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Critiques de Thomas Giraud (60)
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La ballade silencieuse de Jackson C. Franck

1954, Jackson a 11 ans quand il est grièvement brûlé dans l’incendie qui ravage son école et tue quinze de ses camarades du cours de musique, dont Donald, son meilleur ami.



Pendant ses mois d’hospitalisation, où il subira soins intensifs et greffes, Jackson va réapprendre à vivre avec ce nouveau corps, avec ce traumatisme et avec une vie qui commence à lui échapper.



Son oncle, pendant sa convalescence, lui met une guitare entre les mains. Sa mère, vers 17 ans lui offre une virée à Memphis, dans la villa d’Elvis, avec lequel il passe une après-midi hors du temps en tête à tête.



Son avenir est dorénavant scellé avec celui de la musique.



Après avoir touché une énorme somme d’argent en indemnité à sa majorité, il prend le bateau pour Londres, sur lequel il compose son seul et unique album, « Blues Run The Game ».



Il vivote à Londres, puis enregistre son album grâce à Paul Simon et Arthur Garfunkel.



Mais le succès n’est pas au rendez-vous et la vie de Jackson C. Franck ne sera faite que de drames terribles, d’errance et de désespoir.



C’est un livre sombre à lire avec l’incroyable musique blues et la magnifique voix de Jackson C. Franck dans les oreilles: on y sent tout le drame de sa vie. La beauté de sa musique accompagne la beauté des mots de Thomas Giraud.
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Le Bruit des tuiles

À partir d’une utopie franco-texane totalement ratée en 1860, une somptueuse poétique de l’échec annoncé et de la technocratie présomptueuse.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2019/11/05/note-de-lecture-le-bruit-des-tuiles-thomas-giraud/
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Le Bruit des tuiles

Livre reçu par Masse Critique. Merci à l'éditeur La Contre Allée grâce à qui j'ai appris le mot "colophon".

Victor Considerant est un personnage historique réel (allez voir sa biographie sur Wikipedia). Polytechnicien et fouriériste, il est convaincu qu'une communauté bien préparée peut fonctionner. Il planifie tout, réunit des fonds, achète des terres au Texas et convainc une vingtaine de personnes de l'accompagner pour cette expérience. Malheureusement il est parti sur de mauvaises hypothèses (les terres achetées à l'aveugle sont arides et rien n'y poussera), n'a pas emmené comme il l'aurait dû des colons possédant des compétences utiles (des paysans, des charpentiers, un médecin, ...), et n'a pas lui-même l'étoffe d'un aventurier. Il ne suffit pas de tout calculer à l'avance, c'est un peu "veau, vache, cochon" ...

Le "bruit des tuiles" fait référence de façon récurrente et prémonitoire à l'angoisse de Considerant qui craint que ce qu'il bâtit ne s'effondre (tuile par tuile). Cela le pousse parfois à se retirer dans une inaction fatale, mais comme le dit Leroux (le paysan, le seul qui était utile à l'expédition), en arrivant et en voyant la terre, ils savaient tous que rien n'allait fonctionner comme prévu.

Dès le départ j'ai bien aimé le style de l'écriture. La langue est agréable même si elle fait un peu surannée. La lecture est assez "monocorde", mais on suit le récit avec intérêt. C'est une histoire de mauvaise gestion de projet, à faire analyser aux élèves ingénieurs ;-).
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Le Bruit des tuiles

Aventure utopique



Le récit de Thomas Giraud, basé sur des faits réels, relate l'aventure utopiste et démente de Victor Considerant, ingénieur polytechnicien et théoricien socialiste, parti créer en 1855 un phalanstère nommé Réunion sur les terres arides du Texas.



Victor Considerant, disciple du philosophe Charles Fourier, défend la perspective révolutionnaire d'une colonie où règnerait une vie égalitaire, ce qui séduit de nombreux volontaires. Des Français, des Suisses et parmi eux, Leroux, un jeune paysan attiré comme tous par la promesse d'une vie idéale. À peine arrivés, leurs illusions s'envolent déjà et ils ne sont pas au bout de leur peine. Rien ne leur sera épargné cinq années durant. Terres incultes, rejet par la population locale, catastrophes naturelles, famine, dissensions au niveau de la communauté, discorde avec Victor Considérant.



L'auteur raconte ce qu'il advient de Réunion en inscrivant son récit dans une temporalité courte, la durée de vie du phalanstère, en faisant le choix de s'éloigner du documentaire tout en conservant la dimension historique. La narration évolue en fonction du point de vue des différents personnages, essentiellement Considérant et ses pensées lancinantes, Leroux face à sa solitude et quelques membres de la communauté qui expriment leur déception et leur colère.



La focalisation sur les obsessions de Considerant emporté par ses convictions politiques et ses théories sociétales jusqu'à la folie en font un héros pathétique et peu sympathique. le jeune Leroux fuyant un destin familial, s'accrochant à cette nouvelle terre avec opiniâtreté puis résignation est réellement touchant.



L'écriture est précise, technique, le vocabulaire soutenu. le sujet est intéressant et pourtant j'ai trouvé qu'il manquait quelque chose de vibrant à cette reconstitution d'utopie collective sombrant dans la déraison. La narration est très distanciée et manque un peu de sentiment et d'émotion.



Il faut néanmoins se replacer dans le contexte historique de l'époque pour mieux saisir la personnalité de Considérant, un des chefs de file de l'École sociétaire et comprendre les motivations des colons partis vers cette terre promise et inconnue sans aucune conscience de la réalité.



Un récit original et intéressant pour férus d'Histoire et de politique !





Merci à lecteurs.com pour ce livre lu dans le cadre des Explorateurs de la rentrée littéraire 2019.
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La ballade silencieuse de Jackson C. Franck

Lu dans le cadre du prix Merlieux, je n'étais pas hyper motivée. J'ai pourtant lu cela très vite. On suit facilement la vie de ce musicien qui a, de fait, une vie digne d'être un roman. le début est prenant car il est décrit la vie d'un grand brûlé et je n'avais jamais lu sur cela. C'était la première fois aussi que je lisais un livre sur le processus de création d'une musique, et celui de son enregistrement.

Côté style, la construction des phrases était parfois compliquée avec des pensées qui sont intriquées. Mais finalement, c'est avec plaisir et douceur que j'ai fait cette balade…

Et puis ce qui me faisait peur au début (me lancer dans une biographie d'un illustre inconnu pour moi), s'est révélé être intéressant et je suis ravie d'avoir pu parfaire ma culture et de connaitre maintenant cet artiste. le fait qu'il soit relié à des personnes plus connues (Simon & Garfunkel) a aussi participé à faire des liens et à rendre la lecture intéressante.



~ Challenge multidéfis 19 : se déroule sur deux continents

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La ballade silencieuse de Jackson C. Franck

Jackson C. Frank a 11 ans quand il échappe à l'incendie de son école à Cheektowaga, dans l'Etat de New-York. Donald , son meilleur ami, y meurt alors que Jackson est gravement brûlé au visage et à la poitrine. Des greffes sont nécessaires et la peau est prélevée sur sa cuisse avant d'être posée sur son visage et sur son torse. L'hospitalisation et la longue convalescence s'étirent dans la douleur, l'ennui et l'apprivoisement d'un visage devenu paradoxal. La vieille guitare offerte par un oncle devient un moyen de se détacher de sa cuisse boiteuse et de ses traits rapiécés. Une rencontre avec Elvis, les chansons de Dylan, un tableau de Rothko et ce perpétuel crissement de cendres sous les dents constituent l'armature d'un futur qui sera consacré à la musique folk.

Mais c'est l'incendie qui en reste la fondation.

C'est ensuite le départ pour l'Angleterre, à 21 ans, la création des premières chansons et l'enregistrement de "Blues Run the Game" produit par Paul Simon. Un disque qui restera unique. Et ensuite ? Ensuite le silence sans l'oubli.

Dans ce silence de Jackson C. Frank, dans les béances de sa biographie, Thomas Giraud insère une rêverie crépusculaire sur la portée mélodieuse de son écriture. Le récit au présent qui embrasse les discours sans les obstacles de la ponctuation, prend une dimension intimiste et donne au lecteur une sensation de proximité familière avec le musicien. Quelque chose comme le secret mélancolique d'une étoile filante qui s'évanouit dans la nuit mais dont l'éclat continue de fulgurer dans la mémoire. C'est tout le mystère insondable de la création artistique qui est suggéré à travers le récit comme voilé de nuances de gris. De quoi se nourrit la créativité ? Le silence est-il un choix ou une fatalité ? Et l'on ne peut s'empêcher de relier Jackson C. Frank à d'autres artistes, soudain muets.

Après ma lecture j'ai évidemment écouté Jackson C. Frank que je ne connaissais pas. Et la coïncidence entre cette voix qui semble brûler d'émotions indicibles et le texte de Thomas Giraud m'a complètement subjuguée. J'ai eu la belle et singulière impression que cette ballade silencieuse m'avait livré la clé qui me rendait perméable à cette voix et à cette musique-là. Une émotion rare que celle de trouver une parfaite correspondance entre un roman et son sujet !

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Élisée : Avant les ruisseaux et les montagnes

J'ai pris le temps de lire Élisée avant les ruisseaux et les montagnes, de le lire doucement, de laisser s'installer ses phrases, sa voix, sa pensée, de m'imprégner de la quiétude et de la sérénité insufflées par ce livre beau et paisible. Il y a de ces écritures qui en une phrase vous saisissent, et d'autres qu'il faut laisser se déployer, qu'il faut peut-être écouter plus que certaines, des écritures qui respirent calmement. Celle de Thomas Giraud s'installe avec retenue, mot après mot, pas après pas. Dans ceux d'Élisée, on progresse doucement. Il faut écouter, prêter attention aux détails, aux motifs, aux répétitions, à leurs variations.

Critique complète sur mon blog.
Lien : https://lesfeuillesvolantes...
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Avec Bas Jan Ader



Coup de cœur !



Artiste néerlandais, Bas Jan Ader porte le même prénom que son père. Qu'il n'a jamais connu. Ou alors à travers les souvenirs des autres. Les récits des autres. Héros de guerre. Sacrifié. Mort pour la liberté.



Il entre aux Beaux-Arts, Bas.

Il y entre et s'appliquera à en sortir, à coups de gomme. De larmes. De chutes.



Il disparaît en mer. Ne meurt pas. Disparaît. Lui qui avait décidé de traverser l'Atlantique sur une coque de noix. Acte d'héroïsme à sa façon. Comme pour rattraper le père. Ne pas le dépasser, le rattraper, être son fils.



Thomas Giraud le tutoie.

On entre dans l'intimité et de l'auteur, et de l'artiste, par ce choix de pronom. Mis à nus tous les deux, dans leur sensibilité. Leur poésie.

Car ce livre n'en manque pas, loin de là !

Avec une belle musicalité, les mots de Thomas Giraud nous offre le portrait de cet être cabossé, oublié, Bas Jan Ader, qui chute et se relève, mais décidément y laisse de lui, à chaque fois, un peu, beaucoup...



Quel hommage !

Quel livre !



Merci pour cette merveilleuse découverte.



Lu dans le cadre du #prixsagan
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Avec Bas Jan Ader

L'auteur a l'art maitrisé de l'écriture. Avec poésie, délicatesse, et la précision qui résulte d'une recherche minutieuse, il nous plonge dans l'intime parcours assez surréaliste de cet homme, Bas Jan Ader, personnage anticonformiste, idéaliste, qui cherche, conceptualise, dessine, scénographie intérieurement et teste sur le terrain ses expériences, dont des chutes volontaires, filmées ou photographiées. Pour analyser le processus de la chute d'un arbre, donc peut-être revivre celle de son père mortellement touché par les balles d'un fusil mitrailleur nazi en 1944, il la reproduit. Est-ce de ce père trop tôt disparu dont il a construit l'image immatérielle grâce au portrait qu'en avait fait sa mère, qu'il multiplie ainsi différents scénarios de chutes sur le sol, ou bien dans l'eau, ou bien plus insensé, à partir du toit de sa maison ? Né en 1942 en Hollande, à l'âge de 33 ans il décide en 1975 de traverser l'Atlantique de Cape Cod vers Falmouth en Irlande sur un bateau inapproprié pour une telle traversée, avait-il lui-même affirmé. Une embarcation de nain : une coque de noix de 3.81mètres de long, avec juste 2 petits hublots de chaque côté. Il est impossible d'y dormir allongé, juste recroquevillé en chien de fusil et ne prend qu'un seul livre : Hegel. Une mise en danger évaluée ; un défi funeste ?

Thomas Giraud confie ce récit au lecteur sous la forme d'un témoignage en utilisant le « tu », comme s'il s'agissait d'un hommage rendu à un ami, à un frère. Ainsi, les faiblesses, les doutes, les espoirs vains, les projets insensés, entremêlés aux confessions-souvenirs de son épouse, son frère ou bien d’autres témoins oculaires, nous sont transmis avec pudeur, bienveillance et élégance. Du grand art.

Dans les eaux d'Irlande, son bateau a été retrouvé vide de tout humain, ses papiers d'identité encore en place. Avec délicatesse, nous dirons : « disparu en mer ».


Lien : https://www.babelio.com/conf..
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Avec Bas Jan Ader

Olympien, intrinsèque, ce texte-essai est un hommage à l'oeuvre macrocosme, à l'homme-chute : Baastien Bas Jan Ader mystérieusement disparu en 1975. L'immensité fait foi. Thomas Giraud interpelle subrepticement Bas Jan Ader par un tu tout en symbole, sans jugement aucun. Juste l'importance essentialiste, litanie et oraison.

Dans les profondeurs allouées, les maillages, les retournements, il incite au dépassement de la gestuelle. Thomas Giraud cherche à comprendre le triptyque de Bas Jan Ader. Lui, qui aimait chuter, l'ange volant frôlant la terre. L'eau matrice, prouver à soi-même que tout peut se rassembler de nouveau. Fragile et tenace, blessé et vaillant, manichéen sublime.

« Tu as frissonné en sentant que l'océan n'était peut-être pas seul à ce moment-là, que le fantôme aussi t'avait soulevé, aidé un peu. »

Son père écueil, ressac, fusillé en 1944, serait-il de la quête ? le surpassement ? La chute libre ?

Les croisements sont initiatiques. Les voyages artistiques jusqu'au boutisme des épreuves.

« Des fiertés sottes et secrètes qui rendent certaines fragilités royales. Ça devait arriver et tu attendais. Tu t'entraînes un peu n'importe comment au départ avec des intuitions de funambule. »

Cet hymne est l'épiphanie, la reconquête des forces altières. Un chant à tu, la gloire à l'artiste, des photographies que Sue (sa femme) accroche au fronton des horizons.

« Tu n'attends ni une main miraculeuse qui fasse taire le vent et les creux de la mer, ni la proximité d'un navire où tu pourrais être recueilli. »

« Tu appelles pour retrouver en toi, en dessous, enfouis par les années, une impression, un souvenir, un écho. »

Cynique à l'instar de Diogène, libre, immensément libre, possédé par le père tombé à terre, Bas Jan Ader est « Jonathan Livingston le goéland. »

Thomas Giraud relève les barrières. Il pourvoit à l'artiste, à l'homme. Il rassemble l'épars, les déambulations marquantes, un être blessé dans sa chair. L'aérien des chutes, les tracés atypiques et leurs significations. Rien n'est hasard. Ici, Thomas Giraud devine le crucial de se qui doit être prononcé à tu et à je sans fausse route aucune. Ici, tout est alliance et génie. Ce récit-mémoriel est le piédestal littéraire. Humble, précieux et grave. Prenez soin de la dernière page où Bas Jan Ader est de face ou de dos , on ne sait pas. Lisez alors les cheminements de ce grand livre. Le souffle reprend et c'est bien.

« Que fais-tu de ces brides, de ces bouts de souvenirs anciens qui ne sont pas les tiens, de cette somme qui fait une histoire dont tout le monde parle, qui prend beaucoup de place ? Tu sens bien que tu ne peux pas faire sans. »

Dans la collection sentinelle : "une attention particulière aux histoires et parcours singuliers de gens, lieux, mouvements sociaux et culturels". "Avec Bas Jan Ader" est publié par les majeures Éditions La Contre Allée.



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Avec Bas Jan Ader

Lorsque la traversée en forme de performance artistique devient disparition et mystère symbolique, éclairant toute une vie brève d’un soleil spéculatif et singulier – grâce à une science spécifique et rare des interstices psycho-biographiques.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/09/26/note-de-lecture-avec-bas-jan-ader-thomas-giraud/



Bastiaan Johan Christiaan Ader (1942 – 1975 ?), plus connu sous son nom diminutif de Bas Jan Ader, fut le fils d’un pasteur néerlandais résistant authentique et (pas assez in fine) discret, brutalement exécuté par l’armée allemande déjà presque en retraite, en 1944, le fils aussi, aimant mais quelque peu perdu, déjà, d’une mère qui n’a pas été autorisée à reprendre la charge de son pasteur défunt de mari, et qui en conséquence, rame un peu. Il fut encore l’adolescent difficile (« pas intenable, pas un vaurien ni un brigand mais d’après ce qui se dit un enfant un peu pénible »), le coureur des bois voisins, avec leur échelle réduite et leurs trésors potentiels pour l’imagination, puis celui qui, à dix-huit ans, s’échappe doucement pour rejoindre l’école des beaux-arts à Amsterdam. Mais le voulait-il, être un artiste ?



De l’enfance d’un géographe anarchiste (« Élisée – Avant les ruisseaux et les montagnes », 2016) au parcours paradoxal et lumineux du « plus célèbre des musiciens inconnus » (« La ballade silencieuse de Jackson C. Frank », 2018), de l’échec d’une utopie franco-texane de 1860 (« Le bruit des tuiles », 2019) à, maintenant (en septembre 2021, toujours dans la collection La Sentinelle des éditions La Contre-Allée), le parcours-éclair, oscillant entre légèreté voulue et gravité acquise, d’un artiste néerlandais, Thomas Giraud excelle à spéculer autour des non-dits que sécrètent, discrètement, les interstices de vies singulières et de projets hors normes, intimes ou politiques. Comme auparavant, il parvient aussi à nouveau à déjouer les attentes instinctives de classification de son texte : multiforme, voire protéiforme, pour décoder une existence devenue performance artistique d’un type inconnu, pour rendre compte de photographies à Los Angeles, de chutes comiques et tragiques à saisir, comme de cette ultime traversée atlantique, et d’un mystère intime à préserver, il ne sera ni récit de voile accidentée ou accidentelle (même si, par moments, la douce inconscience mise en scène dans le beau « Nord-Nord-Ouest« de Sylvain Coher n’est pas si loin), ni réflexion en action sur le comique et le tragique de performance (quand bien même Buster Keaton et Monsieur Hulot seront convoqués, que l’on pourrait sentir Pierre Richard présent en arrière-plan, et que le Pierre Senges des énumérations comme des tartes à la crème et des naufrages n’est peut-être pas si loin non plus). Il ne sera pas non plus approche d’une phénoménologie de l’esprit (ou alors plus proche dans ce cas des rencontres fantomatiques avec des « philosophes allemands » orchestrées par Cedric Klapisch pour son Romain Duris de la trilogie de « L’auberge espagnole« ). Lorsque d’une certaine manière, comme chez le Roland Barthes de « La préparation du roman« , la mise en place vaut déjà performance, qu’il ne s’agit pas ou plus de disséquer, mais de laisser vivre sa poésie proprement tragique, l’art rare de l’auteur est bien de permettre lentement à la spéculation de céder la place au mystère… y compris à celui, symbolique ou non, de cet esquif retrouvé « debout » ou presque, puis disparaissant à son tour subrepticement de son port de récupération.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Avec Bas Jan Ader

J’ai commencé ce récit avec beaucoup de curiosité car je ne connaissais pas du tout cet artiste hollandais. Défini comme « artiste conceptuel »…. Ce qui ne me disait pas

grand-chose.



Thomas Giraud reprend deux éclairages pour comprendre Bas Jan Ader : ses derniers jours en pleine mer et le poids de son père, héros de la seconde guerre mondiale et fusillé en 1944.

L’auteur s’adresse directement à Bas Jan Ader en le tutoyant. Ainsi, il le rend proche de nous, comme si l’artiste présent écoutait le récit de son histoire.



J’ai bien compris l’importance du passé de Bas Jan Ader, mais je suis restée sur ma faim : l’auteur ne donne pas vraiment de clefs pour saisir l’œuvre, le moment de la fracture, du plongeon. A un moment, il explique brièvement : « la chute finale t’intéresse moins que le moment où l’on perd pied, le processus, le passage du haut vers le bas… ce qui compte, c’est de montrer comment quelqu’un tombe, la manière dont on passe du déséquilibre au basculement, ces quelques grammes qui équilibraient tout le corps sur une ligne très fine et entraînent, t’entraînent, à présent vers le sol. C’est ce qui est beau, cette chose à peine insaisissable tant il est question de fragments de secondes, dans le mouvement vers l’eau du canal ou vers le sol. »



Comprendre le parcours très singulier de cet artiste, l’essence de son œuvre est un véritable challenge.

Pari plutôt réussi pour la biographie, mais pas pour le décodage de l’œuvre artistique.
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La ballade silencieuse de Jackson C. Franck

Thomas Giraud, commence par un incendie l’histoire de Jackson C. Frank. De la destruction vient la création. S’ensuit un séjour à l’hôpital et une greffe de peau qui le marque à vie, physiquement et moralement. Puis la première guitare, la rencontre avec Elvis Presley… Jusqu’à ses premiers enregistrements, pour le moins très inhabituels !



Du détail des sensations du jeune musicien à vivre avec ses « morceaux de peau » à ceux de sa ville natale de Cheektowaga, le récit sonne juste, comme si l’auteur était là, tapis dans l’ombre de Jackson C. Frank à suivre ses moindres pas et respirer le même air.



L’écriture de Thomas Giraud est fluide, poétique (d’une poésie sans prétention, sans effets de style recherchés) ; le jeu sur la typographie est intéressant : exit les guillemets qui cassent le texte avec une ponctuation lourde, on marque la parole par une simple majuscule, dans un style indirect libre.



Les éditions La Contre Allée – basées à Lille – sont à connaître. D’abord parce que le nom de la maison d’édition vient des paroles d’une chanson de Bashung ; ensuite, parce que leurs livres en tant qu’objet sont d’un design moderne, avec un graphisme recherché, sont de qualité, imprimé sur un beau Munken bouffant ; enfin, parce qu’un livre comme La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank laisse imaginer une ligne éditoriale des plus intéressantes.
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Le Bruit des tuiles

Si vous êtes en réflexion sur le modèle de société que vous souhaitez pour vous et vos enfants demain, lisez ce livre !



Si vous êtes un fervent passionné d'histoire des idées politiques, lisez ce livre !



Si le progrès humain vous fascine, lisez ce livre !



L'auteur a repris le cheminement de Victor Considérant, en quête d'un monde nouveau et d'une société meilleure. Il a romancé l'histoire et le projet incroyable de cet homme... l'histoire reprend la construction, puis la tentative de mise en place de son projet de phalanstère sur la terre nouvelle d'Amerique. Il évoque l'ensemble du projet : les moments d'effervescence, mais également de doute... au delà du résultat, c'est une magnifique histoire d'un homme qui a cru a des idéaux et qui est allé jusqu'au bout des idées pour les mettre en place. Un exemple à suivre et à lire pour ceux qui veulent changer la société dans laquelle ils vivent.
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Élisée : Avant les ruisseaux et les montagnes

Quelle idée lumineuse de faire revivre pour quelque 130 pages la jeunesse d’Élisée RECLUS. RECLUS est connu pour ses travaux de géographe, ses convictions et son militantisme anarchiste, végétarien et naturaliste. Mais ces idéaux, ces convictions, il lui a bien fallu les rencontrer, s’en faire siens, s’emparer des sujets. C’est ce que ce petit bouquin sorti en 2016 chez nos chères et tendres Éditions de la Contre Allée tente d’expliciter. Et le résultat est là.



Né en Gironde en 1830, mésentente cordiale avec le père pasteur, Jacques RECLUS (Jacques est par ailleurs le vrai prénom d’Élisée), adepte de longs sermons, d’interminables monologues moralistes. Élisée est élevé dans un protestantisme dur, strict, dans une famille très nombreuse : quatorze enfants parmi lesquels Élie, qui va beaucoup influencer le petit Élisée. Élie est parti à Neuwied en Prusse, son frère le rejoint alors qu’il n’a que 12 ans. Il y restera deux ans, chez les luthériens.



Retour en France, en famille, avec des bribes de convictions à développer et explorer. Car Élisée est curieux de tout. Il semble prêt. « Prêt pour quoi, en fait ? Rétrospectivement, on peut seulement dire qu’Élisée se prépare à la suite même si l’on sait que la suite c’est géographe (et anarchiste, et végétarien, et naturiste). Si chaque chose entreprise prépare ce qu’il va devenir, il se construit sans méthode. Ce défaut, cette absence de méthode plutôt puisque parler de défaut serait évoquer quelque chose qui manque et qui aurait dû être, le définit assez bien ».



Il se proclame adepte de Jean-Jacques ROUSSEAU et trouve son inspiration dans la marche, les longues marches solitaires durant lesquelles il médite et assis les fondements de ses théories à venir. Mais pas que, car c’est un prétexte idéal pour étudier Dame Nature. En même temps qu’il perd définitivement la foi transmise par son père (mais l’a-t-il eu un jour, cette foi ?), il harangue, échange afin que chacun arrête de manger de la viande, dans un esprit de liberté animale et de respect de la nature (c’est Élisée qui parle) : « On ne peut pas vivre avec humanité et manger des animaux. Les manger, c’est d’abord les tuer, lâchement, après avoir organisé soigneusement leur vie pour en faire une petite vie. Je ne veux que regarder les animaux. Apprendre en les observant ».



Il aiguise son militantisme, qui deviendra libertaire, anti-autoritaire. Élisée RECLUS est un être assez fascinant qui a été de tous les combats, un humaniste révolutionnaire, érudit, intelligent, touchant. Lire le parcours de ses premières années de vie, c’est aussi apprendre à le connaître plus intimement, balbutiant les thèmes qui finiront par lui être chers. Il peut à ce titre être défini comme l’un des pères de l’écologie.



La langue de Thomas GIRAUD est très belle, intimiste, parfaitement adaptée à ce genre d’écrits, c’est un réel plaisir de se plonger dans cette biographie romancée, vivre aux côtés de la famille RECLUS qui, comme chaque famille, possède ses contradictions, qui amèneront d’ailleurs en partie Élisée à devenir ce qu’il est devenu. Bien entendu on en redemande (Thomas GIRAUD a récemment écrit la biographie d’un musicien maudit des 60’s, Jackson C. FRANK, chroniquée quelque part dans nos lignes), le format semble parfaitement convenir à l’auteur, qui par ailleurs paraît avoir une tendresse toute particulière pour le biographé RECLUS. Et, imitant un graffiti quelque part visible sur un rideau de fer, ne nous gênons pas pour proclamer « ÉLISEZ LES RECLUS » !

https://deslivresrances.blogspot.fr/


Lien : https://deslivresrances.blog..
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Avec Bas Jan Ader

Avec le roman "Avec Bas Jan Ader", j'ai fait la découverte d'une maison d'éditions et de la plume de l'auteur Thomas Giraud.

Avez-vous déjà entendu parler de Bas Jan Ader ? Pour ma part je n'en n'avais jamais entendu parler. C'est l'occasion de découvrir une personnalité plutôt hors norme.



En s'adressant directement à l'artiste en utilisant le "tu" dans son écriture, l'auteur rentre vraiment dans l'intimité de ce récit.

Un texte emprunt d'une certaine poésie, délicat, sensible qui a su me charmer pendant ces heures de lectures.



Une manière se dresser le portrait de cet artiste avec beaucoup d'émotions et une tendre mélancolie. Avec Bas Jan Ader, c'est une petite parenthèse qui m'a offert un joli moment. Une belle découverte.

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Le Bruit des tuiles

tous les ingrédients étaient là pour faire un bon roman: la dynamique fouriériste des phalanstères du 19 ème siècle, des personnages crédibles, les aléas de tout projet, et encore plus de toutes les utopies, l'écriture n'est pas mauvaise, mais je dois dire que je suis arrivé aux derniers chapitres avec soulagement.

Est-ce le rythme, les longueurs de certains chapitres, la chute lente et inexorable de la communauté? Probablement le mélange de tout cela.

Dommage.
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La ballade silencieuse de Jackson C. Franck

La vie de Jackson C. Frank est jalonnée de drames traumatisants, et pourtant jaillira comme une fulgurance entre deux écueils son unique album « Blues Run The Game » qui marquera l’histoire de la musique folk.

« On entendra la souffrance pudique, la dignité, les détails précieux de cette mélancolie sans outrance et l’application émouvante à vouloir bien faire » (p. 124)



Au-delà de la biographie factuelle d’un homme que le destin n’a pas ménagé, Thomas Giraud nous fait entrer dans l’intimité psychologique du personnage nous partageant ses pensées, ses tourments et ses espoirs déçus.



Jackson C. Frank est hospitalisé durant plusieurs mois à l’âge de 11 ans suite à un grave accident qui lui laissera des séquelles physiques et psychologiques, il trouve dans la musique le parfait exutoire à ses souffrances.

Indemnisé une dizaine d’années plus tard par les assurances, sa passion pour les belles voitures et la musique le conduira en Angleterre.

Sa rencontre avec Paul Simon marque un tournant majeur dans sa vie, puisqu’il enregistre avec lui en 1965 un album qui deviendra un classique.



Malheureusement sa carrière naissante s’abrège dès la sortie des premiers titres.

« Le succès n’adviendra pas. Les suites non plus, ou au moins pas à la manière qu’il avait envisagée. Il a le fond d’un lac dans le crâne, un lac vidé de son eau et qui n’aurait plus que la vase, des objets abandonnés par les pêcheurs ou les estivants, des poissons morts. Ce serait bien suffisant pour écrire des chansons, mais pourtant Je n’en suis pas capable. » (p. 125)



La suite de sa vie est alors une longue descente aux enfers entre folie, dépression, hospitalisations et errances, qui le laissera brisé, enfermé en lui-même.

« Il chante un peu mais seul, en silence, pour lui, pour le front et pour le brûlé, pour l’intérieur. » (p. 161).



Un récit entre pudeur et mélancolie, porté par une écriture sensible, dans un style parfois chaotique qui traduit le fil de la pensée du personnage.
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Élisée : Avant les ruisseaux et les montagnes

Ecriture agréable, douce, mélodieuse, fluide. Je ne sais pas exactement ce qui relève de la biographie ou du roman mais j'ai trouvé l'histoire simple et juste.

Thomas Giraud décrit parfaitement le poids du père tout comme l'amour d'Elisée pour la nature, les détails et le vivant.

Un petit roman à dévorer!
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Le Bruit des tuiles



Elles vont tomber les tuiles, pas seulement se soulever par temps d'orage, de tempête ou d'ouragan, mal arrimées qu'elles sont sur le toit des mastodontes de réunion, Texas.

Elles vont commencer à tomber, sans bruit dès le début de cette installation préparée de longue date par Victor Considerant, fouriériste, utopiste et scientifique.

Pendant des années, cet homme prudent, prévoyant, carré et proche de Fourier, va élaborer un projet d'envergure, installer au Texas une sorte de familistère, genre de phalanstère regroupant des volontaires apportant leur volonté de fabriquer un monde nouveau au Nouveau Monde.

Tout est à construire, depuis le début, les terres à acheter, les plans à dessiner, les détails à fignoler, la vie en communauté, puis en village, le nom du village est même trouvé , ce sera « Reunion » et tout ce beau monde, recruté partout en France dans des réunions organisées de main de maître, sans doute convaincantes puisqu'environ 30 personnes feront partie du grand déplacement du Havre au Texas.

Tous les milieux sociaux sont représentés, de l’agriculteur au regard acéré au doux rêveur utopiste qui n'a jamais tenu un outil dans ses mains, auxquels sont venus se joindre une bande de Suisses, montagnards de naissance, prêts à se retrouver dans les plaines du Texas, qu'ils n’imaginaient pas arides, venteuses et tout simplement stériles.

Espoirs divers, ambitions différentes, personnalités dissemblables, les voilà tous aux prises avec la création d'un monde préparé par Considerant.

Un livre qui sort de l'ordinaire, écrit très serré, à la fois extrêmement bien documenté sur ce projet irréalisable et terriblement précis dans la chute des tuiles sur la tête de Considerant et de ses «  followers » qui n'ont rien vu venir surtout aps la réaction de leur mentor !



Prenez le temps de lire, de découvrir la vanité de certains hommes, l'impuissance des autres face à l'adversité, et comme bien souvent dans de telles expéditions, expérimentations vouées à l'échec, l'homme dans toute son entièreté.
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