Agir pour l'éducation est une initiative qui réunit les professeurs du Collège de France pour dresser un état des lieux de l'éducation en France, et mettre toutes les dimensions de la connaissance scientifique au service de l'école et préparer notre avenir commun.
« Agir pour l'éducation, la science au service de l'école »
Thomas Römer, administrateur du Collège de France
18 janvier 2023
Retrouvez le programme complet de l'initiative et son texte de présentation :
https://www.college-de-france.fr/agenda/grand-evenement/soiree-de-lancement-de-initiative-agir-pour-education
Le Collège de France est une institution de recherche fondamentale dans tous les domaines de la connaissance et un lieu de diffusion du « savoir en train de se faire » ouvert à tous.
Les cours, séminaires, colloques sont enregistrés puis mis à disposition du public sur le site internet du Collège de France.
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En parlant d'une "invention de Dieu", nous n'imaginons pas que quelques Bédouins se sont un jour réunis autour d'une oasis pour créer leur dieu ou que, plus tard, des scribes ont forgé de toutes pièces Yahvé en tant que dieu tutélaire. Il faut plutôt comprendre cette "invention" comme une construction progressive issue de traditions sédimentées dont l'histoire a bouleversé les strates jusqu'à faire émerger une forme inédite. Et quand on analyse comment s'est développé le discours sur ce dieu et comment celui-ci est finalement devenu le dieu unique, on peut voir, là, une sorte d'"invention collective" toujours en réaction à des contextes historiques et sociaux précis.

- La Bible est donc un livre dangereux ! Ne vivrait-on pas mieux sans ?
- La Bible n'est pas un document dangereux. Elle peut par contre le devenir si l'on en fait une lecture littéraliste, fondamentaliste, si on la prend comme un livre de recettes, un document immuable, sans lien avec des contextes historiques.
- Mais beaucoup de croyants disent que la Bible est inspirée, révélée par Dieu aux hommes.
- C'est une conviction que certains lecteurs peuvent avoir mais même une lecture croyante de la Bible doit prendre au sérieux le fait que nous ne sommes pas la première génération de ses lecteurs et que, dès l'origine, les textes bibliques ont été interprétés par ceux et celles qui la lisaient. Les récits bibliques eux-mêmes soulignent cette nécessité d'interprétation, puisqu'on trouve dans la même Bible différentes collections de lois dont certaines sont contradictoires : et il y a même des histoires qui sont racontés deux fois mais de manière différente. Ce qui exclut d'emblée une compréhension au premier degré.
Vous pensez avoir compris quelque chose, vous approfondissez encore et, non, ce n’était pas tout à fait cela. C’est aussi cela qui est fascinant avec la Bible. Dans le fond, c’est un livre qui dérange tout le temps. Il n’est pas fait pour endormir les consciences.
La tentation, c'est de prendre la Bible ou le Coran comme des livres de recettes, qui disent ce qu'il convient de faire. C'est un leurre. Je mets quiconque au défi de faire une lecture intégrale, fondamentaliste, littéraliste, soit de la Bible, ou du Coran. C'est impossible, car d'une part, les textes se contredisent, et d'autres part, il faudrait régresser dans une autre civilisation, réintroduire l'esclavage, la peine de mort, la polygamie, l'inégalité homme/femme, abolir la démocratie. - Thomas Römer
Contrairement aux langues européennes, l’hébreu biblique ne fait pas de distinction entre « amitié » et « amour ». Pour décrire ces deux relations, il utilise la racine ’ahab qui s’applique à toutes sortes de relations : une relation d’affection entre un homme et une femme (1 S 18,20), une relation entre deux hommes (1 S 18,1), une relation entre père et fils (Pr 13,24), entre un esclave et son maître (Ex 21,5-6).
La lecture littérale de la Bible est du reste une pratique qui a toujours existé, elle s'est d'ailleurs particulièrement développée à partir de la Réforme protestante et de la Renaissance. Avant cela, l'herméneutique chrétienne, à l'instar de la tradition juive sur laquelle elle s'était calquée, avait développé et encouragé d'autres approches des textes sacrés. Durant plusieurs siècles on a en effet interprété les textes sous un regard philologique ou allégorique, parfois aussi sous l'angle de la tropologie ou encore de façon anagogique : c'est ce qu'on a appelé les quatre sens de l'Écriture.
Il est sûr que les histoires sur Saül, David et Salomon ont été écrites plusieurs siècles après leur règne. Mais il s'agit probablement de figures historiques, même si les récits les concernant sont largement légendaires. La situation change pour des rois postérieurs, dont certains sont nommés dans des documents assyriens, ce qui montre que les auteurs des Livres des Rois avaient à leur disposition des annales royales à partir desquelles ils ont construit leur histoire des deux royaumes d'Israël et de Juda.
C'est vrai, le pentateuque, la première partie de notre bibliothèque se termine sur un non-accomplissement, comme si on voulait laisser à chaque auditeur (dans l'Antiquité, tous les textes étaient lus à haute voix) ou lecteur, la possibilité de décider si les promesses divines s'étaient accomplies ou non. Il faut également penser au fait que la mort de Moïse en dehors du pays permet aux juifs qui vivent hors du pays, en diaspora, de s'identifier à Moïse.
Dans le Pentateuque le thème de l’exil est présent entre toutes les lignes ; il est la clé de lecture qui donne sens à l’édifice rédactionnel.
Plus tard, Quhéleth (l'ecclésiaste), le premier philosophe du judaïsme, tire les conclusions de Job, en affirmant que l'homme ne peut comprendre les desseins de Dieu et qu'il ne doit pas trop se fatiguer à cause de cela, mais plutôt profiter de la vie aussi longtemps qu'il en a la possibilité.