Méditation avec les lucioles : journal (1939-1968)
Thomas MertonBernard Durel
Éditions Bayard
Collection Spiritualité
Dans ce journal qui couvre la période depuis sa conversion au catholicisme en 1938 jusqu'à sa mort, T. Merton, moine cistercien américain, évoque sa vocation monastique et décrit les étapes de son cheminement spirituel. Son engagement pour la paix et contre l'arme atomique font également partie des sujets abordés. Avec un appareil critique. ©Electre 2021
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Rappelle-toi...
Que si un rien fait souffrir
un rien aussi fait plaisir...
Que tu peux être semeur
d'optimisme, de courage, de confiance...
Que ta bonne humeur peut égayer la vie des autres...
que tu peux, en tout temps, dire un mot aimable...
Que ton sourire non seulement t'enjolive,
mais qu'il embellit l'existence de ceux qui t'approchent...
Que tu as des mains pour donner
et un coeur pour pardonner...
Admettre que des hommes soient admirables, dignes, parfaits, dans la mesure où ils s'effacent dans la foule et passent inaperçus, en cessant d'être conscient de leur existence et de leurs actes... Ici [au monastère] l'excellence est en rapport avec l'obscurité; le meilleur étant celui qui est le moins regardé, le moins distingué; seules les fautes et les erreurs attirent l'attention sur l'individu.
La logique de la vie cistercienne est donc en opposition absolue avec la logique du monde, dans lequel les hommes se poussent en avant, de sorte que le plus excellent semble être celui qui se met le plus en valeur, qui domine les autres, qui attire l'attention...
Quel vie étrange, en vérité, que de vivre toujours dans l'imagination d'un autre être, comme si c'était le seul endroit où nous puissions devenir réel!
La nuit privée d'étoiles, Seuil, 1961, coll. Livre de vie, pp. 288-289

CHANSON: SI TU CHERCHES...
Si tu cherches une lumière céleste,
Moi, la Solitude, je suis ton professeur!
Je te devance dans le vide,
Je fais lever d'étranges soleils pour tes nouveaux matins,
J'ouvre les fenêtres
De ton appartement le plus intérieur.
Quand moi, la solitude, j'émets mon signal particulier,
Suis mon silence, suis-le vers où je fais signe!
Ne crains pas, petite bête, petit esprit (ô toi, parole et animal)
Moi, la Solitude, je suis ange
Et j'ai prié en ton nom.
Regarde la nuit vide et bien portante,
la lune pèlerine!
Je suis l'heure fixée,
Le "maintenant" qui coupe
Le temps comme une lame.
Je suis l'éclair inattendu
Au-delà du oui, au-delà du non,
Le précurseur de la Parole de Dieu.
Suis mes voies et je te conduirai
Vers des soleils à la chevelure d'or,
Vers le Logos et la musique, vers d'irréprochables joies,
Coupables d'aucune question
Et au-delà de toute réponse:
Car Moi, la Solitude, je suis ton propre soi:
Moi, le Néant, je suis ton Tout.
Moi, le Silence, je suis ton Amen.
(Extrait de "Emblèmes d'une saison de fureur", 1963)
Tout homme est un peu de moi-même, car je fais partie de l'humanité...
Ce que je fais est aussi pour eux, avec eux et par eux. Ce qu'ils font est en moi, par moi et pour moi. Mais chacun de nous demeure responsable du rôle qu'il joue dans la vie de l'ensemble...
Tout est incohérent si nous n'admettons, avec le poète John DONNE, que
Nul n'est une île, en soi suffisante.
Tout homme est une parcelle de continent,
une partie du tout.
Que gagnerait-on à voguer vers la lune, si on n'est pas capable de traverser l'abîme qui nous sépare de nous-même.
Supplément d'âme
Chaque moment et chaque événement de la vie de chaque homme sur terre fait naître quelque chose dans son âme.
Cest le feu, non la fumée, qui réchauffe. C'est le bateau, non son sillage, qui nous transporte sur l'océan. Ainsi faut il rechercher ce que nous sommes dans les profondeurs invisibles de notre être, non dans l'image extérieure de nos actes.
Aimer commence par laisser ceux que nous aimons rester parfaitement eux-mêmes, et non, par les forcer à correspondre à notre propre image. Sinon, nous n’aimons que le reflet de nous-mêmes que nous trouvons en eux.
Que gagnerons-nous à aller sur la lune si nous sommes incapables de traverser l'abîme qui nous sépare de nous-mêmes ?
L'amour véritable exige le contact avec la vérité, et la vérité ne peut être trouvée que dans la solitude. L'aptitude à supporter la solitude et à passer de longues périodes tranquilles seul en méditation est donc l'une des conditions essentielles pour ceux qui aspirent à l'amour désintéressé.