Citations de Thierry Brun (80)
Moi, j'étais un cynique. Je ne lisais pas Camus, mais Jean-Patrick Manchette, un écrivain aux idéaux fracassés.
American Airlines
Thierry Brun
" Dans cette chienne de vie, elle sait ce qu’il lui a fallu de rouerie,
de persévérance pour gagner un bout de bonheur, de renonce-
ment dans les parties et les amours perdues, dans les moments
d’estime de soi piétinée."
Thierry Brun. American Airlines.
"Alors, il choisit une photo. La lumière du
soleil couchant sur un visage juvénile et des épaules dénudées.
Une femme au regard étonnamment doux et enjoué, comme si
le futur qu’on lui promettait à l’époque ne serait qu’une rivière
sucrée, un quotidien constitué essentiellement de bonheur. Elle
semble maîtresse de sa destinée, elle sera toujours jeune. C’est
son moment, elle a ce pouvoir"
Le bébé qui nait est toute sensation. La première d'entre elle, c'est la peur. La peur et l'enfant naissent ensemble.
Devenir quelqu'un qui n'a jamais existé.
Maintenant il garde le fusil de chasse près lui. Une arme est quelque chose d'étrange. Son double canon lui rappelle que la violence est aux portes du chalet, cernées par la colère et le danger...
Périr et vaincre alors, puisque mon âme est déjà morte.
Et devenir quelqu'un qui n'a jamais existé.
Le couloir à vents décourageait aussi les trekkeurs et couchait depuis toujours des générations de chênes verts. L’hiver, personne ne traînait dans le coin, les rafales pouvaient vous précipiter dans les ravins. L’épicier de Mazamet aimait bien raconter l’histoire des deux pauvres gamines, des cyclistes parties sur les contreforts de la montagne, et qu’on n’avait jamais revues… Les recherches s’étaient heurtées à un mystère.
American Airlines
Thierry Brun
" ... il se retrouve à chuchoter et à ne
plus bouger pour ne pas troubler l’atmosphère pesante que la déesse a toujours réussi à instaurer rien qu’en se taisant. Il a des souvenirs de repas sous le signe de la menace. Ça pouvait exploser à tout moment. Dans les rires ou dans les cris.
Au bout d’un moment, la déesse se fend d’un large sourire empreint de miséricorde.
— Joue, perd et retient la leçon. Il n’y a rien de mieux, chaton."
"J'ai seize ans et la médiocrité me terrorise"
Extrait du manifeste des cadres supérieurs de La Poste : On ne peut pas nous imposer plus longtemps d'être complices de méthodes destructrices aux franges de l'illégalité. Beaucoup d'entre nous on contribué à instaurer, à leur corps défendant, un système sauvage sans garde-fou et ravalés au rang d'exécutants des basses oeuvres, ne le supportent plus.
À l’époque, le cirque télévisuel avait pris toute la place. Comme l’ombre de Poutine planait, les journalistes ont ressorti les histoires passées, l’origine de la fortune familiale et de la société MFA, cette milice privée. Ils avaient tenté d’interroger la famille, les proches, puis les proches des proches et d’anciens mercenaires, et même le directeur d’un casino où le mort avait ses habitudes. Les chaînes d’info s’étaient invitées à toutes les portes, donnant la parole aux spécialistes de la politique russe, puis aux voisins qui n’avaient rien vu, rien entendu. Au milieu du brouhaha, les flics avaient perdu leur boussole.
Quitter l'armée ne lui a coûté qu'une signature au bas d'un document. mais maintenant, il n'a ni métier ni diplôme, et ce qu'il connaît du monde du travail reste une abstraction. Il a tout de même compris que les petits boulots d'hier, qui promettaient l'ascenseur professionnel, ont tous disparu.
American Airlines
Thierry Brun
" Il serait faux de croire que sa mère, sous ses airs distants, n’est pas heureuse de leurs retrouvailles. L’émotion est une brûlure insupportable. Alors, elle se garde bien de s’enthousiasmer de son retour, ne lui propose ni de se mettre à l’aise, ni d’installer ses affaires dans sa chambre. Elle le regarde comme une chose un peu bizarre, qui se serait retrouvée en travers de son chemin.
Plus tard, elle roulait sur l’E78 en direction d’Arezzo et des larmes coulaient enfin derrière les verres teintés de ses lunettes.
« J’arrive Thomas. Tu m’entends, je le sais. Je sais que tu m’entends. Ton silence ne me dérange pas. Nous avons tout le temps… »
Elle savait aussi qu’il n’y aurait pas d’idylle avec un inconnu avant longtemps. Mais pour l’instant, malgré sa peine, c’était une belle journée qui s’achevait. Demain et les jours, les semaines suivantes, sans doute des mois ou des années, elle resterait vigilante. Ça ne se terminerait pas dans une détonation, mais dans un silence de plomb.
Et Cherdier, en bon policier, acquiesçait toujours sans rien dire, mais reniflait maintenant le câble du treuil avec l’air de pouvoir déterminer s’il avait dernièrement été en contact avec du sanglier, du sang humain, des paquets de cocaïne ou de la kryptonite.
Devant moi se tenait quelqu’un qui m’était parfaitement étranger, mais qui me ressemblait. Sa peau dégageait de la chaleur. Un cœur battait dans son corps. Des flux réguliers l’irriguaient.
J’avais faim, mais surtout envie de son énergie vivante, de me l’approprier. Comme si elle pouvait me transmettre quelque chose qui me faisait défaut.
Je repensais à Marion, qui m’avait répété fidèlement la doctrine de ses professeurs : « Le management est la science de motiver les individus. » Saint-Clair venait de faire la démonstration inverse : pour lui, il s’agissait d’identifier ceux qui pouvaient l’empêcher d’agir pour son propre profit, et de les briser tout en les gardant à son service.
Inutile de me le cacher : moi aussi, j’avais vieilli. Je ne m’emportais plus. J’aurais voulu y voir le travail d’une sagesse acquise d'arrache-pied, mais il s’agissait surtout d’abdication.
Je reconnais mon prénom au milieu de suppliques marmonnées, mystérieuses, dont je ne perçois pas la teneur, mais l'intention. Ce n'est pas la première fois que je note de telles précautions, qui sont précisément ce par quoi je me sens menacé. (25)