C'est un livre très complet qui tente d'expliquer, de définir et d'argumenter le plus possible, de façon juste, objective, raisonnée et éthique, ce qu'est l'antispécisme et pourquoi il est si important et tout ce qu'il englobe comme perspectives.
Donc, qu'est-ce que le spécisme et qu'est son antagonisme ? Il s'agit ici de parler avant tout du règne animal en comparaison avec l'espèce humaine (qui fait partie du règne animal, donc), et de comprendre en quoi le terme d'espèce doit disparaître, surtout si, comme le terme de race dans un cadre humain, il doit signifier un jugement de valeur, une hiérarchisation entre ses représentants. Ce ne sont pas des concepts très anciens, en soi, et tout comme pour les personnes humaines qui ont vu leurs droits progresser petit à petit par rapport à un système de valeur, de nature, de race, de sexe et de classe, les animaux non humains commencent seulement à attirer un tout petit peu de respect, de sympathie et d'empathie.
En quelques textes, souvent issus de ces fameux Cahiers antispécistes, ou encore des inédits, les nombreux•ses auteur•e•s tentent de définir les critères, l'éthique, le sens philosophique ou encore scientifique de l'antispécisme, et vont pour cela définir ce qui différencie en soi la capacité à ressentir, le droit à vivre et la fausse perception de supériorité entre les animaux humains et non humains. De façon tantôt très accessible et simple, tantôt plus poussée et extrêmement rigoureuse, nous avons donc le loisir de faire le tour de la question et de se laisser convaincre ou non - à savoir : abandonner les idées scientifiquement, biologiquement et éthiquement fausses ou non.
Comme dans tout « mouvement », il y a l'idée de base, et puis les extrêmes, et les choses plus ou moins acquises, assimilées. Dans ce livre, il y a clairement une volonté de bousculer les choses, ce qui fait que la personne qui le lira devra sûrement remettre pas mal de choses en question, accepter - quand c'est le cas - sa façon de penser et d'agir spéciste (comme il peut être désagréable de se rendre compte qu'on agit avec les autres personnes de façon involontairement raciste ou sexiste ou validiste). Peut-être même qu'il est difficile d'être en accord avec tout ce qui est dit ou qu'il y aura des "oui mais". Cependant, je trouve que la question est bien abordée, dans tout ce qu'elle peut comporter de vaste, et que les idées ont le mérite d'être claires, en accord avec l'éthique et parfois même audacieuses dans leur aspect révolutionnaire.
La question de la Nature est aussi bien abordée, dans sa définition même, dans sa sacralité puis sa désacralisation la plus totale, en passant par l'écologie, l'essence des êtres et des espèces, la prédation et bien sûr la sensibilité des plantes. Et donc, bien sûr, arrive en ligne de mire la responsabilité de l'humanité par rapport aux autres règnes animaux, végétaux, minéraux, et s'il est éthiquement mieux de laisser la Nature comme elle est, et donc de laisser le champ libre aussi à l'extinction, qui est en soi naturelle, ou d'intervenir pour améliorer le sort de tous ses représentants. Vaste programme, donc, qui suppose effectivement une révolution de grande envergure.
Et pour finir, bien sûr, on notera l'insistance à montrer que les humains entre eux se traitent déjà avec une échelle de valeur, de façon parfois « inhumaine », et qu'il est difficile de penser qu'un jour ils seront à même de traiter ceux qu'ils jugent d'une espèce encore inférieure de façon plus juste et décente. Le sujet de l'humanité (comme espèce et comme « honneur ») est assez abouti, que ce soit en début ou fin de livre, et montre que nous avons dans tous les cas de gros efforts à faire pour commencer à devenir des êtres non seulement sensibles mais aussi responsables, à la hauteur de ce qu'on aime à montrer comme des progrès vertigineux, une technologie de pointe, une supériorité en intelligence et en sentiments, en philosophie, en justice, en éthique et en respectabilité.
(voir la critique intégrale sur le blog)
Lien :
http://lecombatoculaire.blog..