Trois planches à la loupe (1/3) : David Mazzucchelli
Connaissez-vous les "escargauchos", ces fiers éleveurs bourguignons qui capturent les escargots au lasso, dans la grande tradition du rodéo ? ...
On n'a jamais retrouvé où avait été initialement publiées les planches d' "une ténébreuse affaire", certainement dessinées dans les années cinquante, par René Giffey d'après Honoré de Balzac.
Giffey s'était fait une spécialité de l'adaptation d'oeuvres littéraires de préférence empruntées au répertoire romantique.
Son sens du typage, la finesse et la sûreté de son trait, la variété des angles de vue font merveille dans l'ensemble de ce récit.
Le crayon bleu indique à l'imprimeur les endroits où apposer des grisés.
Les éditions Glénat en ont imprimé un album en 1977....

De même que le nu et le portrait, la nature morte fait partie des genres traditionnels dans la peinture classique. Si l'on veut bien assimiler l'essentiel du récit véhiculé par "Building stories" à une suite de scènes de genre (en d'autres termes, des représentations de la vie intime et quotidienne), et si l'on considère que le paysage y tient aussi son rôle (il s'agit, en l'espèce, du paysage urbain), il n'est sans doute pas fortuit que Ware ait fait une place, dans son oeuvre, au nu et au portrait, mais également à la nature morte. Tout se passe comme si le dessinateur avait voulu se mesurer aux grands genres picturaux, vérifier leur compatibilité avec la logique séquentielle et narrative de la littérature graphique, et, ce faisant, brouiller les hiérarchies artistiques conventionnelles. (Il n'y a que la peinture d'histoire, antinomique avec l'ancrage de "Building stories" dans le quotidien et le banal, qui n'y trouve aucun équivalent. (p. 235)
Chris Ware, Building stories.
En 1975, alors qu'il était plongé dans la réalisation d'Arzach, comme en réponse à certains lecteurs déconcertés, Moebius écrivit, dans l'éditorial de Métal Hurlant n° 4, ces lignes si souvent citées depuis : "Il n'y a aucune raison pour qu'une histoire soit comme une maison avec une porte pour entrer, des fenêtres pour regarder les arbres et une cheminée pour la fumée... On peut très bien imaginer une histoire en forme d'éléphant, de champ de blé, ou de flamme d'allumette soufrée." (p. 43)
Moebius, Le Voyage hermétique de Jerry Cornelius
La représentation de créatures chimériques ou monstrueuses est une constante de l'histoire de l'art. Les monstres apparaissent dès les plus anciennes figurations laissées par l'homme. Ils pullulent, comme créatures maléfiques, dans l'imaginaire médiéval. Ils ont fait la gloire de Jérôme Bosch. Dans le champ de la bande dessinée, le monstre se trouve généralement du côté du récit de genre : le fantastique, l'heroïc fantasy. Il est inattendu et fascinant de le voir ici s'inscrire au coeur du projet autobiographique, du parler intime. (p. 118)
David. B, L'Ascension du haut mal.
Parce qu'elle est indissociablement (ontologiquement) ET une littérature ET un art visuel, elle échappe, plus que jamais, aux catégorisations. Son devenir sera multiple. Mais pour qu'elle ait un avenir, il est impératif que le marché procède aux ajustements qui permettront aux créateurs de bénéficier des conditions économiques nécessaires à l'accomplissement de leur talent.
Le dessin est ce véhicule qui permet d'explorer sans risque ses fantasmes, ses hantises, ses douleurs, de leur prêter consistance et visage, de les exorciser et de les apprivoiser à la fois. Les personnages dessinés sont ni plus ni moins que des "anges gardiens. (p. 113)
David B., L'Ascension du haut mal.
Le Schtroumpf bricoleur développe une conception de la science pour le moins poétique. Cette naïveté fait tout le charme de ces petits personnages qui se comportent à la manière d'enfants, d'ailleurs assez sages, avec le Grand Schtroumpf pour figure paternelle. Le critique Bruno Lecigne a parlé de l'"hypergéméllité" des Schtroumpfs, qui semblent faire l'économie de la question de l'identité et de la différence. Les mots eux-mêmes ont tendance à être interchangeables, schtroumpf tenant lieu de signifiant quasi universel.
La "machine à schtroumpfer la pluie et le beau temps" aura tôt fait de se dérégler et de semer une pagaille monstre dans le petit village, jusqu'à ce qu'un éclair la réduise en cendre. Car le retour à un ordre immuable est une des lois de cette microsociété. p. 148

Plus encore que la vitesse et l'exploit physique, j'apprécie la beauté majestueuse des sites et la sérénité sans égale des grands sommets. En revanche, les sports d'équipe ne me plaisent guère, pas plus, d'ailleurs, que les transports en commun. Je suis trop individualiste pour me plier à leurs règles. J'évite de dépendre de circonstances qui échappent à mon contrôle, et je regarde l'indépendance comme le premier des biens. Je sors peu, car je n'ai guère de goût pour les mondanités. La lecture me procure de grandes joies, et je ne dédaigne pas de regarder la télévision. Je rêve beaucoup la nuit, et parfois de choses horribles. Les réminiscences de la guerre hantent certains de mes songes, et je me vois fréquemment terré au fond d'une mine obscure, d'où je finis par émerger hors d'haleine... Mais parfois aussi je rêve que je vole au-dessus de paysages féeriques... Enfin, je considère que la vie est une chose éphémère, et qu'il n'est pas de pire punition, pour un créateur, que de n'être pas compris de son temps. Ce fut le sort de mon maître Flaubert, de Socrate, de Van Gogh et de bien d'autres génies de l'humanité. Leur exemple nous enseigne que le succès et la gloire sont choses aléatoires, qu'il est vain de courtiser mais dont il faut savoir profiter.
Le royaume de l’imaginaire
Superman, le Marsupilami, Popeye ou Lucky Luke sont
des personnages connus de tous. Bien que très différents
les uns des autres, ils ont en commun de devoir leur naissance à quelques coups de crayon.
La bande dessinée, ce moyen d’expression artisanal, qui combine les possibilités de l’écrit et de l’image, est capable de donner naissance
à des univers consistants. L’imagination n’y connaît aucune limite, et son langage est compris de tous. L’Europe a longtemps sous-estimé
le potentiel du récit dessiné. Partiellement réhabilité depuis les années 1960, le “neuvième art” est encore largement victime de la conception réductrice que s’en fait un public peu informé de sa diversité. (page 3)