Thierry Hesse -
L'inconscience .
Thierry Hesse vous présente son ouvrage "
L'inconscience". Parution le 23 août 2012 aux éditions de l'Olivier. Rentrée littéraire automne 2012.Notes de Musique : 1 La Cre?ation du monde, Op.81a (2006 - Remaster)
Tout espace réduit, aussi dépouillé soit-il, a ceci de précieux qu’il nous offre la solitude et l’immobilité dont nous avons besoin pour donner libre cours à nos pensées, à nos rêveries.
Quand la guerre prit fin , les terres étaient effroyablement saccagées, ravinées de tranchées et de boyaux, pilonnées jusqu'à l'os. Des millions d'obus s'étaient écrasés sur le secteur, et combien n'avaient pas explosé ? Le sol et le sous-sol souillés par le mercure, le plomb, le fer ; les arbres mitraillés ; la putréfaction de milliers de cadavres, humains et animaux, empêchait toute reprise de culture. Zone rouge, décréta le Ministère des Régions Libérées.
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Ce goût qu'il avait d'amasser pièces et billets à l'intérieur d'une vieille boîte à biscuits s'étendait aussi à leurs possessions enfantines : friandises , jouets , livres et magazines illustrés . Ce que Marcus engloutissait en un après - midi , Carl le conservait des semaines , ce que l'aîné usait sans vergogne , détruisait pour en avoir joui , le cadet le choyait , l'entourait de mille précautions , s'appliquait à le faire durer .
Le «Juif», au-delà d'un destin historique, est aussi une idée, un nom universel pour désigner celui dont l'existence est nue, soumise à tout, soumise à pire.
Rien n’est jamais plus excitant que ce qui manque.
le "juif" c'est l'homme abandonné. Les Tchétchènes sont les juifs d'aujourd'hui parce qu'on les abandonne.
Les pères vivent dans un monde permanent de paroles, ils traitent leurs fils comme des oreilles ou des micros. Dès qu’ils sont pères, ils se reconnaissent à leur voix, un ou deux tons plus grave, et parfois plus rugueuse ; et les fils, dès qu’ils sont assez grands pour entendre cette voix, existent à travers les paroles de leur père.
Or ce 24 décembre 2008, il n'avait pas fait 20 mètres sur la place de la gare, qu'il eut l'impression que son frère était un Carl assez différent du Carl de Noël dernier.
la preuve que le mal n'est pas l'apanage du diable, d'une intelligence supérieure et maligne, mais le lot d'hommes communs et insignifiants.

Mon père en s'enfuyant d'URSS et en recommençant sa vie en France - c'est-à-dire habitant Paris, apprenant le français, veillant la nuit dans des hôtels du XIVe et du XIIIe arrondissement pour payer ses études, passant ses examens en France, y obtenant son diplôme d'avocat, faisant ses armes de plaideur dans un cabinet parisien (maîtres Moreau et Kemp, dans le VIIe arrondissement), tombant amoureux d'une Française, catholique pratiquante et petite-nièce d'évêque par sa branche alsacienne, se mariant avec elle, ayant un fils français et des amis français, ouvrant son propre cabinet au milieu des années soixante dans un immeuble rue Miollis, XVe arrondissement (à côté de l'UNESCO), avec une secrétaire française se prénommant Jocelyne, lisant régulièrement le Figaro, buvant le dimanche du bourgogne, appréciant le gigot pommes dauphine, fumant des Gitanes brunes, conduisant une Aronde, une DS, une CX, portant des complets à rayures d'un tailleur de la rue du Bac, séjournant chaque mois d'août, en automne et quelques journées au printemps dans un village nommé Vancé, en bord de Loir, où il avait acheté une maisonnette collée d'une grange, dont les racines plongeaient au plus profond de la ruralité française - était-il encore Lev Rotko? Ce Lev Rotko, enfant de Franz et Elena Rotko, leur fils unique qu'ils avaient pris la décision d'abandonner en juillet 1942 devant l'arrivée des Allemands, et qu'avait accueilli Rissa Pilnaritzka, épouse Koubova, non seulement accueilli mais, entre juillet 1942 et octobre 1950, soit huit années complètes, nourri, vêtu, logé et éduqué aux côtés de ses propres enfants.