Citations de Thomas Gunzig (336)
Il n'y aurait plus jamais d'albums en général. Plus personne ne ferait de musique. Ni de nouveaux films, ni de nouveaux romans, ni de nouvelles peintures.
A quoi cela servait-il d'être beau et bien conservé quand personne n'était là pour le voir?
Tom trouvait que le métier de sa fille avait l'air d'un ennui mortel : toute la journée à remplir des tableaux Excel de chiffres représentant le nombre de plateaux rentrant et sortant. Il trouvait qu'un aussi joli bébé qui dormait les poings serrés dans une chambre décorée de dentelle rose, qu'une aussi jolie petite fille qui aimait dessiner des princesses et des licornes, qu'une aussi jolie jeune fille qui voulait devenir « soigneuse de dauphins » soit finalement devenue comptable et travaille, assise, huit heures par jour, face à un ordinateur, à gagner l'argent d'actionnaires qui n'hésiteraient pas à mettre fin à son contrat si ça augmentait leurs dividendes, il trouvait que tout ça, c'était une belle illustration de l'absurdité de la marche de l'existence.
Il savait que si tout le monde faisait comme lui, le monde s'effondrerait encore plus rapidement, le changement climatique serait encore plus brutal... mais tout le monde ne faisait pas comme lui. Tout le monde n'était pas aussi riche qu'il l'était, alors il pouvait s'en foutre, l'argent lui donnait aussi ce droit-là, le plus merveilleux, le plus absolu de tous les droits : s'en foutre.
Comme c'est bien conçu, pensa Fred en imaginant l'ensemble des mécanismes à l'œuvre pour animer cet oiseau, lui permettre de voler, de manger, de dormir... Sa vie n'a pas plus de sens que la mienne et pourtant ça ne l'angoisse pas, lui, de savoir que jusqu'à sa mort chacune de ses journées sera parfaitement identique à la précédente.
- Parfois je ne sais plus très bien ce que je suis, répondit-elle.
- C’est normal, la société a tendance à vous essentialiser, les normes sociales vont tout faire pour éliminer les gens comme vous, ceux qui refusent les cases qu’on leur assigne, la liberté est un combat de tous les jours. C’est terriblement difficile d’avoir la force de se définir lorsqu’on se trouve hors du cadre.
Et tu verras,
ça c'est un truc que tu vas rencontrer souvent dans ta vie :
des gens qui ont l'air compétents,
mais en fait, ils sont cons.
On avait trop de choses. Ca nous terrifiait. Ca nous a rendus fous.
Les plus vieilles sagas irlandaises furent écrites il y a plus de mille ans......
Les " pierres de levage " y ont une importance quasi divine, s'expliquant probablement par la nécessité d'être fort pour pouvoir survivre sous ces latitudes froides et tempétueuses.
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Ceux qui soulevaient Fullsterkur étaient considérés comme " pleinement forts " et recevaient un salaire complet. La puissance physique ouvrait la voie vers le succès.
Oh, tu sais, il y a des tas de gens qui déposent leur argent dans des banques et qui permettent ainsi la spéculation financière qui à terme conduit le monde à sa perte. Il y a des hommes qui offrent à leur fiancée des bijoux avec des diamants extraits des mines d’Afrique par des enfants de six ans, et en mettant de l’essence dans ta voiture, d’une manière ou d’une autre tu finances des groupes terroristes… Tout le monde a les mains dans un peu d’horreur, tu sais…
Les gens comme ça, les gens qui ont des vies de riches ou bien des vies où tout va presque toujours bien, ils veulent qu’on leur raconte des histoires qui confirment l’état du monde, pas des histoires qui remettent en cause l’état du monde. Parce que le monde leur convient comme il est.
- T'es hyper fort en français. C'était marrant, finit-elle par dire.
Je compris que "marrant" était pour elle un mot fourre-tout qui pouvait lui servir pour traduire toute une série de sensations pour lesquelles il lui manquait des ensembles entiers du lexique francophone.
- J'aime bien lire.
Jean-Jean se demandait souvent comment la tristesse pouvait s'installer dans une vie et s'y planter durablement, comme une vis bien serrée avec une couche de rouille par-dessus. Une chose dont il était certain, c'était que ce mouvement d'installation de la tristesse se faisait lentement, par une sédimentation obstinée et progressive à laquelle on ne prêtait pas tout de suite attention. C'était un mouvement tellement discret qu'il fallait du temps et de l'attention pour se rendre compte que doucement le profil de sa vie s'était déformé pour ressembler à une flaque de boue.
« Au début, il n’y avait rien.
Ni espace, ni lumière, ni temps qui passe.
Pas d’hier, pas de demain, pas d’aujourd’hui.
Pire qu’un jour de grève.
Pire qu’une rupture de stock.
Rien d’autre que le rien, mais bon, le rien, c’était déjà pas mal.
Le rien, ça laisse quand même des perspectives. »
Vous avez développé une technologie qui vous a permis de tout détruire. Ça vous a rassurés de faire ça. Aujourd'hui vous ne laissez vivre que les animaux qui vous amusent ou qui vous nourrissent. C'est à la fois terriblement égoïste mais surtout c'est très lâche.
Tom avait du mal à définir : il y avait quelque chose d'un peu effrayant dans la description de quelques personnages, elle leur avait donné un relief sombre et inquiétant, il y avait des zones obscures dans certains recoins de l'histoire et parfois une scène avait eu des échos si terribles qu'elle lui avait lessivé le cœur.
Il s’endormit comme on se noie.
Elle n'avait aucune idée de ce que pouvaient être ces putains de clés du bonheur mais elle savait que manquer de fric c'était vraiment l'horreur. Que tant qu'à être perdu, solitaire, déprimé, tant qu'à ne pas avoir de projet, à ne pas "parvenir à se réaliser", tant qu'à se tromper sur les gens, tant qu'à ne pas avoir d'estime de soi, tant qu'à ne pas être créatif, tant qu'à savoir qu'à la fin c'est toujours la mort qui vous attend, autant que tout ça, ce soit avec du fric !
Même si parfois la vie est difficile pour vous, vous n'avez aucune idée de ce que c'est qe la sensation terrifiante d'être un animal dans le monde des humains.
Alice l'avait donc embrassé pour la deuxième fois et, en lui rendant son baiser, il s'était demandé s'il devait mettre beaucoup de langue ou pas. Il savait que certaines filles (comme Charlotte par exemple, dans le souvenir de l'unique nuit qu'il avait passée avec elle) embrassaient à grands coups de langue. Dans ce souvenir, Charlotte lui avait léché, pour ainsi dire, l'intérieur de la bouche, comme si en faisant la vaisselle, elle passait une éponge dans une casserole. Charlotte, dans ses baisers, avait semblé vouloir l'aspirer tout entier, le digérer comme un bout de viande, d'ailleurs, comme dans toute opération de digestion, la salive tenait une place importante: elle dégoulinait, elle moussait, elle écumait comme les eaux furieuses d'un barrage cédant sous la pression d'un lac après l'orage. D'autres (Pauline) avaient une langue plus retenue, un petit animal tapi derrière les dents et sortant avec circonspection comme pour vérifier le temps qu'il fait ou s'assurer de l'absence de prédateur. Mais la langue d'Alice ne faisait partie ni de la première ni de la seconde catégorie. C'était une langue délicate et parfumée, elle goûtait le thé exotique, un peu de sucre, un peu d'agrume, c'était une langue qui vint dire bonjour à la sienne avec l'enthousiasme joyeux d'un chien qui sort faire une belle balade.