"La meute" de Thomas Bronnec (Les Arènes / Equinox)
2020. Un ancien président à l'origine du Frexit essaie de revenir dans le jeu politique face à une jeune candidate d'une gauche plus radicale. Alors que des rumeurs le concernant envahissent internet, les conseillers de l'ombre s'agitent et calculent... de compromis en compromissions, la course au pouvoir justifie toutes les trahisons.
Un portrait saisissant et réaliste d'une France post-démocratique où le marketing politique vend des candidats comme des produits, au détriment des idées.
C'est comme si la mort d'Anaïs n'avait ému personne. Ceux qui défendent le climat sont devenus intouchables dans la France de Pierre Savidan, où la lâcheté est devenue la norme jusque dans l'appareil d'État, où l'écologiquement correct s'insinue jusque dans chaque recoin de la vie de tous les jours, jusque dans les menus des éphémères prisonniers qu'on accuse de crimes absurdes. Qui peut croire à ces fables entrées par effraction dans le droit depuis l'élection de Savidan, où l'on fait rimer écocide avec génocide pour prétendre que la Nature a autant de droits que les hommes ? On dote de Statuts juridiques des rivières et des forêts, mais on laisse crever des jeunes femmes et des bébés.
Pages 131-132, Gallimard Série noire.
Les gens se laissent séduire par ceux qui leur disent ce qu'ils veulent entendre, ceux qui leur affirment que rien n'est leur faute et qui leur mentent comme on ment à des enfants pour les rassurer. Tout est la faute des étrangers, de l'Europe, de l'euro, des élites, de la finance... C'est tellement facile de ne pas se cogner à la réalité, d'être dans ces discours qui n'engagent à rien.
Des gens prêts à donner des fortunes pour défendre la France, François Belmont en connait des dizaines, des centaines. Des entreprises, des banquiers, des médecins, des notaires, des avocats prêts à sortir leurs chéquier et à aligner les zéro pour défendre leurs intérêts, il en connait par milliers. Il leur a juste soufflé une possibilité de contourner le système pour contribuer autant qu'ils en voudraient
En politique, il n'y a pas de miracle. Il y a les marionnettes et les marionnettistes. Sans ces derniers, le rideau tombe et le spectacle se termine dans les larmes et la peine. Il tient les rênes et c'est lui le metteur en scène : cette fois il n'y aura pas de déception, les spectateurs applaudiront la pièce.
Pour lui, le bonheur de l'humanité passait par le bonheur de la banque. De sa banque. Il était sincèrement persuadé que le système français, où les élites formées dans les mêmes écoles atterrissaient ensuite dans tous les centres de décision du pays, et baignaient dans un entrelacs d'intérêts objectifs, était le meilleur, et il avait décidé de le sécuriser à son profit.
La vérité, il ne la dira jamais aux Français : l'économie du pays n'atteindra plus jamais ces taux de croissance sidérants qu'il a connus pendant les Trente Glorieuses et, brièvement, à la fin du XXe siècle. La France est devenue un pays médiocre qui doit accepter de vivoter, un pays qui doit oublier ses prétentions de grande puissance et qui, s'il fait mine de faire cavalier seul dans cette mondialisation sans pitié, sera aspiré dans le trou noir de la déchéance. P; 188
Quel spectacle nous offre-t-on aujourd'hui ? s'interroge le chroniqueur. Celui d'une classe politique totalement soumise au règne de l'image. Un homme politique, aujourd'hui, c'est un produit qui se lance, avec une cible et un positionnement qui se trouvent plus ou moins en accord avec ses propres idées et ses convictions.
Quand il pousse la lourde porte du porche, il surprend la gardienne qui lâche un petit cri ridicule puis déclare en souriant : « Vous m'avez fait peur. » Il ne répond pas, mais un frisson de plaisir lui parcourt l'échine. Cette loi de la politique reste immuable : faire peur, c'est se faire respecter.
Demory s'absorba dans la contemplation du tapis. Une scène de chasse, dans la France des monarques absolus. Ça n'avait pas beaucoup changé depuis Louis XV. Un roi, et tout autour une cour qui cherche à protéger ses intérêts et à progresser dans la hiérarchie sociale.
Ouvrir les jardins au peuple, c’était l’une de ses grandes idées. Parfois il descend saluer les badauds, contraint par leur présence et un reste de préséance. Ils viennent jusque chez lui et il resterait cloîtré à l’intérieur comme s’il était assiégé ? Leur voyeurisme et leurs insultes, il peut les supporter. Mais leur saleté, leur égoïsme… Quand il les observe depuis le bureau de son conseiller spécial, Claude Danjun, il a l’impression d’être à la fenêtre du château de Moulinsart et de voir débarquer Séraphin Lampion et les romanichels. « Les français ne se respectent pas », lui assure souvent Danjun. Il n’arrive pas à lui donner tort.