Thomas Römer, professeur du Collège de France sur la chaire Milieux bibliques, introduit son cours de l'année 2023-2024 : Discours bibliques sur les origines (Genèse 1-11)
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En parlant d'une "invention de Dieu", nous n'imaginons pas que quelques Bédouins se sont un jour réunis autour d'une oasis pour créer leur dieu ou que, plus tard, des scribes ont forgé de toutes pièces Yahvé en tant que dieu tutélaire. Il faut plutôt comprendre cette "invention" comme une construction progressive issue de traditions sédimentées dont l'histoire a bouleversé les strates jusqu'à faire émerger une forme inédite. Et quand on analyse comment s'est développé le discours sur ce dieu et comment celui-ci est finalement devenu le dieu unique, on peut voir, là, une sorte d'"invention collective" toujours en réaction à des contextes historiques et sociaux précis.
Le livre de l'Exode n'ec pas seulement l'histoire de la sortie d'Égypte, mais aussi une histoire de la rencontre entre Israël et Yhwh, rencontre dont le médiateur indispensable est Moïse.
Vous pensez avoir compris quelque chose, vous approfondissez encore et, non, ce n’était pas tout à fait cela. C’est aussi cela qui est fascinant avec la Bible. Dans le fond, c’est un livre qui dérange tout le temps. Il n’est pas fait pour endormir les consciences.
- La Bible est donc un livre dangereux ! Ne vivrait-on pas mieux sans ?
- La Bible n'est pas un document dangereux. Elle peut par contre le devenir si l'on en fait une lecture littéraliste, fondamentaliste, si on la prend comme un livre de recettes, un document immuable, sans lien avec des contextes historiques.
- Mais beaucoup de croyants disent que la Bible est inspirée, révélée par Dieu aux hommes.
- C'est une conviction que certains lecteurs peuvent avoir mais même une lecture croyante de la Bible doit prendre au sérieux le fait que nous ne sommes pas la première génération de ses lecteurs et que, dès l'origine, les textes bibliques ont été interprétés par ceux et celles qui la lisaient. Les récits bibliques eux-mêmes soulignent cette nécessité d'interprétation, puisqu'on trouve dans la même Bible différentes collections de lois dont certaines sont contradictoires : et il y a même des histoires qui sont racontés deux fois mais de manière différente. Ce qui exclut d'emblée une compréhension au premier degré.
La tentation, c'est de prendre la Bible ou le Coran comme des livres de recettes, qui disent ce qu'il convient de faire. C'est un leurre. Je mets quiconque au défi de faire une lecture intégrale, fondamentaliste, littéraliste, soit de la Bible, ou du Coran. C'est impossible, car d'une part, les textes se contredisent, et d'autres part, il faudrait régresser dans une autre civilisation, réintroduire l'esclavage, la peine de mort, la polygamie, l'inégalité homme/femme, abolir la démocratie. - Thomas Römer
Peut-on parler de monothéisme avant la Bible ? Les religions mésopotamiennes ont produit de grandes épopées qui ont largement influencé les auteurs bibliques, ce qui montre que les frontières entre monothéisme et polythéisme sont perméables : l’épopée de Gilgamesh, les récits de création et du déluge ont servi de modèles pour les auteurs bibliques qui ont repris ces grands textes en les réinterprétant dans une perspective monothéiste.
La lecture littérale de la Bible est du reste une pratique qui a toujours existé, elle s'est d'ailleurs particulièrement développée à partir de la Réforme protestante et de la Renaissance. Avant cela, l'herméneutique chrétienne, à l'instar de la tradition juive sur laquelle elle s'était calquée, avait développé et encouragé d'autres approches des textes sacrés. Durant plusieurs siècles on a en effet interprété les textes sous un regard philologique ou allégorique, parfois aussi sous l'angle de la tropologie ou encore de façon anagogique : c'est ce qu'on a appelé les quatre sens de l'Écriture.
Contrairement aux langues européennes, l’hébreu biblique ne fait pas de distinction entre « amitié » et « amour ». Pour décrire ces deux relations, il utilise la racine ’ahab qui s’applique à toutes sortes de relations : une relation d’affection entre un homme et une femme (1 S 18,20), une relation entre deux hommes (1 S 18,1), une relation entre père et fils (Pr 13,24), entre un esclave et son maître (Ex 21,5-6).
Ceux qui ont consacré ces sacrifices à Yhwh-Melek ont ainsi souligné sa souveraineté et exprimé l'espoir qu'il intervienne en tant que sauveur dans une situation de crise. À l’époque perse, le sacrifice humain devient tabou et les éditeurs tentent de le dissocier du culte de Yhwh. Dans le cadre du même projet, les Massorètes ont ensuite changé Melek en Molek
En résumé, en Israël, Yhwh devint définitivement la divinité la plus importante avec le putsch de Jéhu. Yhwh a d’abord été vénéré dans le Nord surtout comme un « baal », c’est-à-dire un dieu de l’orage ressemblant à certains égards au dieu Baal d’Ougarit. Il n’a pas été le seul dieu vénéré en Israël ; peut-être a-t-il d’abord été subordonné à El (notamment dans le cas du sanctuaire de Béthel). Sous les Omrides, deux baalim se faisaient concurrence : le baal phénicien (peut-être Milqart) et le baal Yhwh. Par la suite, Yhwh intégra apparemment les traits d’El ainsi que des traits solaires : il devint un baal shamem, un « Seigneur du ciel ». Jusqu’à la chute de Samarie en 722 avant notre ère, le culte de Yhwh n’était pas exclusif, comme le montre le prisme de Nimroud, dans lequel Sargon II relate la prise de la capitale du royaume du Nord : « Je comptai pour prisonniers 27 280 personnes ainsi que leurs chars et les dieux en qui ils se confiaient.