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Citation de ATOS


« Que sont donc les humanités ? Sinon ces balades dans ce pays étranger, très lointain parce qu'il n'existe plus sur la carte. C'est une sortie hors de soi, qui permet de revenir à soi. C'est dans ce détour que nous nous apercevons. C'est dans ce détour que nous nous comprenons. Dans l'intervalle, nous nous sommes transformés. Notre regard voit ainsi dans le présent, par moments, le palimpseste du passé. Comme lorsque nous considérons dans le sort de ces migrants africains qui se noient en Méditerranée, la face grimaçante d'une terrible Énéide contemporaine. Vaincus et jetés sur les routes comme les Troyens, ils ont connu l'horreur en Libye, en Syrie, au Nigeria ou au Mali. Mais eux n'ont pas la ressource qu'offraient aux héros virgiliens, les devins et les songes. Pour eux, pas de rêve. La mer est la continuation de l'horreur par d'autres moyens. Qu'est-ce que ces humanités – qui portent bien leur nom – peuvent nous dire de ce moment ? Je pense à une scène précise. Lorsque Énée et ses compagnons abordent Carthage, chez la reine Didon, ils tombent sur des bas-reliefs sculptés dans le marbre d'un palais. Ils y découvrent stupéfaits le récit de leurs malheurs en un véritable « film » de pierre. Ainsi loin de Troie, dans ce pays étranger, quelqu'un, ici, s'est soucié de leur sort. Virgile écrit alors : Lacrimae sunt rerum, « Il y a des pleurs pour toute chose ». C'est sans doute le rappel – qui devrait sonner à nos oreilles – que le premier signe de l'humanité, c'est cette capacité à l'empathie, à pleurer le sort de ces hommes. Pleurer, pas seulement comme un acte compassionnel et fugace, mais comme l'acte qui nous fait reconnaître la valeur de ces autres vies que les nôtres… Voilà comment le monde ancien continue de vivre en nous et de nous inspirer. » (pages 74-75)
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