Citations de Timothée de Fombelle (1003)
- Vous m’avez traité de singe, Doktor Eckener ?
Le commandant Eckener arrêta de peindre, prit le pinceau dans la main gauche et leva la droite.
- Je jure sur la mémoire de mon maître, le bon comte von Zeppelin, que je n’ai pas pensé à un singe.
Il ne mentait pas. Eckener avait trop de respect pour les singes.
Pour être parfaitement honnête, peut-être à cause des feuilles de chêne sur le col, il avait plutôt pensé à un gland.
Pourquoi s'épuiser à convaincre quand on peut anéantir? Les années de crise avaient mis tant de monde au chômage qu'on était prêt à croire toutes les promesses vociférées par Hitler, à se jeter sur tous les coupables qu'il désignait.
Sa mère, qui lui avait appris à lire à l'âge de trois ans, lui disait que les mots sont des combattants de l'ombre. Si on choisit de devenir leurs amis, ils nous aident toute la vie. Sinon, ils se mettent en travers de notre chemin. Maïa lui expliquait que c'était à cause de cela qu'on disait "connaître" un mot ou un langage, comme "connaître quelqu'un".
Tobie, après pas mal d'efforts, était devenu l'ami des mots. Tous les jours, il voyait les miracles qu'ils font. Ils l'avaient sauvé de la solitude et de l'ennui. Ils avaient été à ses côtés pour étudier avec son père. Et surtout, ils ne l'avaient pas lâché pendant les conversations avec Elisha.
Elisha connaissait très peu de mots, mais elle les habillait d'une telle manière que Tobie risquait de tomber à chaque phrase. Il avait donc appris, en l'écoutant, à faire vivre les mots grâce à la voix et au silence.
Les taches de rousseur sous mes yeux, les animaux que je dessine sur la page, les grandes chaussettes jusqu'aux genoux, tout cela n'est que du camouflage. On m'a dit que les soldats se cachent avec des fougères cousues sur leur uniforme. Moi, mes fougères sont des croûtes aux genoux, des regards rêveurs, des chansons que je fredonne pour avoir l'air d'une petite fille.
Rien n'est plus léger qu'un battement de cœur.
Gloria se savait différente, un peu en marge de son espèce, mais elle n'échappait pas à ces commandements intérieurs, inexplicables, qui dirigent la vie des oiseaux. Elle vivait l'instinct comme un esclavage alors que la plupart des autres hirondelles y voyaient un grand repos pour l'esprit. Cependant, l'appel qui l'invitait vers le nord ce matin de décembre n'était pas du même genre. Ce n'était pas seulement l'instinct des migrateurs. Elle sentait que cet appel était lancé à elle seule, à sa liberté.
Autour de la table, tout était resté comme suspendu... Pendant la fin du repas, seule l'horloge, debout dans un coin, avait osé continué de battre.
On disait que Milo était un garçon sans problème. On en oubliait un peu de s'occuper de lui.
Tango réapprenait cette voix, ce nom d'evangelista qu'il avait presque oublié. [Mademoiselle] l'avait toujours appelé Tango, mais dans les moments importants le prénom entier surgissait comme s'il avait fallu plus de lettre pour y ranger tout ce qu'elle voulait y mettre.
Il réalisait qu'il n'avait jamais attendu une jeune fille dans un château. C'était une sensation assez délicieuse. À soixante-neuf ans, il était grand temps de faire cette expérience de prince charmant.
Il y a un proverbe pelé qui dit : "Ce que l'on sème dans une plaie avant qu'elle ne se ferme donne une fleur captive qui ne meurt jamais".
Nous étions tous pareils. Les histoires nous inventent.
Joseph Mars n'a pas bougé. Depuis le début, il s'est promis que rien ne l'atteindrait. Les captifs, les nègres, les pièces d'Inde. Il connaît tous ces mots sans vouloir penser à ce qu'ils renferment. Plusieurs fois, quand il parlait avec Jacques Poussin, l'enveloppe de ces mots s'est fendue, mais cette fois elle tombe en poussière. Elle vole sous les pieds de ceux qui passent devant lui. Elle se mélange au sable et aux débris de coquillages.
Elle était seule. Elle n’avait jamais été aussi seule. Elle se retourna et plongea la tête dans l’oreiller. Le lin trop blanc crissait sous son front.
Ethel avait espéré un conte de Noël pour cette nuit. Elle l’avait demandé en silence, honteuse, devant les cierges de l’église. Un conte de Noël. Rien d’autre. C’était ridicule, elle le savait. Une partie d’elle riait de son beau rire désenchanté. Une autre couvrait de larmes ses mains jointes et les draps.
J'envoyais une carte postale au milieu des vacances. Ça disait toujours : "Comment allez-vous ? Je fais du vélo. L'oncle Angelo me fait des nouilles au beurre. Il y a du soleil." Et la vie pouvait repartir pour une deuxième moitié d'éternité.
Dans sa fatigue extrême, la femme mêlait plusieurs langues qui surgissaient parfois au détour de ses mots.
-Ça c'est du grec, disait le docteur.
-Et ça veut dire quoi ?
-Ça veut dire qu'elle parle grec.
Tout le monde admira le raisonnement.
En retrouvant sa chambre, Misha savait qu'il y aurait d'autres batailles. Elle ne pourrait plus se cachait sous cette ombre. La vie et les autres l'attendaient dehors.
" - Chaque cerveau à son sercret. Moi, c'est mon lit. Toi, c'est ton assiette. Mange avant de penser, ou tu penseras mal.
Il avait dit un jour où Tobie manquait d'énergie: " Il n'est pas dans son assiette."
Et, comme tout ce que disait le professeur Lolness, l'expression avait été reprise dans le langage courant, sans que personne ne sache d'où elle venait." (p.46)
Les valises les plus légères sont les plus longues à préparer.
On fait semblant d’être grand. Et, dans le meilleur des cas, je crois, on fera semblant toute sa vie.