Quel comble que de voir ces photographies prises par les nazis des déportés à Auschwitz, photos qu'on a bien du mal à appeler "d'identité". Visages déjà marqués par le système concentrationnaire, visages creusés, joues creusés, crânes rasés, habits rayés identiques. Visages en perte d'identité. On distingue, dans ce lot, ceux qui conservent un espoir de ceux dont le regard s'est déjà enfui vers un ailleurs.
La forme première de cet ouvrage est un carnet de voyage, même s'il paraît presque indécent que de dire cela, tellement le terme est connoté de soleil, d'exotisme, de couleurs et de rencontres à l'opposé de ce que représentent les camps d'extermination. Ce n'est bien sûr donc pas un carnet de voyage classique. Pourtant l'idée de départ est bien là : se laisser habiter par les espaces traversés et vivre le contact des lieux, des pierres et des photographies (présentes dans les lieux mêmes) comme une rencontre véritable avec un endroit et, par ce biais, avec une époque.
On ne trouve ici ni castes, ni hiérarchie sociale, ni chefs; tous sont sur le pied d'égalité la plus parfaite. Si la tribu possède un territoire commun, la propriété individuelle y est inconnue. Le premier venu peut couper, tailler, prendre tout ce qui lui fait plaisir, sans crainte d'en être empêché. p57