Il existe de nombreuses façons d'esquiver le bilan du communisme. La plus nette consiste à exonérer l'idéologie du crime, à prétendre que le communisme du XXe siècle n'a rien à voir avec le vrai communisme qui reste à construire au XXIe siècle. Les PC encore en exercice qui, comme leur nom l'indique, continuent le combat ne nient pas la catastrophe puisque d'après eux ce passé n'a rien à voir avec l'avenir qu'ils comptent bâtir. Cette posture est une affaire de survie pour eux, endosser l'héritage serait un suicide politique. Plus pervers sont ceux qui ne rejettent pas l'ampleur du crime, qui trouvent même nécessaires ces catastrophes, présentées comme des expériences ratées qui vont permettre d'éviter des erreurs similaires à l'avenir. Pour ceux-là, le matériel humain se réduit à des cobayes de laboratoire, victimes nécessaires à la recherche de la bonne voie qui va guérit le monde et ses inégalités, de ses injustices, la profession de foi de toujours du communisme. L'indifférence aux souffrances d'autrui, au nom d'un toujours hypothétique avenir radieux, propre à cette démarche intellectuelle, suffit à disqualifier ses partisans. Pour ses antépénultièmes utopistes, la réalité ne doit pas embarrasser le rêve égalitaire. Ils sont favorables à un retour à la case départ, à Marx et à son utopie originelle, ils bataillent pour démontrer que le philosophe n'est pour rien dans ce qui est arrivé, ce qui est en soi une lapalissade puisqu'on ne saurait le rendre coupable de faits postérieurs à ses élucubrations. Lapalissade sans doute, ponce-pilatisme sûrement : que les partis-Etats aient tous pratiqué la lutte des classes et la dictature du prolétariat, concepts marxistes par excellence, pour se livrer au "classicide", permet de penser que cette philosophie est bien l'une des causes de la catastrophe. Si le philosophe Marx n'est pas coupable, l'usage qui a été fait de sa philosophie par ses disciples l'est.
Les communistes qui n'ont pas exercé le pouvoir rejettent toute culpabilité. Ils n'ont jamais tué personne, il est vrai, faute probablement d'en avoir eu la possibilité.
(...) Il est des armes de l'esprit qui peuvent se révéler meurtrières aussi. Ces PC ne sont pas responsables des crimes commis derrière le Rideau de fer, c'est entendu, sauf d'avoir joint leurs voix au choeur de ceux qui réclamaient la mort pour les condamnés.
(...) Sans contrainte, l'appel au meurtre serait-il moins condamnable ?
Se décharger des crimes commis par d'autres est une manière de se défausser.
(Pages 1037 et 1038)