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Critiques de Thomas Dekker (1)
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Le Jour de fête du cordonnier

Ah la la, c'est pas simple de parler de cette pièce... J'étais partie toute fringante à l'idée de découvrir un nouveau morceau de théâtre élisabéthain, mais mon énergie est vite retombée. Je me suis endormie en le lisant (oui, je sais, encore !), et j'ai découvert avec horreur à mon réveil que j'avais laissé ouvert sur le lit un livre de la Pléiade, en parfait état, appartenant à la bibliothèque... dans un appartement où des individus de l'espèce féline ont coutume de courir et de se bagarrer où bon leur semble, sans se soucier de ce qui peut se trouver sur leur chemin. La Providence soit louée, personne n'avait touché au tome 1 du Théâtre élisabéthain - je me serais mal vue rembourser les dégâts, vu ce que coûte ce genre de bouquin ! Et c'est cette anecdote qui, je crois, me viendra désormais immédiatement à l'esprit lorsque je penserai au Jour de fête des cordonniers.





Le fait est que je me suis endormie un nombre de fois incalculable en lisant cette comédie, pourtant pas si mauvaise - c'est la faute à cette collection où tout est publié en caractères minuscules et qui tue les yeux, ainsi que le cerveau. Lire cent pages de façon complètement hachée, c'est donc pas vraiment l'idéal pour apprécier une pièce, vous en conviendrez. Mais c'est aussi la faute de la pièce, qui présente justement, et comme par hasard, une composition quelque peu hachée. Sans compter une intrigue plutôt convenue pour le théâtre, contrairement à ce que laisserait présager le titre.





C'est probablement la pièce la plus connue de Thomas Dekker, qui ne vécut jamais bien de son art, ni d'ailleurs d'autre chose. Composée en 1599, elle se nourrit à la fois de faits historiques et de sources littéraires. Il a en effet existé un cordonnier nommé Simon Eyre qui devint Lord Maire, et les Anglais furent bien en guerre contres les Français au XVème siècle (au cas où vous ne seriez pas au courant... c'est pas comme s'ils nous soûlaient depuis des siècles avec Azincourt, hein), époque où prend place l'intrigue.





Donc, l'intrigue. Alors, c'est pas simple, bien que reposant sur des schémas déjà utilisés maintes fois. On se trouve confronté à deux histoires d'amour, en pleine Guerre de Cent ans. L'une entre Rose, fille du Lord Maire, un bourgeois, et Lacy, fils de noble. Aucun des pères ne souhaite leur mariage, le bourgeois refusant de s'acoquiner avec un aristocrate (mais oui, on ne voit pas ça souvent au théâtre !), et inversement. Lacy doit être envoyé en France pour combattre les maudits Français, mais faisant passer ses sentiments amoureux avant le devoir patriotique, il se déguise et se fait embaucher par le cordonnier Simon Eyre pour se rapprocher de sa belle (ah oui, Lacy est un noble qui a appris le métier de cordonnier, il dénote un peu parmi ses pairs). L'autre histoire d'amour concerne Ralph, employé de Simon Eyre, tout juste marié à Jane. Lui aussi doit être envoyé en France pour combattre les maudits Français, et sa demande de démobilisation étant refusée, il est forcé d'aller à la guerre, vu qu'il ne possède pas les moyens de Lacy pour échapper à son sort. Il va revenir, certes, mais estropié, pour découvrir en sus que sa femme s'apprête à en épouser un autre. Là-dessus, nous suivons également l'ascension sociale de Simon Eyre, qui va devenir sherif, puis Lord Maire.





Indéniablement, c'est drôle par moments. D'abord, il y a les dialogues entre le père de Rose et l'oncle de Lacy, composés de répliques hypocritement courtoises et d'apartés révélant leur mépris mutuel. Surtout, il y a la verve de Simon Eyre, et ses constantes accroches avec sa femme. Eyre assène également et constamment de multiples variantes d'une expression de son crû : "Prince ne suis, mais noble suis né", affirmant ainsi sa fierté d'appartenir à la guilde des cordonniers et de gagner sa vie grâce à un métier honorable. Sa femme, quant à elle, ponctue presque toutes ses répliques d'un "mais passons". le tout est truffé de jeux de mots, souvent grivois, que l'on comprend parfois à peu près, parfois pas du tout. Ces jeux de mots ne sont pratiquement pas annotés dans l'édition de la Pléiade, mais on sait bien que, de toute façon, la lecture constante de notes casse le rythme de la lecture, ce qui est particulièrement dommageable dans le cadre d'une comédie. Et pas de version originale - mais là aussi, je vois mal à quoi ça m'aurait servi, ne pratiquant pas l'anglais du XVIème, et encore moins s'il contient un jeu de mots toutes les dix lignes.





La composition décousue est un problème. Les deux histoires d'amour s'accordent mal, on ne comprend pas bien de quelle façon Simon Eyre obtient la charge de shérif, puis celle de Lord Maire. On sait que Lacy l'aide à s'enrichir, mais là aussi, ce n'est pas très clair, ni très intéressant, pour tout dire. Il faut attendre l'acte IV (et encore...), et surtout l'acte V pour que le rythme s'emballe et que les deux histoires d'amour donnent lieu à de fins stratagèmes, ourdis par un des employés de Simon Eyre qui, jusque-là, n'avait brillé que par ses jeux de mots à moitié incompréhensibles. La versification en français n'aide pas non plus à donner de l'énergie à la pièce - je ne sais si c'est dû à la traduction ou au style de Thomas Dekker.





Il n'empêche que je crois comprendre pourquoi cette comédie a pris place dans une anthologie en français du théâtre élisabéthain. Thomas Dekker, qui n'était pas bien riche, apparaît comme un observateur éclairé de la société de son époque, bien plus conscient que ses confrères des disparités et des dissensions entre classes, ainsi que de la transformation de cette société (censée être celle du XVème, mais qui est évidemment celle du XVIème). C'est avant tout pour cela que le Jour de fête des cordonniers constitue une lecture intéressante. Si les caractères minuscules du texte ne vous ruinent pas les yeux et que vous ne vous vous endormez pas systématiquement après avoir lu seulement deux pages...







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