AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Thierry Beinstingel (116)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Ils désertent

Passionné par Rimbaud, il est VRP en papier-peint depuis quarante ans ; il se plaît à dire qu'il a parcouru deux fois la distance terre-lune aller-retour, un million et demi de kilomètres ; sa hiérarchie et ses collègues le surnomment « l'ancêtre ». Bien que ce soit lui qui, de l'ensemble des commerciaux, rapporte le plus de chiffre d'affaires, il est dans le collimateur de l'entreprise depuis longtemps car il refuse sa nouvelle orientation qui consiste à vendre des canapés en plus du papier peint, et une jeune femme frais émoulue d'études de commerce est embauchée dans le but quasi-unique de le licencier et de restructurer le secteur des ventes. Si elle réussit cette tâche, elle sera promue directrice des ventes. Ce serait pour elle, issue d'un milieu modeste, une revanche sociale. ● J'ai apprécié l'originalité du roman qui réside dans son dispositif narratif, puisque le récit est raconté au « vous » lorsqu'il s'agit de « l'ancêtre », et au « tu » lorsqu'il s'agit de la jeune femme. ● Par ailleurs le style est agréablement ciselé. ● J'aime aussi, souvent, les romans qui prennent pour objet l'entreprise – ils ne sont pas si nombreux et parfois ce sont de grandes réussites. ● Je ne dirais pas que c'est le cas de celui-ci en raison de sa linéarité, de ses multiples longueurs, de son manque de rebondissements. On s'ennuie un peu. Tout est prévisible. ● le goût du VRP pour Rimbaud est une coquetterie de bobo, et l'homosexualité de la jeune femme une concession à l'air du temps, ces deux points échappant à toute nécessité narrative. ● On imagine ce qu'un Houellebecq aurait pu faire d'un tel sujet dénonçant l'inhumanité de la société mercantile, en y introduisant notamment l'humour et la dérision qui fait franchement défaut au roman de Thierry Beinstingel, et celui-ci pâtit beaucoup de cette comparaison.
Commenter  J’apprécie          492
Dernier travail

Vincent vit ses dernières semaines de travail et à l’occasion de l’embauche d’une jeune femme, Eve, il se remémore un drame qui l’avait marqué : le père de celle-ci s’était suicidé, dans son bureau. Enfin si on pouvait appeler ainsi cette pièce où il avait été relégué. Plutôt un placard comme la situation dans laquelle l’entreprise l’avait placé, dans laquelle il n’existait plus, déjà, avant de le signifier par un acte qui serait suivi de beaucoup d’autres. Des hommes et des femmes que l’entreprise avait méprisés, pressés comme de vieux citrons ou peut-être pire comme le père d’Eve mis au garage comme une vieille voiture qui ne sert plus. Le procès de ces suicides démarre à ce même moment….

On ne peut s’empêcher même si ce n’est jamais dit de penser à France Telecom.



Un livre qui hésite sans cesse entre roman et essai social, sans vraiment choisir, au détriment de chacun des genres. Les personnages y sont nombreux, je les ai trouvés trop « fades » pour m’y attacher, et j’ai regretté que l’auteur n’approfondisse pas plus les relations qui se nouent entre eux, ainsi celle entre Vincent et l’oncle d’Eve, relation improbable entre un cadre représentant de la boite qui a causé le drame dans cette famille et l’oncle, frère du suicidé, qui peine toujours à se remettre du drame.



Il y avait pourtant de quoi créer une atmosphère, un climat et c’est je crois ce qui m’a manqué. J’ai trouvé le rythme monotone, l’écriture sans relief, et j’ai peiné à finir ce livre dont le sujet pourtant m’intéressait, ayant passé toute ma carrière dans une grosse boite au sein de laquelle les mêmes « valeurs » sont soi-disant mises en avant, avec beaucoup d’hypocrisie.



Lu dans le cadre du jury du prix Fnac.

Commenter  J’apprécie          4812
L'âme au Diable n°1

L'écriture est une diablesse délicate et versatile. La feuille blanche l'intimide, l'inspiration l'accompagne ou la fuit.



Faut-il alors passer un pacte faustien pour la séduire ?

S'acoquiner avec le diable pour atteindre la diablesse ?



C'est ce que pense l'équipe éditoriale de "L'âme au diable" cette nouvelle revue littéraire sise à St Brieuc (côte d'Armor) qui propose dans sa première livraison seize textes-pactes.



La qualité d'écriture est ce qui lie ces autrices et auteurs, le tout est agrémenté de nombreuses illustrations en noir & blanc du plus bel effet.



Cette publication, prévue pour être semestrielle est une très belle initiative à découvrir et à soutenir.



Contact : lameaudiable@orange.fr
Commenter  J’apprécie          401
Vie prolongée d'Arthur Rimbaud

Rimbaud rangé, embourgeoisé, dirigeant une carrière, prenant femme, et père de famille... ?

Impossible, dites-vous ! Rimbaud est mort à 37 ans, d’une infection ramassée en Afrique, lors de ses pérégrinations marchandes au Harar, notamment.

Rimbaud rangé ? Que nenni ! Cet adolescent au regard clair et à la mèche rebelle ne se rangera jamais dans cette catégorie de gens raisonnables...



Eh bien si ! Du moins par la magie de l’imagination de Thierry Beinstingel.

A partir d’un quiproquo autour de sa prétendue mort (on se trompe de cadavre et le directeur de la clinique de Marseille où il gisait ne veut pas que l’affaire s’ébruite), Rimbaud bénéficie d’une seconde vie, cachée. Sa mère et sa sœur Isabelle l’enterrent, enfin, celui qu’on croit être lui. Arthur Rimbaud devient Nicolas Cabanis et surtout, ne veut plus entendre parler de sa vie de poète. Pour lui, c’est du passé. C’est l’Afrique, plutôt, qui l’obsède, du moins son ami Djami qui hante ses nuits.

Amputé d’une jambe, il se reconstruit en retournant vers le Nord.



Nous assistons par petites touches à ses actions raisonnables, quoique...

Nous l’accompagnons dans son autre vie, mêlée à son siècle. Il met son intelligence et son goût des sciences au service du progrès. Et si l’affaire Dreyfus ne le touche guère, la guerre 14-18, elle, l’emmènera là où on ne s’y attend pas.

Nous retrouvons également les écrivains et les écrivaillons (notamment Paterne Berrichon, le mari d’Isabelle Rimbaud) qui se disputent ses écrits, et nous vivons en direct l’émergence de sa gloire à laquelle il ne s’intéresse absolument pas.



Rêves et vérités s’entremêlent dans ce roman un peu long mais tellement bien écrit, parsemé d’allusions aux poèmes ainsi qu’aux écrivains réputés de cette période.

Mélancolie, émotion, sourires, et à certains moments énervement..., c’est ce que j’ai éprouvé à cette lecture.

Rimbaud et ses « Illuminations », Rimbaud et sa « saison en enfer » ...Et s’il avait vécu davantage que 37 ans, aurait-il encore écrit ? « Une saison au paradis », peut-être ?

Commenter  J’apprécie          382
Dernier travail

Vincent, Bernard, Francis... et les autres



Sur les pas d'un cadre aux relations humaines d'un grand groupe de téléphonie, Thierry Beinstingel poursuit son exploration du monde de l'entreprise. Un roman qui se lit comme un thriller.



Vincent travaille au service des relations humaines dans une grande entreprise de téléphonie. À trois mois de la retraite, il met de l'ordre dans ses dossiers, se souvient notamment de la grande affaire qui a secoué la société une dizaine d'années plus tôt avec une vague de suicides. Bernard, qu'il avait croisé brièvement lors d'une réunion, avait été le premier. Il s'était enfermé dans son bureau un vendredi soir, avait pris des poignées de médicaments et arrosé le tout de beaucoup d'alcool. C'est la femme de ménage qui l'avait retrouvé le lundi matin. Un drame qui s'était doublé d'une intervention des forces de l'ordre quand, quelques jours plus tard Francis, le frère du défunt avait surgi avec son fusil de chasse et avait fait voler en éclats toutes les cloisons de verre du bureau. Employé à l'office des forêts, cet acte avait eu pour conséquences une rétrogradation et une affectation dans une forêt isolée où il vivait désormais avec son épouse Caroline et sa fille Charlène.

Une affaire qui ressurgit alors que se déroule le procès maintes fois reporté, mais aussi après un coup de fil de Vivian, l'épouse de Bernard. Elle sollicite son aide pour que sa fille obtienne l'emploi qu'elle convoite au service commercial. Après un rapide entretien avec Ève, qui avait neuf ans quand elle a perdu son père, il décide d'intercéder en sa faveur. Très vite la nouvelle recrue prend ses marques et s'intègre dans la société, y trouvant même l'amour. Seul Francis voit d'un mauvais œil ce «retour chez l'ennemi.

Quant à Vincent, il aimerait comprendre pourquoi rien n'a été entrepris pour tenter ce comprendre le geste de Bernard et tenter de prévenir les autres actes désespérés qui suivront.

Une enquête délicate qui permet à Thierry Beinstingel de mettre en lumière les pratiques pour le moins douteuses des grandes entreprises qui sous couvert d'un galimatias technocratique mettent leurs employés sous pression, allant jusqu'à leur demander l'inverse de ce pour quoi ils ont été engagés, les reléguant dans des placards à balai quand on ne trouve pas le moyen de les remercier. C'était l'époque meurtrière de la GPEC, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.

Le choc de ces suicides à répétition a beau avoir fait changer les méthodes, Francis se rend bien compte que sous le vernis, ce sont bien les mêmes règles qui perdurent.

L'auteur, qui a travaillé chez Orange jusqu'en 2017, décortique avec beaucoup de justesse cet univers impitoyable. Mais sans manichéisme et sans vouloir en faire un roman à charge, il montre combien, avec la meilleure volonté du monde, il est difficile de faire bouger les lignes. L'homme reste un loup pour l'homme.




Lien : https://collectiondelivres.w..
Commenter  J’apprécie          360
Dernier travail

Retour sur une affaire qui a fait couler beaucoup d'encre : les suicides à répétition d'une certaine grande entreprise française il y a quelques années. Salariés longtemps classés dans le public qui passaient au rythme du capitalisme, du privé et de son management froid. A travers ce fait divers, l'auteur revient sur ces méthodes qui font des hommes des machines à rentabilité : tous payés au même salaire (sans distinction de talents et/ou de motivation), tous interchangeables. Et après on s'étonne que les "esprits d'entreprise" aient disparu et qu'un jour un phénomène de démission massive frappe le monde du travail. Les discours proprets (genre win-win), les tournures d'encouragement toutes faites (genre sortir de sa zone de confort), les langages de seminaro-formations convenus ne font plus recettes ; et, sont même en parfaites contradictions avec les habitudes liees aux réseaux sociaux qui imposent l'insistance du soi, de l'ego, de l'individualisme : alors forcément le fossé se creuse. Tout est question de projets d'entreprise : ce livre me rappelle un petit bonhomme qui pendant des années avait en charge de motiver des équipes, jusqu'à un changement de direction, qui lui demandait de licencier les membres desdites équipes, les maillons faibles ou les brebis galeuses qui ne sont pas "corporate". Il était temps de partir alors - mais pas au point d'y laisser sa vie : quelle pression et mal-être professionnels méritent à ce point d'en payer de sa vie ? L'axiome des générations Y et Z est retourné : avant de te demander ce que tu peux faire pour ton entreprise, demande toi ce que ton entreprise peut faire pour toi. Ce livre est bien plus puissant que ce qu'il laissait présager : ce n'est pas seulement une entreprise qu'il vise, c'est toute la matrice.
Commenter  J’apprécie          310
Ils désertent

J'ai beaucoup aimé ce roman atypique et émouvant , mettant en jeu deux solitudes du monde moderne .



Atypique par la forme: deux voix s'entrecroisent, rendues presque anonymes par l'utilisation neutre et dérangeante du "tu" pour la jeune femme qui cherche à s'élever socialement et du "vous" pour le représentant en papier-peint qu'elle est chargée de licencier, "l'ancêtre" comme on le surnomme.



Atypique aussi quant aux personnages, à priori antinomiques, fort éloignés l'un de l'autre. L'ancêtre trace la route depuis des années, et s'use, malgré un don certain pour la vente.Il voit peu sa famille et se passionne pour Rimbaud. La femme mandatée pour l'évincer est elle perdue , sans motivation réelle ,en dépit de son désir de revanche sociale.



Émouvante,la traversée de ce désert urbain, de ces êtres fermés en eux-mêmes, de la laideur des banlieues, du gris du bitume.



Émouvantes, les phrases pour mimer ce vide, ce quotidien où les jours sont calqués les uns sur les autres, mais où l'esprit parfois se rebelle et cherche autre chose, une lueur, un espoir ténu, " juste l'impérieuse envie de s'arrêter comme ça, pour rien, que tout cela cesse, vitesse, déplacement, juste parce que dans le soir, entre chien et loup, le bitume semblait devenir plus épais, plus consistant, étalé en flocons irréguliers, presque vivant, un pelage de fauve dans le mauve du crépuscule. "



Surprenante, la fin, et il faut l'avouer, trop idyllique, mais si séduisante ...



" Elle dit: ils désertent. Et toi, tu comprends île déserte. " Une île déserte, au milieu du béton et du noir anonymat , mais une île déserte où le coeur reverdit et et se trouve ...



Commenter  J’apprécie          280
Ils désertent

Avec Ils désertent, Thierry Beinstingel nous fait pénétrer dans une petite entreprise. Cette dernière distribuait jusqu’ici du papier peint, article un peu démodé. Elle entend désormais se diversifier. Pourquoi ne pas proposer, par exemple, des canapés ? Un des représentants s’y refuse. Il s’agit de "l’Ancêtre". Il y a quarante ans qu’il est là. Il a ses fidèles clients. Son système a beau sembler obsolète, il fonctionne. Seulement voilà ! L’actuelle direction, qui entend frapper un grand coup, veut tout réformer. Elle a engagé une jeune femme. Elle se retrouve responsable des changements. Pour cette débutante, qui s’est faite toute seule et qui végétait, il s’agit d’une aubaine. Sa première mission sera donc de liquider en douceur "l’Ancêtre", qui n’entend pas se laisser faire. Pour tout dire, elle-même n’est pas convaincue. C’est encore lui qui compte le plus dans le chiffre d’affaires qu’elle a consulté. Alors, faut-il vraiment frapper ce grand coup psychologique ? Elle suit donc cet homme, en début de soixantaine, au risque de sympathiser…



Rythmé par le "vous" et le "tu" avec lesquels l'auteur aborde ses personnages sans nom , le roman observe la société à travers le regard de deux solitaires attachants. Lui accroché à ses chambres d'hôtel, à sa voiture et à Rimbaud qu'il vénère; elle, "l'intello de la famille", à son appartement perdu au milieu de nulle part et à son désir d'ascension sociale. Thierry Beinstingel nous met le dilemme entre les mains et appuie gentiment là où ça fait mal : malaise économique, malaise existentiel, malaise d’une société. L’écriture est serrée, précise, sans fioritures, ancrée dans le réel. Un roman bien conduit dont le dénouement est inattendu mais qui tient quand même un peu du mirage.
Commenter  J’apprécie          200
Ils désertent

Lui est surnommé l'ancêtre.

Il était présent à la naissance de l'entreprise, seul employé avec le patron.

Depuis les premiers jours, il sillone les routes avec, sous le bras, ses échantillons de papiers peints reliés comme un beau livre et aussi, c'est son petit secret, les oeuvres de Rimbaud.

Des années qu'il connait ses clients, qu'il aime leur présenter ses nouveautés. Et la réciproque est vraie, ses clients sont impatients de voir, de toucher les nouveaux échantillons et surtout d'écouter les arguments de " l'ancêtre ".

C'est sûrement cette alchimie qui fait de lui le meilleur VRP de sa boite.



Elle, ex-étudiante en école de commerce, ex-employée d'un magasin de sport et nouvellement embauchée comme directrice des ventes.

Fière de sa réussite sociale, elle va pourtant très vite en voir le revers de la médaille avec cette première mission qui consiste à virer l'ancêtre.



Deux générations, deux destins qui vont se croiser dans les méandres du monde du travail.



Mon avis :



coeur



J'aurais écrit mon billet juste après ma lecture, je n'aurais probablement pas mis de coup de coeur. Mais avec quelques semaines de recul et un peu de réflexion, je lui trouve toutes les qualités pour un tel roman.



Bien sûr, il faut aimer ce genre de sujet, ce qui est mon cas. Même si professionnellement j'ai tourné la page, le rapport entre l'humain et l'entreprise continue d'exercer une certaine fascination chez moi.



Dans ce roman, qui pourrait d'ailleurs être un document, l'auteur maîtrise parfaitement son sujet.

Ancien cadre chez France Telecom, Thierry BEINSTINGEL connaît sur le bout des doigts les rouages du monde de l'entreprise. Ainsi, il réussit une description très exact du management actuel et aussi de cette relation très malsaine entre employeur et employé.



Mais ce roman ce n'est pas que cela, c'est aussi un hommage aux commerces de Province (Jean-Pierre PERNAUD sort de ce corps !!!), à la vie sur les routes et dans les hôtels, à la réussite sociale... En fait, c'est un livre sur nous, notre époque dans ce qu'elle a de bon et aussi de moins bon. Un texte qui m'a parlé et qui continue de me faire réfléchir des semaines après l'avoir refermé.



Je pourrais parler de ce roman pendant des pages car je n'ai fait qu'effleurer les sujets évoqués, mais le but du jeu c'est plutôt que vous le découvriez. Alors...
Lien : http://www.livr-esse.com/art..
Commenter  J’apprécie          180
Vie prolongée d'Arthur Rimbaud

Lecture mitigée d'un côté j'ai aimé retrouver Arthur, Isabelle aussi, d'un autre je me suis ennuyée et j'ai traîné cette lecture. Certaine la plume est agréable mais je n'ai pas accroché à cet autre Arthur alias Nicolas bon père de famille, entrepreneur etc... ça ne colle pas à l'image d'Arthur, même si les traits de caractère semblent se superposer, et l'âge faisant son oeuvre sur la sagesse, je ne suis pas parvenue à m'immerger à cette supercherie. Même Isabelle sa propre soeur, avait du mal à faire le lien entre Arthur devenu Nicolas, c'est pour dire.

J'ai apprécié cependant, l'immersion dans cette époque quant au pays, c'est le mien, alors lire les noms des villes, villages qui m'entourent, c'est surprenant du coup, ça fait bizarre.

Contente malgré tout de l'avoir lu, mais vous l'aurez compris avec une pointe de déception.
Commenter  J’apprécie          170
Il se pourrait qu'un jour je disparaisse sa..

Les acteurs du nouveau roman de Thierry Beinstingel sont appelés la prof, la jeune fille et l’homme. Ces trois personnages sans nom font partie de la société et joue parfaitement le rôle qui leur est attribué. Ils sont fondus dans la masse jusqu’au jour où leur chemin de vie déroute.



Suite à un geste malheureux, la professeur d’allemand modèle se retrouve à donner des cours à des migrants pour le compte d’une association. Après l’abandon de ses études, la jeune fille devient la baby-sitter d’un garçon autiste, vivant dans la clandestinité. L’homme, au chômage, va accepter pour de l’argent un job surréaliste d’agent d’entretien dans une contrée isolée.



Tous, à leur manière, font l’expérience de la disparition. Ils cessent d’exister aux yeux du monde. Dans leurs destins à priori indépendants, ils vont rencontrer les différentes formes que peut prendre la solitude. Cette solitude met l’être humain en marge de la société, du système. Ils perdent alors leur identité qui reposait finalement sur leur rapport aux autres. En voulant sortir de cet état, les protagonistes se redécouvrent eux-mêmes et ouvrent les yeux sur une catégorie de gens dont ils ignoraient l’existence.



En général, je n’aime pas trop les romans avec trois histoires distinctes. En trop grand nombre, elles sont souvent incomplètes et superficielles. Il n’en est rien ici. Les trois parties s’enlacent et se complètent à la fois, afin de créer une représentation de la solitude moderne. Les émotions sont bien retranscrites et l’évolution des évènements m’a captivé jusqu’ au final surprenant.



« Il se pourrait qu’un jour je disparaisse sans trace » est un roman social sans concession. Thierry Beinstingel livre un texte lucide sur des situations dramatiques. Avec une certaine poésie et beaucoup de bienveillance, il entrebâille une porte d’accès lumineuse sur les gens auxquels personne ne pense, les oubliés…




Lien : https://leslivresdek79.com/2..
Commenter  J’apprécie          140
Il se pourrait qu'un jour je disparaisse sa..

Quand Thierry Beinstingel s'empare des solitudes humaines cela donne le sublimissime Ils désertent qui reste gravé dans ma mémoire avec sa peinture des ravages du management sur les salariés ordinaires. On est bien dans la même veine ici avec ce titre emprunté à Vendredi ou les limbes du Pacifique de Michel Tournier. Cette fois encore, l'auteur trouve les mots justes pour éclairer ces vies ordinaires qui tentent de se trouver un sens, malgré la perte de repères, malgré le délitement de leur environnement, malgré leur difficulté à exister parmi la foule. Malgré le manque flagrant de communication et d'attention à l'autre.



Nous suivons trois personnages, tour à tour, au fil de courts chapitres qui nous attachent progressivement et irrésistiblement à eux. Il y a d'abord une femme, professeur de lycée, en proie au doute face au désintérêt de ses élèves. Un homme, chômeur de longue durée qui accepte un contrat de travail assez déconcertant, gardien d'une station de pompage au milieu de nulle part. Et puis une jeune fille, adolescente un peu paumée, qui se cherche et accepte de s'occuper d'un jeune garçon différent que sa mère cache dans un immeuble désaffecté voué à une prochaine démolition. Chacun d'entre eux va faire sa propre expérience dans des conditions plus ou moins inconfortables, et découvrir la possibilité d'un "autrement".



Ce qui est intrigant chez l'auteur c'est sa façon d'intégrer les objets du quotidien à sa réflexion, rendant ainsi sa démarche étonnamment proche et les sensations des protagonistes douloureusement perceptibles. Dans Ils désertent, son héros était représentant en papier peint, ici, l'expérience de l'enseignante passe par un entrepôt qui abrite les activités d'une association œuvrant pour l'insertion et l'intégration grâce à la récupération et à la revente de meubles et ustensiles en tous genres. L'homme et la jeune fille, de leur côté vont expérimenter la nécessité de faire sans le relatif confort de leur quotidien. Ce qu'ils vont tous découvrir, par-delà les objets et le poids des habitudes, ce sont les autres et surtout eux-mêmes. L'importance du regard porté sur les autres. Un aperçu de là où se trouvent les vraies richesses...



L'écriture de Thierry Beinstingel est limpide, légère, empreinte d'une forme de poésie qui se niche là où on ne l'attend pas. De roman en roman, il construit une grande fresque sociale et sociétale, dont les héros sont des gens comme les autres. Son regard est précieux et, le dénouement parfaitement inattendu permet d'admirer toute sa maitrise narrative.



Franchement, il faut lire Thierry Beinstingel.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
Commenter  J’apprécie          140
Retour aux mots sauvages

Electricien de formation, cet homme était technicien dans les télécommunications. Mais l'entreprise a évolué, il se retrouve sur la touche à cinquante ans comme tant d'autres de ses collègues, et se voit proposer un poste de téléopérateur. La reconversion n'est pas aisée : après un travail manuel, il s'agit désormais de recevoir une dizaine d'appels par heure, de répondre aux questions des abonnés et des potentiels clients de la manière la plus neutre et standardisée possible - d'ailleurs, il doit abandonner son prénom pour un pseudonyme, il sera Eric. Tout cela sur une plateforme, entouré de quelques collègues qui enchaînent également les appels. De plus en plus, les syndicats parlent de souffrance au travail, et les suicides de salariés de l'entreprise se multiplient, la presse s'en fait l'écho.



Voici donc l'histoire émouvante d'un homme qui perd ses repères professionnels à plus de dix ans de la retraite. Difficile pour lui d'accepter ce rôle de robot anonyme, même s'il n'a jamais été très sociable. Heureusement l'ambiance entre les collègues est sereine, bienveillante, presque chaleureuse - il faut dire qu'ils subissent le même sort, et que la plupart ont le même profil.



L'auteur est cadre dans les télécomms, il évoque ce dont il a été très probablement témoin, soulevant les délicats problèmes de la souffrance au travail, des licenciements, des reconversions, de la place des séniors dans les entreprises. Son texte est simple et direct, humain et touchant, à l'image de cet employé. On le lit la gorge serrée.

Commenter  J’apprécie          140
Ils désertent

"Ils désertent" est un livre dont j'aurai aimé dire que je l'avais adoré alors que je ne l'ai que simplement aimé. C'est un livre enrichissant, formidablement bien écrit, qui m'a happé dès les premières lignes mais qui hélas m'a un peu lâché avant sa conclusion.

Nous faisons d'abord la connaissance d'une jeune femme, fière d'avoir pu grimper sur l'échelle sociale grâce à son embauche au poste de chef des ventes dans une société de papiers peints et de décoration. Son premier travail sera de virer un de ses VRP, surnommé l'ancêtre, quarante ans de boîte mais aussi celui qui fait toujours les meilleurs chiffres de vente. Ces deux là, malgré leur différence d'âge, leurs fonctions, ont finalement d'infimes choses en commun que Thierry Beinstingel va nous faire découvrir en observant leur vie avec de subtils chapitres en parallèle.

La première moitié du roman est une brillante mise en place du récit, brossant avec pertinence et sensibilité le mal être de ces deux personnes solitaires et broyés par le travail en entreprise, troisième personnage de cette histoire. Le monde du management, de la recherche du profit, des décisions imbéciles au nom de la sacro-sainte économie libérale sont ici la toile de fond devant laquelle se débattent ce presque vieil homme et cette jeune femme. Leur vie est un désert, affectif, relationnel et même architectural puisque la jeune chef des ventes habite un de ces appartements pour investisseurs, construit au milieu d'un champ, au bout du bout d'une ville sinistre. Tous deux ne sont que les pions d'un système rendu fou et qui ne garde que les plus malléables. Elle, ancienne lectrice d'Hannah Arendt, se demande comment on peut encore travailler après avoir lu "Condition de l'homme moderne". Lui, est un admirateur de Rimbaud, surtout de sa correspondance, depuis qu'il a appris que, comme lui, il avait été un voyageur de commerce.

Toute cette première partie est tout simplement admirable par son acuité, par la totale empathie de l'écriture avec les personnages. Et soudain, après un chapitre un peu étrange mêlant Rimbaud et l'auteur, le livre bascule doucement vers un final, comment dire, un peu trop sucré. C'est comme si, pour rester avec des auteurs récents, on avait débuté le livre avec Jérôme Ferrari et terminé avec Grégoire Delacourt (deux auteurs aux univers très différents mais dont j'ai apprécié les ouvrages cette année) et du coup cela ne fonctionne pas vraiment. Même si la thèse de la culture sauvant l'humain du néant est forcément séduisante, elle détonne quelque peu après une mise en place si tendue, si âpre et si intense. C'est dommage, mais je ne suis peut être pas très bon juge, puisque, ô surprise, les jurés Goncourt ont inscrit ce roman dans leur première liste.

Un peu plus sur le blog
Commenter  J’apprécie          120
Retour aux mots sauvages

Un téléopérateur d'une plateforme téléphonique va contre les consignes de travail de l'entreprise et recontacte un client. Faute grave au vu de la direction alors que l'entreprise fait face à une vague de suicides. Beintingel installe son histoire avec beaucoup d'ironie et de recul ou le relationnel et le social sont remisés au placard.Une déshumanitation pour dénoncer la politique qui règne dans de nombreuses entreprises. La froide logique ou l'on va jusqu'à changer les prénoms des téléopérateurs fait froid dans le dos et montre combien l'individu est devenu un pion que l'on façonne ou que l'on jette. Un regard hélas terriblement juste et glaçant. A méditer.
Commenter  J’apprécie          120
Retour aux mots sauvages

Un électricien âgé de 50 ans vient d'être licencié de l'entreprise dans laquelle il a travaillé pendant plusieurs décennies. Il retrouve rapidement un travail dans une grande entreprise de télécommunication. Il y consacre ses journées de travail à vendre de nouveaux contrats et à assurer du service après vente par téléphone. Le changement est brutal pour lui : comme tous ses collègues il adopte un nouveau prénom de circonstance (Eric), il doit supporter le manque de reconnaissance sociale et l'absence de relation personnalisée avec les clients, ainsi que la grossièreté de certains d'entre eux. Sa situation est d'autant plus angoissante que parmi les salariés de l'entreprise beaucoup ont subi une reconversion difficile, à tel point que certains ne trouvent d'autre issue que la fenêtre... ou d'autres formes de suicide.



France Télécom n'est jamais nommé, mais on ne peut s'empêcher de penser à la vague de suicides qui s'y est produite il y a quelques années.



L'auteur décrit ici avec une très grande précision, les conséquences de la dépersonnification vécue par les opérateurs téléphoniques de l'entreprise sur leur santé. L'organisation du travail apparaît bien comme le facteur premier de la souffrance au travail des salariés, comme c'est généralement le cas, et comme ce le fut sans doute dans l'entreprise précitée. L'auteur semble oublier de mettre en évidence les comportements pathogènes de certains, comportement qui s'expriment particulièrement bien dans ce type d'organisation du travail. Il est possible que cette omission soit volontaire, précisément pour mieux souligner que souvent les individus se comportent de manière perverse au travail uniquement quand l'entreprise le leur permet, voire les y encourage.



Une bonne analyse du sujet de la souffrance au travail, même si elle est très partielle. Contrairement au critique de Télérama en 4ème de couverture, je n'ai pas trouvé de trace d'humour dans ce roman (même noir). Le suspense est en revanche présent, puisque je me suis demandé jusqu'à la fin si Eric finirait par s'adapter à son travail ou si son nouvel employeur le jugerait finalement inadapté, voire si comme d'autres il ne finirait pas par craquer, psychologiquement ou physiquement.



Enfin, il ne fait aucun doute pour moi que l'auteur est un adepte assidu de la course à pied, comme Eric, tant il décrit bien les mécanismes de pensée des accros au jogging, à travers ce personnage.
Commenter  J’apprécie          112
Dernier travail

J'ai découvert Thierry Beinstingel avec Ils désertent, un livre qui m'a beaucoup marquée par son aptitude à parler du monde du travail avec une évidente précision mais sans trivialité. Dernier travail est dans cette veine même si la présence réconfortante des livres se fait plus discrète, on y retrouve cette approche au plus près de l'humain qui vient adoucir l'acuité du regard sur la violence dont est capable l'entreprise. C'est aux hommes que s'attache l'auteur car il n'y a pas de système sans ses rouages.



Vincent est un de ces rouages. Il s'apprête à quitter l'entreprise après une belle carrière au cours de laquelle il a évolué vers la fonction RH de proximité qu'il occupe actuellement. A ce titre il a participé aux changements mis en œuvre après une vague de suicides qui vaut actuellement aux dirigeants de ce grand groupe de télécommunications, dix ans après les faits, un procès extrêmement médiatisé. Il a fallu "remettre de l'humain dans les rouages" et Vincent a le sentiment d'avoir fait de son mieux. Avant de partir, il rend un dernier service, aider la fille d'un ancien cadre de l'entreprise à se faire embaucher dans l'une des boutiques du groupe. Sale histoire que celle de cet homme retrouvé mort dans son bureau 12 ans auparavant, bien avant la vague qui a tout déchaîné. Ces souvenirs amènent Vincent à s'interroger sur son propre comportement dans l'entreprise, sa contribution, ses évitements, son engagement au service d'objectifs qui pouvaient parfois le heurter. Et à se rapprocher de la famille du disparu. Et si cet homme avait en quelque sorte été le "patient zéro", le cas annonciateur des dysfonctionnements à l'origine de la vague ?



Il n'y a aucun manichéisme dans ce roman, nulle envie de dénoncer ou de pousser un coup de gueule. Ce qui intéresse l'auteur c'est le facteur humain pris dans l'engrenage de principes de management, de politiques entrepreneuriales qui finissent par noyer les valeurs élémentaires. Tous ces maillons intermédiaires du système dont on nie la souffrance et que l'on embrigade à coup de discours et d'expressions toutes faites. Toutes celles et ceux qui ont travaillé dans ce type d'entreprises reconnaitront le vocabulaire, les situations, les méthodes. L'auteur ne force jamais le trait cependant. Même lorsqu'il ose le parallèle avec le comportement des loups dans la nature. Le personnage de Vincent parvient à prendre du recul dans ce court laps de temps qui le sépare de son départ en retraite et la réalité se teinte de couleurs bien différentes. "Aura-t-il vraiment existé dans ce bureau ?" se demande-t-il au moment de le quitter, constat à la fois terrible et libérateur. Comme une façon de remettre le travail à sa juste place.
Commenter  J’apprécie          100
Vie prolongée d'Arthur Rimbaud

Le 10 novembre 1891, à Marseille, Arthur Rimbaud, amputé d'une jambe et gravement malade suite à ses voyages en Afrique du Nord, décède. Or, il s'agit d'une méprise totale car le véritable Arthur Rimbaud a été confondu avec un autre homme. Rétabli, le poète va choisir l'anonymat et prendre une autre identité, celle de Nicolas Cabanis. Il va se réinventer totalement, devenir horloger puis exploitant de carrières d'ardoise et de marbre dans sa région natale. Seule sa sœur sera au courant de sa véritable existence et conservera le secret toute sa vie. Le poète va fonder une famille, devenir riche grâce à son travail opiniâtre mais la guerre gronde en ce début de XXème siècle et Rimbaud n'est pas à l'abri des malheurs...



Je remercie tout d'abord le site sur lequel j'ai gagné ce roman assez dense il y a quelque temps que je n'ai pas lu tout de suite car j'avais d'autres lectures en cours. J'ai profité de l'été pour découvrir ce roman étonnant sur une possible fin de vie inventée du poète et j'ai beaucoup apprécié ce livre.

L'idée de départ est originale, elle a beaucoup stimulé mon imagination et je ne me suis pas ennuyée une seule seconde en lisant ce roman.

Au début, l'écriture de T. Beinstingel m'a laissée sceptique, je ne la trouvais pas très plaisante mais vite les phrases hachées et saccadées ont laissé place à une écriture plus déliée. Les chapitres souvent brefs aussi sont agréables à lire.

J'ai aussi beaucoup aimé la période où se passe l'action du livre, cette fin XIXème siècle- début XXème siècle où on assiste à la naissance des innombrables progrès que nous connaissons aujourd'hui, l'électricité, l'automobile, les avancées médicales... On se rend compte qu'à cette époque, la vie était fragile et très précieuse et que le bonheur familial était une valeur refuge.

J'ai apprécié aussi les nombreuses références faites aux autres arts et notamment aux écrivains de cette période.

Pour terminer, ce roman m'a donné envie de relire les poésies de Rimbaud lues pendant mon adolescence car il y a de nombreuses reprises des poèmes dans le roman et je pense les découvrir ainsi sous un jour nouveau.
Commenter  J’apprécie          100
Vie prolongée d'Arthur Rimbaud

Ceux qui suivent la carrière de Thierry Beinstingel ne seront pas surpris de voir l’auteur s’emparer de la vie d’Arthur Rimbaud. «Faux Nègres » était un titre emprunté à l’auteur des Illuminations et cette plongée dans les Ardennes était déjà l’occasion pour lui d’évoquer le poète et, sans doute, de poser les jalons de ce roman qui imagine ce qui se serait passé si le jeune homme n’était pas mort à l’hôpital de la Conception de Marseille le 10 novembre 1891 d’une tumeur au genou.

À la suite du fâcheux concours de circonstances, la dépouille d’un pauvre hère est confondue avec celle du poète et sa sœur Isabelle se voit confier le cadavre d’un inconnu qu’elle va accompagner jusqu’à sa dernière demeure.

Pendant ce temps Arthur Rimbaud se remet de sa maladie et voit là l’opportunité de commencer une nouvelle vie. Il s’appellera Nicolas Cabanis et, s’il a une jambe en moins, il a aussi une vie à rattraper.

Il prend la direction du nord, veut se rapprocher de ses terres natales mais rester fidèle à sa promesse de ne plus écrire de poésie. Par étapes, il va devenir un entrepreneur respecté sous le pseudonyme de Nicolas Cabanis. Il seconde d’abord un horloger, avant de s’associer avec l’exploitant d’une carrière de marbre.

De sa vie antérieure, il ne veut rien retenir, si ce n’est une dette envers Djami qui l’a accompagné durant ses expéditions. En se faisant passer pour un ami africain d’Arthur, il va prier sa sœur Isabelle de lui faire parvenir une somme d’argent. Cette dernière sera du reste la seule à connaître le subterfuge et à rendre visite à Nicolas, à partager quelques instants de cette nouvelle vie.

Si elle croise Marie, l’épouse de Nicolas, suivra la naissance de leurs enfants et comprendra la douleur de son frère quand sa jeune épouse mourra, elle mettra davantage d’énergie à faire vivre l’œuvre du poète. On la voit contacter éditeurs, journalistes, écrivains pour reprendre point par point ce qui se publie. Elle souligne les erreurs, les contresens, argumente, va chercher des informations et corrige. Un acharnement qui ira jusqu’à énerver Verlaine, mais permettra aussi de ne pas oublier les merveilleux textes qu’il a laissés. Son beau-frère, Paterne Berrichon, sera lui aussi un ardent défenseur et illustrateur de sa vie et de son œuvre, lançant par exemple la souscription au monument à Arthur Rimbaud et rassemblant écrivains et artistes.

Nicolas lui a choisi de tirer un trait sur ce passé. Et si, en parcourant la presse, il découvre ce qu’on dit de lui, il n’en retire qu’amertume et incompréhension. Ses exégètes font tous abstraction des quinze années en Afrique qui l’avaient profondément changé. Il était devenu «un homme courageux qui construisait sa vie dans ces contrées inhospitalières.»

Tout juste peut-il esquisser un sourire en découvrant le texte de son ancien professeur de rhétorique Georges Izambard retraçant les facéties de son élève. Les hommages et même les rééditions de ces textes ne l’intéressent plus. Les poètes sont « maudits car on décide pour eux, on parle en leur nom, mais toujours derrière eux, toujours en retard.»

Il s’intéresse davantage à l’économie, aux progrès des techniques. Il n’a de cesse de développer son entreprise, d’installer des machines, d’associer des compétences.

Pour Thierry Beinstingel, cet engagement total apporte la preuve que l’homme n’a pas changé. Il a déjà été meneur d’hommes en tant que poète, en «traînant à sa suite les rimailleurs hésitants», puis en tant que négociant en Afrique où il a su s’entourer des «caravaniers les plus hardis» et désormais en tant que gérant, en dirigeant «cent métiers».

Mais cette belle carrière va se heurter à la folie des hommes. La Première Guerre mondiale va le plonger de un grand dénuement, victime et témoin, seul et entouré de centaines de morts et de blessés.

Pourtant l’auteur du Bateau Ivre saura une fois encore rebondir et se glisser «avec entrain et sans regret dans sa troisième vie».

S’il apparaît que l’exofiction – un genre littéraire qui crée une fiction à partir d’éléments réels – marque une tendance lourde de cette rentrée littéraire, alors on peut se réjouir. Surtout si tous les romans sont de la veine de celui-ci, à savoir solidement documentés. Car ce n’est qu’ainsi que l’uchronie prend tout son sens, en crédibilisant le scénario imaginé. C’est le cas ici et c’est pourquoi je vous conseille la découverte de cette vie prolongée.
Lien : https://collectiondelivres.w..
Commenter  J’apprécie          100
Faux nègres

Aujourd’hui, vous avez de la chance ! Enfin, du moins, ceux qui comme moi, remplissent des listes interminables de livres à lire absolument, ou qui en ont assez que tous les romans de la rentrée soit unanimement formidables, à en croire les hebdomadaires ou mensuels consacrés à la littérature.

Pourtant, ce roman de Thierry Beinstingel, je l’avais repéré et élu entre six ou sept romans de la rentrée présents sur l’étagère des nouveautés à la bibliothèque. J’avais beaucoup aimé, tant pour le fond que pour la forme, Retour aux mots sauvages ainsi que Ils désertent, deux romans qui l’un autant que l’autre savaient marier des tableaux de notre société, du monde du travail, avec une langue originale et tout à fait en adéquation avec les thèmes.

Dans ce troisième roman que je lis, un journaliste rapatrié du Moyen-Orient se voit attribuer, un peu par défaut, un reportage au cœur d’un village de Haute-Marne qui s’est fait remarquer pour avoir fait le score le plus élevé à la dernière présidentielle pour un parti d’extrême-droite jamais nommé, mais dont les initiales figurent en couverture du roman. Il est accompagné d’un preneur de son aveugle, et le duo s’installe dans une chambre d’hôtes de ce village, et tend son micro ici ou là. Quelques personnages émergent, une agriculteur vieillissant, le maire, un ado amoureux, une femme au foyer délaissée…

Mais cette fois, de mon point de vue, ça ne marche pas. La forme semble intéressante, tout d’abord, avec des chapitres qui alternent le point de vue du reporter, et d’autres qui forment une sorte de chœur qui commente l’histoire du village, depuis les origines. Des personnages historiques reviennent dont un poète que l’auteur semble affectionner. Je ne vois vraiment pas ce qu’Arthur Rimbaud vient faire dans ce livre (ça marchait mieux dans Ils désertent) et dans ce village : à la troisième ou quatrième évocation du frais cresson bleu, j’ai commencé à m’agacer, mais la répétition, les listes, semblent des figures récurrentes choisies par l’auteur, et donc j’ai dû m’y faire.

J’ai relevé quelques clichés au cœur de chapitres assez passionnants, ce qui ne m’a pas empêché de continuer. Pourtant, au fur et à mesure des pages, et malgré un drame qui relance l’intérêt, j’ai eu l’impression que le roman tournait en rond, et ne m’apportait plus rien. Je l’aurais volontiers vu avec quelques dizaines de pages en moins. Il est sans doute plus ambitieux que les deux précédents, mais semble moins personnel, et c’est peut-être son défaut… Je n’irai pas par quatre chemins, mon sentiment est plus proche de la déception que de l’enthousiasme. Nul doute que d’autres le trouveront passionnant, mais au moins, vous le saurez : il ne plaira pas à tout le monde !
Lien : http://lettresexpres.wordpre..
Commenter  J’apprécie          100




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Thierry Beinstingel (325)Voir plus

Quiz Voir plus

Ils ont écrit sur des écrivains....

Ronsard a écrit trois volumes de vers pour trois femmes différentes. La première et la dernière, Cassandre et Hélène, ne l’approchèrent point ; l’une parce qu’elle était trop belle et l’autre parce qu’elle était hideuse. C’est du moins ce qu’en disent ceux qui les ont connues ; mais Ronsard, ne voulait rien d’elles que leurs noms à mettre en sonnets, fit Cassandre plus belle encore que Cassandre, et daigna donner à Hélène tout ce que Dieu lui avait refusé. Aussi nous les voyons toutes deux incomparables.

Emile Zola
Jules Barbey d’Aurevilly
Pierre Louÿs
Charles Baudelaire
Victor Hugo

10 questions
18 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}