"Le phénomène Piketty en bande dessinée" est une conférence, captée pendant le festival Quai des Bulles 2022, qui parle de l'adaptation en bande dessinée du livre "Capital & Idéologie" de Thomas Piketty. Conférence animée par Amélie Mougey, avec Claire Alet (journaliste)et Benjamin Adam (dessinateur). Illustrée en direct par Thibault Soulcié.
Les milliardaires sont partout présents dans les magazines, et il est temps qu’ils apparaissent dans les statistiques fiscales.
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Mais une conclusion apparaît d'ores et déjà clairement : il serait illusoire d'imaginer qu'il existe dans la structure de la croissance moderne, ou dans les lois de l'économie de marché, des forces de convergence menant naturellement à une réduction des inégalités patrimoniales ou à une harmonieuse stabilisation.
Dans des sociétés de croissance faible, les patrimoines issus du passé prennent naturellement une importance disproportionnée, car il suffit d'un faible flux d'épargne nouvelle pour accroître continûment et substantiellement l'ampleur du stock.
Les faits et les chiffres sont têtus. Les milliardaires mondiaux ont poursuivi leur progression stratosphérique depuis la crise de 2008 et pendant la pandémie de Covid-19 et ont atteint des niveaux inédits. Comme l’a montré le rapport sur les inégalités mondiales 2022, les 0,1 % les plus riches de la planète détiennent désormais à eux seuls quelque 80 000 milliards d’euros de capitaux financiers et immobiliers, soit plus de 19 % des patrimoines à l’échelle mondiale (l’équivalent d’une année de PIB mondial).
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L’impôt n’est pas une question technique, il se trouve au cœur du lien social. [ source : février 2012 sur France Culture ]

Dans toutes les civilisations, le fait que le détenteur du capital obtienne sans travailler une part substantielle du revenu national et que le taux de rendement du capital soit généralement d'au moins 4 %-5 % par an a suscité des réactions violentes, souvent indignées, et des réponses politiques de diverses natures. L'une des plus répandues est l'interdiction de l'usure, que l'on retrouve sous différentes formes dans la plupart des religions, en particulier dans le christianisme et l'islam. Les philosophes grecs étaient également très partagés sur l'intérêt, qui conduit à un enrichissement potentiellement infini, puisque le temps ne cesse jamais de s'écouler. C'est ce risque d'illimitation que pointe avec insistance Aristote lorsqu'il souligne que le mot «intérêt» en grec (tocos) veut dire «enfant». Pour le philosophe, l'argent ne doit pas engendrer l'argent. Dans un monde de croissance faible, voire infinitésimale, où la population comme la production sont quasiment les mêmes d'une génération sur l'autre, ce risque d'illimitation semble particulièrement destructeur.
Les questions économiques sont trop importantes pour être laissées à une petite classe de spécialistes et de dirigeants.
L'inégalité n'est pas nécessairement mauvaise en soi : la question centrale est de savoir si elle est justifiée, si elle a ses raisons.
La compression des inégalités de revenus au siècle dernier se concentre, finalement, sur une période très particulière : 1914-1945. Au XXe siècle, ce sont bien les deux conflits mondiaux qui ont fait table rase du passé, et non la paisible rationalité démocratique ou économique.
Or, nos données démontrent que la concentration des patrimoines était à cette époque presque aussi extrême en France qu'au Royaume-Uni, ce qui illustre assez clairement que l'égalité des droits face au marché ne suffit pas à conduire à l'égalité des droits tout court. Là encore, cette expérience est tout à fait pertinente pour l'analyse du monde d'aujourd'hui, où de nombreux observateurs continuent de s'imaginer, à l'image de Leroy-Beaulieu il y a un peu plus d'un siècle, qu'il suffit de mettre en place des droits de propriété toujours mieux garantis, des marchés toujours plus libres, et une concurrence toujours plus "pure et parfaite", pour aboutir à une société juste, prospère et harmonieuse. la tâche est malheureusement plus complexe.