Hanns nourrissait maintenant d’autres ambitions. Il parlait allemand, certes, mais surtout, il comprenait la psyché allemande, il connaissait le pays et pouvait se repérer mieux que quiconque dans une ville. Fort de ces atouts, il se jura de mettre la main sur les grands criminels de guerre, à commencer par le commandant Höss.
Nous vivons une époque où les eaux se referment sur les événements de la Seconde Guerre mondiale, où les derniers témoins arrivent au crépuscule de leur vie, et où il ne nous reste que des bribes de ce passé, si souvent entendues qu'elles en ont perdu leur authenticité. Des principaux acteurs de cette période, nous n'avons gardé que des caricatures : Hitler et Himmler dans le rôle des monstres, Churchill et Roosevelt dans celui des guerriers conquérants et, en toile de fond, des millions de victimes juives.
Les procès de Nuremberg furent abondamment couverts par les médias internationaux. Jour après jour, les journaux publiaient des éditoriaux de plus en plus alarmistes, prédisant qu’en dépit de leur participation manifeste à l’extermination de millions de juifs, de communistes et de Tziganes dans les camps, il n’était pas exclu que les prévenus soient acquittés. La procédure légale menaçait de tourner au fiasco.
Entre-temps, la nouvelle de l’arrestation de Rudolf Höss s’était propagée.
Dans un passage capital de ses confessions, il estimait que l’extermination des juifs était une erreur, non parce que ces massacres à grande échelle étaient immoraux ou monstrueux, mais parce que, soulignait-il, « c’est cet anéantissement en masse qui a attiré sur l’Allemagne la haine du monde entier.
Quelques heures plus tard, il quittait le camp, un laissez-passer et une liste de noms en poche, un revolver et une paire de menottes accrochés à la ceinture.
La fille au grand sourire se cachait maintenant dans l’annexe, à l’étage supérieur, en compagnie de son père, de sa mère, de sa sœur et de quatre autres personnes.