je donc aux races meurtrières
Tant de fièvres et tant de pleurs,
Tant de respects, tant de prières,
Pour passer mes nuits sans sommeil,
Sans feu, sans air et sans Soleil,
Et pour mordre ici les murailles,
N’ai-je encore souffert qu’en vain ?
Me dois-je arracher les entrailles
Pour soûler leur dernière faim ?

Parjures infracteurs des lois,
Corrupteurs des plus belles âmes,
Effroyables meurtriers des Rois,
Ouvriers de couteaux et de flammes,
Pâles Prophètes de tombeaux,
Fantômes, Loups-garous, corbeaux,
Horrible et venimeuse engeance,
Malgré vous race des enfers,
À la fin j’aurai la vengeance
De l’injuste affront de mes fers.

Derechef, mon dernier appui,
Toi seul dont le secours me dure,
Et qui seul trouves aujourd’hui
Mon adversité longue et dure,
Rare frère, ami généreux,
Que mon sort le plus malheureux
Pique davantage à le suivre,
Achève de me secourir :
Il faudra qu’on me laisse vivre
Après m’avoir fait tant mourir.

p.202-203
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Pourquoi ne me veux tu donner sans jalousie
De ta femme un portrait pour soulager mon mal ?

De peur qu'ayant receu de moy cette copie
Tu ne voulusse après avoir l'original.
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Vous avez la fesse soudaine,
Alors qu'on vous presse le flanc ?

Le cul sans cesse me demeine
Comme l'esguille d'un quadranc.

Qui vous voit la mine si froide,
Ne vous croit point le cul si chaud.

C'est au con qu'il faut un vit roide,
Ce n'est point au front qu'il le faut.
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Théophile de Viau
Le matin


Extrait 1

L'Aurore sur le front du jour
Sème l'azur, l'or et l'ivoire,
Et le Soleil, lassé de boire,
Commence son oblique tour.

Ses chevaux, au sortir de l'onde,
De flamme et de clarté couverts,
La bouche et les nasaux ouverts,
Ronflent la lumière du monde.

La lune fuit devant nos yeux ;
La nuit a retiré ses voiles ;
Peu à peu le front des étoiles
S'unit à la couleur des cieux.
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Ton esprit tient encore un peu de la saison
Qui ne voit point mûrir les fruits de la raison.
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AU TEMPS DE L'EMPRISONNEMENT ET DU PROCÈS (1623-1625)

XXXIX
Lettre de Théophile à son Frère


En quelle place des mortels
Ne peut le vent crever la terre?
En quel palais et quels autels
Ne se peut glisser le tonnerre?
Quels vaisseaux et quels matelots
Sont toujours assurés des flots?
Quelquefois des villes entières
Par un horrible changement
Ont rencontré leurs cimetières
En la place du fondement.

Le sort qui va toujours de nuit,
Enivré d’orgueil et de joie,
Quoiqu’il soit sagement conduit
Garde malaisément sa voie.
Ah! que les souverains décrets
Ont toujours demeuré secrets
A la subtilité de l’homme!
Dieu seul connaît l’état humain:
Il sait ce qu’aujourd’hui nous sommes,
Et ce que nous serons demain.

Or selon l’ordinaire cours
Qu’il fait observer à nature,
L’astre qui préside à mes jours
S’en va changer mon aventure.
Mes yeux sont épuisés de pleurs,
Mes esprits, usés des malheurs,
Vivent d’un sang gelé de craintes.
La nuit trouve enfin la clarté,
Et l’excès de tant de contraintes
Me présage ma liberté….

p.197

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Le plus sanglant dépit que la Fortune livre
A des désespérés, c'est les forcer de vivre.
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Ah ! voici le poignard qui du sang de son maître
S'est souillé lâchement. Il en rougit, le traître !
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AU TEMPS DE L'EMPRISONNEMENT
ET DU PROCÈS (1623-1625)

XXXVIII - LA MAISON DE SYLVIE
Ode II


Mais le parc pour ses nourrissons
Tient assez de crèches couvertes
Que la neige ni les glaçons
Ne trouveront jamais ouvertes.
Là le plus rigoureux hiver
Ne les saurait jamais priver,
Ni de loge ni de pâture :
Ils y trouvent toujours du vert
Qu’un peu de soin met à couvert
Des outrages de la Nature.

Là les faisans et les perdrix
Y fournissent leurs compagnies
Mieux que les Halles de Paris
Ne les sauraient avoir fournies.
Avec elles voit-on manger
Ce que l’air le plus étranger
Nous peut faire venir de rare,
Des oiseaux venus de si loin
Qu’on y voit imiter le soin
D’un grand Roi qui n’est pas avare.

Les animaux les moins privés
Aussi bien que les moins sauvages,
Sont également captivés
Dans ces bois et dans ces rivages.
Le maître d’un lieu si plaisant
De l’hiver le plus malfaisant
Défie toutes les malices :
À l’abondance de son bien
Les Éléments ne trouvent rien
Pour lui retrancher ses délices.

p.157
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AU TEMPS DE L'EMPRISONNEMENT
ET DU PROCÈS (1623-1625)

XXXVIII - LA MAISON DE SYLVIE
Ode II


Lorsqu’à petits flocons liés,
La neige fraîchement venue
Sur de grands tapis déliés
Épanche l’amas de la nue,
Lorsque sur le chemin des Cieux
Ses grains serrés et gracieux
N’ont trouvé ni vent ni tonnerre,
Et que sur les premiers coupeaux
Loin des hommes et des troupeaux,
Ils ont peint les bois et la terre,

Quelque vigueur que nous ayons
Contre les esclaves qu’elle darde,
Ils nous blessent, et leurs rayons
Éblouissent qui les regarde.
Tel dedans ce parc ombrageux
Éclate le troupeau neigeux,
Et dans ses vêtements modestes,
Où le front de Sylvie est peint,
Fait briller l’éclat de son teint
À l’envi des neiges célestes.

En la saison que le Soleil
Vaincu du froid et de l’orage,
Laisse tant d’heures au sommeil
Et si peu de temps à l’ouvrage,
La neige, voyant que ces daims
La foulent avec des dédains
S’irrite de leurs bonds superbes,
Et pour affamer ce troupeau,
Par dépit sous un froid manteau
Cache et transit toutes les herbes….

p.156
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AU TEMPS DE L'EMPRISONNEMENT ET DU PROCÈS (1623-1625)

XXXIX
Lettre de Théophile à son Frère


S’il plaît à la bonté des Cieux
Encore une fois à ma vie
Je paîtrai ma dent et mes yeux
Du rouge éclat de la Pavie ;
Encore ce brignon muscat
Dont le pourpre est plus délicat
Que le teint uni de Caliste,
Me fera d’un œil ménager
Étudier dessus la piste
Qui me l’est venu ravager.

Je cueillerai ces Abricots,
Les Fraises à couleur de flammes,
Où nos Bergers font des écots
Qui seraient ici bons aux Dames,
Et ces Figues et ces Melons
Dont la bouche des Aquilons
N’a jamais su baiser l’écorce,
Et ces jaunes Muscats si chers
Que jamais la grêle ne force
Dans l’asile de nos Rochers.

Je verrai sur nos Grenadiers
Leurs rouges pommes entrouvertes,
Où le Ciel comme à ses lauriers
Garde toujours des feuilles vertes ;
Je verrai ce touffu Jasmin
Qui fait ombre à tout le chemin
D’une assez spacieuse allée,
Et la parfume d’une fleur
Qui conserve dans la gelée
Son odorat et sa couleur….

p.199
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Mais je me sens jaloux de tout ce qui te touche,
De l’air qui si souvent entre et sort par ta bouche.
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AU TEMPS DE L'EMPRISONNEMENT ET DU PROCÈS (1623-1625)

XXXIX
Lettre de Théophile à son Frère


Si je passais dans ce loisir
Encore autant que j’ai de vie,
Le comble d’un si cher plaisir
Bornerait tout mon envie ;
Il faut qu’un jour ma liberté
Se lâche en cette volupté :
Je n’ai plus de regret au Louvre :
Ayant vécu dans ces douceurs,
Que la même terre me couvre
Qui couvre mes prédécesseurs.

Ce sont les droits que mon pays
A mérités de ma naissance,
Et mon sort les aurait trahis
Si la mort m’arrivait en France ;
Non, non, quelque cruel complot
Qui de la Garonne et du Lot
Veuille éloigner ma sépulture,
Je ne dois point en autre lieu
Rendre mon corps à la nature,
Ni résigner mon âme à Dieu.

L’espérance ne confond point ,
Mes maux ont trop de véhémence,
Mes travaux sont au dernier point,
Il faut que mon repos commence ;
Quelle vengeance n’a point pris
Le plus fier de tous ces esprits
Qui s’irritent de ma constance!
Ils m’ont vu lâchement soumis
Contrefaire une repentance
De ce que je n’ai point commis….

p.201
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AU TEMPS DE L'EMPRISONNEMENT ET DU PROCÈS (1623-1625)

XXXIX
Lettre de Théophile à son Frère


Mon Dieu, mon souverain recours
Peut s’opposer à mes misères,
Car ses bras ne sont pas plus courts
Qu’ils étaient au temps de nos Pères.
Pour être si prêt à mourir
Dieu ne me peut pas moins guérir:
C’est des afflictions extrêmes
Qu’il tire la prospérité,
Comme les fortunes suprêmes
Souvent le trouvent irrité.

Tel de qui l’orgueilleux destin
Brave la misère et l’envie,
N’a peut-être plus qu’un matin
Ni de volupté ni de vie.
La Fortune qui n’a point d’yeux,
Devant tous les flambeaux des Cieux
Nous peut porter dans une fosse ;
Elle va haut, mais que sait-on
S’il fait plus sûr dans son carrosse
Que dans celui de Phaéton?

Le plus brave de tous les Rois
Dressant un appareil de guerre
Qui devait imposer des lois
À tous les peuples de la terre,
Entre les bras de ses sujets,
Assuré de tous les objets
Comme de ses meilleurs gardes,
Se vit frapper mortellement
D’un coup à qui cent hallebardes
Prenaient garde inutilement….

p.196
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XII. LA SOLITUDE.
Ode.


 Dans ce val solitaire et sombre,
Le cerf, qui brame au bruit de l’eau,
Penchant ses yeux dans un ruisseau,
S’amuse à regarder son ombre.

 De ceste source une Naïade
Tous les soirs ouvre le portal
De sa demeure de crystal,
Et nous chante une serenade.

 Les nymphes que la chasse attire
À l’ombrage de ces forests
Cherchent des cabinets secrets,
Loin de l’embusche du satyre.

 Jadis au pied de ce grand chesne,
Presque aussi vieux que le soleil,
Bacchus, l’Amour et le Sommeil,
Firent la fosse de Silene.

 Un froid et tenebreux silence
Dort à l’ombre de ces ormeaux,
Et les vents battent les rameaux
D’une amoureuse violence.

 L’esprit plus retenu s’engage
Au plaisir de ce doux sejour,
Où Philomele nuit et jour
Renouvelle un piteux langage.

 L’orfraye et le hibou s’y perche ;
Icy vivent les loup-garous ;
Jamais la justice en courroux
Icy de criminels ne cherche.

 Icy l’amour faict ses estudes ;
Venus y dresse des autels ;
Et les visites des mortels
Ne troublent point ces solitudes.

 Ceste forest n’est point profane,
Ce ne fut point sans la fascher
Qu’Amour y vint jadis cacher
Le berger qu’enseignoit Diane.

 Amour pouvoit par innocence,
Comme enfant, tendre icy des rets ;
Et comme reine des forests,
Diane avait cette licence.

p.176-177
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Théophile de Viau
Je veux faire des vers qui ne me soient pas contraints,
Promener mon esprit par des petits desseins,
Chercher des lieux secrets où rien ne me déplaise,
Méditer à loisir, rêver tout à mon aise,
Employer toute une heure à me mirer dans l'eau,
Ouïr comme en songeant la course d'un ruisseau,
Écrire dans les bois, m'interrompre, me taire,
Composer un quatrain sans songer à le faire.

Extrait de la "Lettre de Théophile à son frère"
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