AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Tom Lanoye (77)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Décombres flamboyants

Gidéon Rottier, solitaire, bègue, laid, se sent "comme un quidam effacé qui se tourne les pouces la vie durant dans la salle d'attente de la mort, tout en sachant qu'après le départ de son dernier train, il ne laissera pas la moindre trace d'un souvenir. Nous étions des millions dans ce lieu, la plupart y restent encore. Vivant sans passion, sans but". Pour "vaincre cette banalité crasse", Gidéon a choisi un métier extravagant. Il est un "nettoyeur de l'extrême", pour le compte d'une entreprise d'assainissement qui intervient sur les lieux de drames divers (incendies, négligences graves, suicides, attentats,...) pour les remettre en état. Loser patenté, invisible et insipide, Gidéon ne se fait aucune illusion sur lui-même. Un tournant s'amorce cependant dans sa vie d'ermite le jour où on lui adjoint un nouveau collègue, Youssef, demandeur d'asile en provenance d'un pays qui ressemble furieusement à la Syrie. Gidéon accepte aussi d'héberger Youssef chez lui, et une amitié improbable naît peu à peu entre les deux hommes. Puis c'est une dette de vie qui s'inscrit dans le grand livre de comptes de Gidéon, le jour où Youssef le sauve de la mort lors d'un accident de travail. A ce point-là, Gidéon ne peut refuser lorsque Youssef lui demande d'accueillir sa femme et ses deux enfants, tout juste débarqués de leur pays en guerre. S'installe alors une vie de famille elle aussi improbable, faite de bonté et de gratitude mais aussi de tensions qui font presque regretter à Gidéon sa tranquillité d'avant. Mais tout cela n'est rien encore. Parce qu'un jour, il y a un attentat terroriste à la gare d'Anvers, dont l'effroyable nettoyage revient à Gidéon, Youssef et leurs collègues. Puis il y a d'autres attentats et attaques en tous genres, une spirale de violence qui se déchaîne dans le pays. Youssef disparaît, en quête d'un endroit plus paisible sur terre pour lui et sa famille. C'est alors que le chaos investit également la maison de Gidéon. La femme et les enfants de Youssef, déjà traumatisés par la guerre, sont totalement déboussolés par son départ et ne tardent pas à partir en vrille. Gidéon, loyal jusqu'au bout envers son ami, tente de leur maintenir la tête hors de l'eau malgré son envie de les jeter à la rue tant ils lui font la vie impossible. Loyal mais maladroit, il ne parvient pas à éviter le drame.

Ce roman est comme son titre, flamboyant. On y retrouve toute la verve et le style baroque virtuose de Tom Lanoye, et la traduction toujours impeccable d'Alain van Crugten. Sur fond de crise migratoire, de menace terroriste et de coup de gueule à peine voilé contre l'extrême-droite (le titre néerlandais "Zuivering", qui signifie nettoyage, épuration, purification, me semble évocateur), il brosse le portrait de personnages aux relations complexes et ambiguës, dont le fragile équilibre est sans cesse menacé, entre amitié sincère, manipulation, jeux de dupes, générosité, égoïsme, reconnaissance et volonté d'intégration.

Ce livre, qui mêle tragédie, humour noir et autodérision, pousse à la réflexion et pose des questions parfois vertigineuses, loin de tout manichéisme naïf. Il pointe les paradoxes d'une société qui perd le nord : une société civile en plein repli sur elle-même mais qui veut accueillir les réfugiés tout en s'opposant à une classe politique qui freine des quatre fers. Les idéaux de générosité et de tolérance sont battus en brèche par la folie terroriste ou sécuritariste. Vaguement dystopique, ce roman mordant et intense est fait de décombres et de flammes, celles de l'enfer du rejet et de la peur. Mais où va donc le monde ?
Lien : https://voyagesaufildespages..
Commenter  J’apprécie          553
Les boîtes en carton

Ça y est, c'est sûr, je suis amoureuse de l'écriture de Tom Lanoye. Après "La langue de ma mère" qui m'avait tourneboulée jusqu'au fond des tripes mais pour des raisons très personnelles, j'ai tenté une deuxième approche pour confirmer ma première impression. Bref, résultat, me voilà prise au piège de sa prose, mais je ne m'en plains pas le moins du monde.

Et donc, ces boîtes ? Il y en a trois, personnelles, plus une, à contenance universelle. Je m'explique.

La première : la boîte en carton qui, dans les années 70 (prononcez "septante"), sert de valise au jeune Tom, dix ans, pour deux semaines de colonie de vacances dans les Ardennes, financées par les Mutualités Chrétiennes. L'occasion pour le petit gars de rencontrer Z., son premier amour, même s'il ne connaît pas encore les mots à plaquer sur ce qu'il ressent pour son camarade. Oui, SON camarade. Parce que, d'emblée, on sait qu'il sera ici beaucoup question d'homosexualité.

La deuxième : la "Boîte", surnom du collège catholique élitiste où Tom et Z. se retrouvent dans la même classe. Six années pendant lesquelles Tom gardera son amour pour Z. secret, de même que ses séances répétées de masturbation frénétique, lesquelles sont cependant décrites au lecteur de long en large (si je puis me permettre). L'occasion aussi de partir à nouveau en colonie de vacances avec Z., en Suisse cette fois, et de tenter quelques manoeuvres d'approche aussi discrètes qu'incomprises.

La troisième : la, ou plutôt les boîtes d'archives que Tom l'écrivain conserve "pieusement" depuis ces années d'émoi. En particulier celle où il est question d'un dernier voyage avec Z., non pas en colo, mais avec ses condisciples, quelques semaines avant la fin de la dernière année scolaire à la "Boîte", avant l'entrée dans le monde adulte. Un voyage en Grèce, au pays des éphèbes, apothéose culturelle et espoir de climax amoureux, mais dont le final tourne à la tragédie... grecque pour Tom, qui en reviendra avec son premier chagrin d'amour.

La quatrième : celle qui englobe les autres et dans laquelle on peut tous se reconnaître, un peu, beaucoup, passionnément...

Oui, on peut s'y reconnaître, parce que (et sans même tenter de refréner mon enthousiasme), en vrac :

Même si c'est un récit autobiographique qui parle d'éveil à l'homosexualité, c'est aussi l'histoire d'un premier amour et du chagrin qui va avec, et c'est si entier et si sincère, et tellement bien décrit que ça touche à l'universel et que ça vous plonge dans vos souvenirs.

Parce qu'il y a l'humour, l'auto-dérision, et puis cette façon jouissive de brocarder les rivalités entre mutualités chrétienne et socialiste, la ligne de faille typiquement belge entre collèges cathos et athénées impies, et la révolution interne à l'enseignement catholique, contraint de se moderniser et d'accepter des profs laïcs et "rénovants" dans un corps enseignant jusque là exclusivement vêtu de soutanes et de cols romains. Les anecdotes et les portraits qu'il tire de certains professeurs me rappellent ceux que mon père et mes oncles et tantes racontent encore de leurs propres années de secondaire.

Parce que l'écriture sonne tellement juste dans ses détails et son réalisme qu'on se sent pris, pas tant de belgitude, mais de "flamanditude", avec ces descriptions du quotidien de la classe moyenne d'une petite ville provinciale de la Flandre patoisante...

... et parce que c'est magnifiquement traduit, chapeau bas et mille mercis à Alain van Crugten.

Parce que c'est drôle, nostalgique, un brin sulfureux, truculent et décomplexé, parce que l'auteur y parle avec tendresse et générosité des femmes de sa vie, mère, soeur, tante, amies, auxquelles il rend hommage. "Les femmes ont le coeur trop grand pour ce bas-monde", ça se passe de commentaire.

Parce qu'enfin, il s'adresse à son lecteur, en lui témoignant respect et admiration, et que j'en suis toute « paf ».

"Autori salutem"; ceux qui ont lu comprendront.
Lien : https://voyagesaufildespages..
Commenter  J’apprécie          550
La langue de ma mère

« Allons-y donc. Prenons congé. Faisons une croix bien grosse et bien épaisse là-dessus, même si nous la traçons avec tendresse. Une croix sur elle, sur lui. Leur quartier, leur époque, leur existence. Les grands tableaux d’un coin de petite ville et d’une famille nombreuse, dans une maison d’angle sans jardin, un magasin dont la porte ne cessait de sonner (...) Je passe au hachoir toute la zoologie humaine de ma jeunesse. C’est à ce prix seulement qu’elle, la Josée, deviendra ce qu’elle a toujours voulu être. Plus grande qu’elle-même. (...)

Ca suffit, maintenant. Hache et tranche, dénude chaque petit os, commence. N’importe où. Mais commence ».





Et quand il commence, il s’emballe, Tom Lanoye.

« C’est ainsi, c’est comme ça qu’on raconte et qu’on se rappelle les choses dans ma famille et dans ma région, ainsi est notre parole, ainsi est notre chair : abondante ».

C’est avec une langue somptueuse, pleine de verve, d’emballements, de détours et de retours que Tom Lanoye nous raconte son enfance, sa famille, ses voisins, la boucherie de son père, et surtout, sa mère. Sa Mère, l’autoritaire, la maitresse-femme, la rebelle, l’éclatante, l’opulente. Une femme qui manie le verbe avec aisance, qui aide à la boucherie, certes, mais qui fait du théâtre en amateur, qui adore se montrer, s’exposer. Rien ne se fait simplement, avec elle. Rien, même pas son attaque cérébrale qui la laisse démunie et, ironie du sort, sans langage. Une espèce de charabia informe remplace pour toujours ses discours toujours construits avec emphase, et puis le charabia lui-même cédera la place au silence et à la désagrégation de tout ce qui avait construit cette femme hors du commun.





Aujourd’hui, je referme ce gros livre et j’ai un peu le cafard. Je me plaisais bien, moi, là-bas, à Saint-Nicolas, au nord de la Belgique. Et puis Tom Lanoye a l’air d’un bon gars, vraiment. Bon fils, attentionné. Bon écrivain, excellent écrivain, je peux vous l’affirmer ! Son écriture baroque, son vocabulaire exaltant, ses phrases à l’emporte-pièce, ses digressions, ses mélanges, sa volubilité, sa franchise, tout ceci me fait dire que c’est un écrivain de premier ordre. Encore un écrivain belge que j’ai le devoir, le privilège, l’immense plaisir de vous faire connaitre.

J’avais lu et adoré « Troisièmes noces », j’ai lu et adoré « La langue de ma mère ».

Commenter  J’apprécie          5211
Gaz - Plaidoyer d'une mère damnée

Un texte pour une femme, seule en scène, seule au monde, seule en enfer. Un jeune homme a commis un attentat au gaz asphyxiant, 184 morts, lui aussi, abattu par la police. La femme qui parle, c'est sa mère. Elle raconte son fils, sa naissance, son enfance, son adolescence. Elle l'a élevé seule, comme elle a pu, avec peu de moyens mais avec amour et dignité. Mais quelque chose a mal tourné. Et là, elle cherche à comprendre ce qui lui a échappé. Lucide, elle se demande : pourquoi lui, pourquoi elle, qu'a-t-elle fait de mal, qu'aurait-elle dû faire, dire, éviter, taire ? Pourquoi son fils s'est-il radicalisé, lui, et pas un autre ? Des questions sans réponse, une souffrance sans fin, une double ou triple peine : son fils est un monstre, il est maintenant un cadavre et elle, quoi qu'il en coûte, elle est et reste sa mère, pour l'éternité.



Ce court texte est une commande faite à Tom Lanoye pour la commémoration du centième anniversaire de la première utilisation du gaz de combat pendant la Première Guerre mondiale en 1915, près d'Ypres en Belgique (d'où le nom du gaz : ypérite). Ce monologue a été joué pour la première fois le 17 avril 2015, soit avant les attentats de Paris et de Bruxelles. Étrangement prémonitoire, donc, et cela ajoute à sa force. Avec une économie d'effets et d'artifices, il met à nu cette femme, cette mère, et incise directement, jusqu'au coeur et à l'os, pour en extraire un mélange complexe d'amour, de douleur et de culpabilité, qui peut par moments mettre mal à l'aise. Un texte sobre, beau, émouvant et très puissant.



En partenariat avec les Editions le Castor Astral grâce à une opération Masse Critique de Babelio, que je remercie tous deux.
Lien : https://voyagesaufildespages..
Commenter  J’apprécie          514
Troisièmes noces

Tom Lanoye était manifestement en grande forme lorsqu'il a écrit ce roman.

Pas comme son héros et narrateur. Maarten Seebregs a la cinquantaine maladive et déprimée. Au chômage depuis quelques années, il ne se remet pas de la perte de Gaétan, l'amour de sa vie, mort après une longue maladie. Un jour, le destin de Maarten change de voie, pour le meilleur ou pour le pire, ça reste à voir. Un inconnu lui propose, moyennant un joli paquet d'espèces sonnantes et trébuchantes, d'épouser sa fiancée africaine, le temps pour la demoiselle d'obtenir un titre de séjour et la nationalité belge, après quoi elle pourra divorcer pour épouser son fiancé (l'inconnu, donc), lequel se trouve déjà dans le collimateur de la police des étrangers après deux mariages douteux avec d'autres gentes dames étrangères. Maarten se lance donc dans ce mariage blanc et hétérosexuel avec une Noire, avec tous les mensonges que cela implique envers les services de l'immigration. Un mariage blanc qu'il accepte pour sa généreuse dot financière, mais qui vire peu à peu au gris au fil des péripéties mouvementées qui émaillent leur vie commune, et qu'un improbable attachement se tisse entre eux.

Tom Lanoye en grande forme, disais-je, parce qu'il dresse avec une fougueuse maestria le portrait d'un misanthrope cynique puissance 1000, parfois un brin sentimental tout de même et pas avare en humour noir. Mais cette grande forme m'a un peu épuisée, par trop de digressions qui coupent l'élan, de scènes de sexe très crues qui ont fini par m'écoeurer, et par quelques pages finales interminables. Je préfère Tom Lanoye dans une veine plus personnelle (La langue de ma mère, Les boîtes en carton).

Mais "Troisièmes Noces" est lui aussi un roman grinçant écrit dans une langue flamboyante, qui, entre Anvers et Ostende, nous emmène dans les tréfonds d'une âme humaine en perdition et, entre les lignes, dans le marécage du racisme et de la politique migratoire belgo-européenne.
Lien : https://voyagesaufildespages..
Commenter  J’apprécie          480
La langue de ma mère

J'ai beaucoup hésité avant de lire ce livre. Parce que l'auteur y parle de sa mère qui, après une attaque cérébrale, ne s'exprime plus que dans un baragouin incompréhensible et qui, au fil du temps et d'autres attaques en série, est lâchée par son cerveau et par son corps, et tout ce que cela suppose d'humiliation. Parce que ma propre mère est atteinte de la maladie d'Alzheimer depuis plusieurs années et qu'elle ne s'exprime plus désormais que dans un baragouin dans lequel on parvient de temps en temps à reconnaître un mot ou un bout de phrase, et que son cerveau l'a lâchée sans espoir de retour, avec ce que cela implique en perte d'autonomie et donc de dignité (mais « heureusement », elle ne s'en rend plus compte), et sans compter, pour l'entourage, le déni d'abord, la révolte ensuite, puis la tristesse, mais pas l'acceptation. Bref, je me demandais si ce bouquin allait remuer le couteau dans la plaie. Pourtant je l'ai ouvert, lu, et je ne le regrette pas.



Tom Lanoye y raconte à la fois l'histoire de sa mère et l'histoire du livre lui-même et des difficultés qu'il a eues pour seulement arriver à en commencer l'écriture.



Josée, sa mère, est bouchère et comédienne de théâtre amateur à Saint-Nicolas (Sint-Niklaas), petite ville de la province d'Anvers. Commerçante et actrice, elle est une femme et une mère théâtrale, psycho-rigide, écrasante, qui n'hésite pas à jouer du chantage affectif sur ses enfants, feignant angoisse et désespoir dès que l'un d'eux dépasse de cinq minutes la permission de minuit. Autoritaire, fière, à la fois généreuse et « près de ses sous », obsédée par le qu'en-dira-t-on, elle-même n'a pas sa langue en poche et possède un art consommé de la répartie. Un sacré personnage, jusqu'au jour où elle est victime d'un AVC, perd ce qui la caractérisait, l'art de la parole, et décline peu à peu, malgré quelques périodes de rémission.



L'histoire du livre, c'est celle de la pression ressentie par l'auteur, de la part de sa mère d'abord : « tout de même, à quoi ça me sert d'avoir un fils écrivain célèbre si je ne suis même pas le personnage d'un de ses livres? Quelle ingratitude, de quoi j'aurais l'air ? » Déception pour elle puisqu'il n'écrira pas de son vivant. Pression de son père, après la mort de Josée, qui aurait tellement aimé voir son adorée ressusciter dans les pages d'un « beau gros livre ». Déception bis, Tom Lanoye ne commencera à écrire qu'après le décès de son père, deux ans après. Parce que « La vie de ma mère ne pouvait se décrire sans la sienne et inversement. C'est ainsi que ça se passe avec ces foutues amours éternelles, ces vies inséparables d'un temps révolu.[...] Avant que naisse le livre qu'il attendait si passionnément, il fallait qu'il la suive. Sa fin était l'un des chaînons de ce qu'il aurait lui-même aimé lire et partager, avec des baisers et des apéros en échange. « A ta santé, ma petite femme ! » ». Parce que « Ecrire, c'est détruire, faute de mieux. C'est seulement après cela et à cause de cela que ce que vous écrivez devient du passé. La littérature consiste à lâcher prise. Ecrire, c'est chasser de son souvenir ».



Je ne regrette pas cette lecture, malgré quelques scènes poignantes, qui réveillent de pénibles échos. Mais Tom Lanoye ne fait ni dans le pathos, ni dans l'angélisme, il raconte la vie comme elle est, avec ses montagnes russes, et les gens comme ils sont, qualités et défauts, doutes et certitudes inclus, il y en a un peu plus, je vous le mets quand même ? Et puis (ça ne parlera sans doute qu'aux Belges), mention spéciale à ce parler de chez nous (et au traducteur qui l'a si bien rendu en français): en lisant j'entendais dans ma tête ma grand-mère et ma marraine et leur patois flamand, bien loin du beau néerlandais du dictionnaire. Réaliste, truculent, pudique, tendre, nostalgique, plein de belgitude et écrit avec une grande justesse de ton, ce livre est un hommage très touchant de l'auteur à ses parents. Et pour moi, une belle découverte.
Lien : https://voyagesaufildespages..
Commenter  J’apprécie          477
Tombé du ciel

4 juillet 1989. Les moteurs d'un avion de chasse soviétique s'arrêtent en plein vol au-dessus de la Pologne. A peine le pilote s'est-il éjecté que les moteurs redémarrent. L'avion, en pilotage automatique, continue son chemin, franchit le Rideau de Fer et viole pendant plusieurs centaines de kilomètres l'espace aérien occidental, finissant sa course, à court de carburant, sur une maison de Kooigem, petit village de la campagne flamande près de Courtrai.

Bilan : un jeune homme tué au sol et, en pleine guerre froide, un conflit Est-Ouest évité de justesse.



Ce fait divers réel n'est pas le sujet principal du roman, mais lui sert de toile de fond. S'il s'attarde dans les premières pages sur ce qui se passe dans la tête du pilote pendant son parachutage (souvenirs d'enfance, réflexions sur la politique made in USSR), dans la cellule de crise d'une base belge de l'OTAN (où les oppositions partisanes entre démocrates et conservateurs US prennent le pas sur l'urgence de la situation) et dans la rédaction d'un journal bruxellois (où un journaliste s'oppose à son rédac' chef plus intéressé par le profit que par l'info de qualité), Tom Lanoye braque la focale sur Vera qui, au même moment, découvre brutalement que son mari la trompe depuis un an avec une jeunette de la moitié de son âge (et qui, accessoirement, est une ex de leur fils).

Désastre familial banal versus incident qui aurait pu déclencher une troisième guerre mondiale, dans ce roman, la petite histoire téléscope la Grande. Et dans les deux cas, c'est tout un monde qui s'écroule à sa propre échelle.

Avec un sens aigu de la psychologie et son humour noir et grinçant, Tom Lanoye tire le portrait d'une famille petite-bourgeoise de la Flandre provinciale, et se moque allègrement des jeux de pouvoir politique ou médiatique. Avec un brin de nostalgie, il renvoie ses personnages à leurs souvenirs et à leurs désirs : qu'ont-ils donc fait de leurs rêves ?

Un roman tragi-comique où l'on découvre « comment les hommes vivent, en Flandre ou ailleurs, en attendant que le monde vole en éclats ».



#LisezVousLeBelge
Lien : https://voyagesaufildespages..
Commenter  J’apprécie          452
Troisièmes noces

J’adore être violentée intellectuellement.

Et Tom Lanoye, l’auteur de « Troisièmes noces », l’a deviné, au-delà de toute espérance.



Fichtre ! Quel écrivain ! Si j’avais su que j’allais m’aventurer dans ses parages...je m’y serais précipitée quand même.

Oui, il m’a violentée. Moi qui adore les univers de tendresse, de douceur, de compréhension, j’ai été confrontée dès la première page à un être cynique, désabusé, profondément dépressif, qui proclame : « Rien n’est pire que l’espoir. L’humanité s’en porterait bien mieux si elle voulait bien enfin s’en rendre compte. Il faut apprendre à nous foutre la paix les uns aux autres. A part cette certitude, je ne possède rien. Personne ne possède rien. »



Cet homosexuel dont le compagnon est mort d’une longue et pénible maladie touche le fond de la décrépitude émotionnelle. Lui, l’amateur d’art (sa maison d’Anvers est d’ailleurs classée, car symbole de l’Art Nouveau), le chantre de la lumière (il travaillait dans l’industrie cinématographique et a recensé mille décors fulgurants), considère ses semblables comme des primates, et entre autres les écoliers comme de la racaille, les nourrissons au sein comme des têtards. Bref, la négation absolue de la bienveillance.



J’étais à deux doigts de jeter le livre, de l’écraser, de le mordre. Mais quelque chose me disait que je ne DEVAIS pas.

En effet, ce malotru à la puissance mille « accueille » (ses motivations sont toutes financières) une jeune déesse noire en mal d’intégration. Le mariage blanc se profile, et déjà les employés du contrôle de l’immigration s’immiscent dans leur intimité. Je ne raconterai pas plus, car les tribulations de ce duo improbable m’ont secouée, qu’elles me jettent dans un tram où une bande de 5 jeunes fait la loi, ou au « Centre fermé » en bord de la mer du Nord où les immigrants en demande d’asile sont parqués.



Décrépitude émotionnelle, ai-je dit ? Eh bien, non ! Cet homme improbable m’a attirée dans les replis ultimes de son âme, en décortiquant avec voracité les sursauts de son corps (ouh là là les descriptions sexuelles très crues), de ses sentiments et de notre société malade. Le tout servi dans une langue à croquer.



Merci aux éditions de la Différence de m’avoir offert ce roman publié dans la section « Littérature étrangère », même si pour moi c’est la littérature de mon pays. Et j’en suis fière !



Commenter  J’apprécie          3915
La langue de ma mère

La langue de ma mère est le récit personnel que commence Tom Lanoye, un écrivain et dramaturge flamand, quand sa mère, après une première attaque cérébrale, est atteinte d’aphasie, c’est à dire de privation de la parole.

Incapable de s’exprimer correctement, utilisant les mots dans le désordre et sans en utiliser le sens correct, c’est une lente descente dans l’absurde et l’isolement. C’est l’occasion pour l’auteur d’évoquer sa propre vie auprès de cette mère, une femme forte et haute en couleurs.



La langue de ma mère est un récit truculent d’un fils à sa mère, que j’ai commencé avec curiosité et enthousiasme. J’avais le sentiment de lire la promesse de l’aube, version flamande, une mère omniprésente qui se voit grande actrice dont le destin est brisé par la cruauté de la vie. Mais là s’arrête la comparaison, autant Romain Gary transcende les travers de sa mère pour en faire un récit universel, autant Tom Lanoye les évoque mais ils demeurent anecdotiques, à tel point que j’ai mis de côté cette lecture à plusieurs reprises, afin de reprendre en quelque sorte mon souffle, tant j’étais lasse de lire ses aventures débridées.

Une lecture en demi-teinte.
Commenter  J’apprécie          312
Décombres flamboyants

"Après ces fiançailles avortées, je suis resté un solitaire. Un bonhomme qui regarde les couples avec étonnement et mélancolie légère, comme un martien regarderait des tournesols. Ils ne sont pas moches du tout, ils attirent les insectes et les peintres, mais sans cela quelle utilité ont-ils ?"



La dernière page lue, je n'ai pu m'empêcher de me demander s'il n'aurait pas mieux valu, que ce pauvre Gidéon Rottier, cultivé mais pas très beau et surtout bègue, ce qui ne facilite pas son rapport avec les autres, reste en effet solitaire, avec pour seule compagnie Hannibal, son coq apprivoisé.



Si le roman commence bien, avec beaucoup d'humour, notamment avec la description des boulots que Gidéon a fait, parfois tout à fait provisoirement avant de trouver le job qui lui convient parfaitement, la situation bascule rapidement vers une sorte de huis-clos franchement pénible à lire.



Son collègue de travail, Youssef, un réfugié du proche-orient, lui a sauvé la vie. Gidéon l'hébergeait déjà dans sa grande maison vide. Puis l'épouse de Youssef, Karima, sa fille Loubna et son fils Rafiq arrivent.



Au fil des ans, alors que les troubles civils et les attentats se multiplient, la situation va pourrir de plus en plus, et se manifestera jusque dans cette maisonnée.



Je me suis laissé tenter par ce livre dans le cadre d'une opération promotionnelle récente d'eBooks. Vous l'avez compris, je n'ai pas été très convaincu par ce roman lourd, morose et répétitif.





Commenter  J’apprécie          251
La langue de ma mère

Voilà le genre de bouquin qui m’a fait m’interroger sur mes motivations à accumuler les heures de lecture …



Bon, ce roman, c’est avant tout un catalogue de belgitudes assez exhaustif. Même les plus aguerris et les plus chauvins de mes compatriotes (un Belge chauvin, ce n’est pas un oxymore, ça ?) en éprouverait de la nausée, à en être dégouté des galettes De Strooper, des tasses de chicorée Pacha et du genièvre au citron de Wortegem. Trop is te veel.



Tom nous narre la vie de sa petite maman chérie, après moultes hésitations sur ce droit ou ce devoir, lui-même ne sait pas trop, qui semble lui incomber, à lui l’artiste de la famille. Ça grouille de détails inutiles, de descriptions étoffées et de réflexions nombrilistes dont je me serai bien passé.



C’est aussi plat que notre pays commun, à Tom et à moi. Le seul mérite de ce bouquin, outre le fait bien sûr de m’interpeller sur ma soif irrépressible de lire, ce sera d’être resté honnête (ou en tout cas d’avoir tenté de le rester) avec les faits. Tom Lanoye raconte les choses comme elles sont sans les enjoliver. Il ne fait pas de sa mère une héroïne, mais le portrait d’une femme ordinaire, avec ses charmes et ses travers, qui a mené une vie somme toute très ordinaire. Une vie qui aurait pu être la mienne, voire qui lui ressemble peut-être un peu. Beaucoup même …

Commenter  J’apprécie          230
Gaz - Plaidoyer d'une mère damnée

Livre reçu dans le cadre de la Masse Critique de janvier. Merci donc à l'éditeur (qui a eu quelque mal à l'envoyer puisque reçu hier !) et à Babelio.

Oui oui je l'ai reçu hier et déjà fini. "Gaz" est un texte très court, un monologue qui a pour vocation d'être joué au théâtre. Oh quel rôle magnifique pour l'actrice de cet unique rôle : celui de la mère d'un jeune homme, radicalisé, qui a fait faire exploser du gaz dans un métro, assassinant de multiples malheureux et mort dans cet attentat-suicide.... Une mère qui s'interroge, sur elle, sur lui, sur son amour de mère, sur sa douleur, sur la société....Un texte utile, qui interroge, qui peut mettre mal à l'aise. Ca doit donner une belle pièce de théâtre à voir.

Mais voilà j'ai eu le sentiment de trop court. le texte reste à l'état de réflexions, de questionnements, il m'a manqué un peu plus de profondeur. S'agissant d'une commande faite à l'auteur d'une pièce, ce texte répond au contrat fixé. Mais peut-être pas à mes attentes.
Commenter  J’apprécie          210
La langue de ma mère

Tom Lanoye avait plus ou moins promis à sa mère d'écrire un livre sur elle , c'était son désir à elle , elle trouvait que quand on est un écrivain de talent , on doit écrire sur ses parents , c'est à la fois , un hommage et un dû , n'est ce pas tout de même un peu grâce à elle qu'il est ´ arrivé ´ .

Ce livre l'auteur finira par l'écrire mais après la mort de sa mère , après la mort de son père même qui lui survivra deux années après la mort de sa femme . Entre le fils et le père , il y a également un petit jeu , le père espère pouvoir lire enfin ce livre tant attendu , hommage à sa femme qu'il ne cessera d'aimer toute sa vie , maintenant qu'elle est morte , il espère que le livre sera écrit avant sa mort .

Mais le livre ne sera pas écrit à ce moment , comme l'auteur nous le confie , écrire c'est aussi détruire , mettre à nu , ce n'est pas son genre d'embellir les souvenirs et c'est pour cette raison que le livre ne pourra être écrit qu'après la mort du père .

Puis commence le récit en lui - même où l'auteur nous promet de tout dire , travail tellement difficile qu'il le remet sans cesse , lorsqu'en enfin le livre se

met doucement en place , l'auteur comme il le dit lui - même tourne autour du pot , du pot belge rajoute - t - il , en nous expliquant que c'est tout à fait belge de faire des digressions, en lisant ça , j'ai pensé que j'étais une bonne représentante de notre belgitude .

Le titre la langue de ma mère fait référence à la langue maternelle , celle qui nous marque et évidement puisque c'est le vif du sujet , à la langue perdue , la mère de l'auteur étant atteinte d'aphasie dans ces vieux jours , victime d'une première attaque cérébrale , annonciatrice de nombreuse crises jusqu'à celle ultime qui va entraîner ( enfin ) sa mort .

Que dire de ce roman ? Je dois dire qu'ayant lu Les boîtes en carton que j'avais adoré , j'ai été déroutée par moment par l'écriture , il y a des passages où je me suis dit ´ oh comme je suis déçue , on m'en avait dit tant de bien....´ , et puis quelques jours à peine après ma lecture , je sens que le roman est en moi et qu'il va y rester un bon moment , et ça c'est très bon signe , va veut dire que le roman m'a touchée profondément malgré ses défauts .

Et puis oui j'en attendais beaucoup , peut - être un peu trop , l'auteur c'est le moins qu'on puisse dire ne fait pas dans la facilité , il n'essaye pas de nous émouvoir à tout prix , à nous arracher des larmes , ceci étant dit , avec le recul , je me rends compte que c'est ce que j'aime , l'absence de mièvrerie , je m'en passe très bien de là mièvrerie .

A certains moments l'écriture paraît sèche , froide mais justement ça met le récit en valeur .

Cette mère , hyperactive , femme de boucher dans un petit village flamand , maman de cinq enfants , qui adore parler , a le sens de la repartie avec n'importe qui en face d'elle , va jouer les rôles principaux dans la troupe de theatre local , cette mère va subir la pire des punitions pendant sa vieillesse , perdre la parole , pire , parler un charabia incompréhensible , ce genre de punition qui tombe de façon aléatoire sur nous pauvre mortel , qui nous atteint dans ce à quoi on tient le plus au monde , dans ce cas , pour la mère , la parole .

L'auteur nous explique très justement que dans la vie , on ne peut pas toujours tenir nos promesses , dans ce cas précis , la promesse de ´ faire quelque chose ´ si la mère était atteinte d'une maladie qui lui ferait perdre sa dignité , oui dans ces cas nous sommes souvent lâches , mais peut - il en être autrement , n'y a - t - il pas encore l'espoir qui nous permet de ne pas tenir de promesse ?

Non seulement la mère devient aphasique mais lors du symptôme inaugural de l'atteinte cérébrale, elle va s'en prendre de façon violente à son mari , lui le seul homme de sa vie , lui l'amoureux transi de toute une vie , ce couple qui n'a jamais embrassé d'autres lèvres , et voilà que la maladie vient chambouler tout ça de façon dramatique .Et la mère doit être placée , nouveau choc pour ce couple uni .

Tableau de famille heureuse non exemptée de malheur , le couple ne perdra - t - il pas le fils qu'on appelle son plus difficile , fils trop pareil à sa mère pour s'entendre avec elle , qui décèdera d'un accident de voiture à l'âge de 32 ans.

Tableau réaliste de la mère , qui travaille sans relâche , qui aime le travail bien fait , les efforts pour se surpasser , qui est aussi comédienne à la ville que sur les planches de son théâtre , qui acceptera plus facilement que son fils ne l'imagine l'homosexualité de son fils , ah comme le dialogue est savoureux à ce moment du roman, quelle analyse pertinente sur l'acceptation de l'homosexualité et le contexte de la jeunesse des parents , on est toujours conditionné par notre enfance dit l'auteur .

Oui il y a bien des défauts dans ce livre mais il y a surtout une analyse pertinente de ce qui s'appelle la vie , cette vie sur laquelle nous n'avons pas toujours prise , qui nous blesse où ça fait mal .

Encore un dernier mot avant de terminer cette longue critique , comme dans Les boîtes en carton , l'auteur décrit avec minutie les personnes qu'il a côtoyé enfant , oh quel talent ces descriptions , ça m'a marqué , l'époque , les personnes , tout est retracé avec talent , moi j'avais oublié les pièces de vingt cinq centimes , voilà c'est le mot de la fin .





Commenter  J’apprécie          203
Les boîtes en carton

« Ceci est la relation d’un amour banal et de son pouvoir dévorant. » Ainsi commence Les Boîtes en carton, roman largement autobiographique de Tom Lanoye, tout comme La langue de ma mère. Si, dans cet opus, l’auteur explique comment ses parents ont accueilli son homosexualité, ici il raconte comment celle-ci s’est révélée à lui quand il était enfant.



« Ceci est la relation d’un amour banal et de son pouvoir dévorant. Il m’est tombé dessus au début des années septante dans la très laide ville provinciale de P. L’objet de cet amour : celui que je puis maintenant, depuis trois ans à peine, qualifier de gars parfaitement ordinaire, mais qu’avant cela j’ai appelé dans mon for intérieur de tous les noms que le monde ait jamais inventés pour désigner tout ce qui est inaccessible et ardemment désiré, tout ce qui vous défie et déchire, tout ce qui est beau et dingue à la fois. Son vrai nom était Z.



Je l’ai rencontré pour la première fois à l’âge de dix ans. Je m’en souviens avec précision, notre rencontre eut lieu lors d’un voyage organisé par la caisse d’assurance maladie. Pas que Z. ou moi fussions incurables ou même très légèrement tubards. C’était un voyage offert à un prix ridiculement bas à tous les garçons de dix ans dont les parents étaient assurés contre maladies et mutilations. Officiellement parce que l’organisation espérait que ces enfants grandiraient dans la prospérité et la santé éclatante. En réalité parce que cette caisse, qui avait pour nom Mutualités Chrétiennes, était engagée dans une concurrence forcenée avec l’autre caisse, celle des sans Dieu, les Mutualités Socialistes. »



Tom, le narrateur, construit son roman en quatre parties, quatre boîtes en carton qui ont jalonné son enfance et son adolescence : la valise en carton fournie par la Mutualité chrétienne pour son premier camp de vacances en Ardennes à l’âge de dix ans, l’année où il rencontre Z. (l’occasion pour Tom de parler des femmes de sa vie : sa soeur aînée qui l’adorait, Wiske l’amie de la famille devenue sa presque soeur, sa marraine Pit Germaine et sa magnifique logorrhée verbale et bien sûr, Josée, sa mère chérie), la deuxième valise lors du camp en Suisse à quatorze ans, alors que Tom explore jusqu’à plus soif les joies et les douleurs du « plaisir solitaire » (il y a des scènes à hurler de rire – épatant ce qui se passe dans la tête d’un jeune ado) ; la boîte à photos et la boîte à archives du collège catho où Tom et Z. se retrouvent dans la même classe (on est dans les années soixante et les curés font semblant d’évoluer avec leur temps) et nouent une amitié qui sera source d’éblouissements et de douleurs profondes pour notre écrivain en herbe : c’est aussi le temps des blagues potaches, des profs marquants (des curés sobrement surnommés le Boche le Jap et Mussolini, ce dernier étant la plume du mouvement flamingant, tous éveillant leurs étudiants à la littérature flamande et universelle), le temps d’un voyage scolaire en Grèce qui cristallisera toutes les attentes de Tom.



C’est un roman qui évoque une tranche d’histoire de la Flandre et de la Belgique, un roman d’initiation, de formation, humaine, amoureuse et littéraire, un roman qui m’a parlé (il y avait une de ces valises en carton à la maison, ma mère y rangeait les boules et les guirlandes de Noël, moi aussi je suis allée en colonie de vacances avec la Mutualité chrétienne – à la mer, les Wallons allaient à la mer, les Flamands en Ardenne – et en Suisse l’année de mes quatorze ans) et dont la fin m’a touchée par le lien qui unit Tom Lanoye à ses lecteurs et par son humour.
Lien : https://desmotsetdesnotes.wo..
Commenter  J’apprécie          190
Les boîtes en carton

La première boîte en carton c'est la valise du voyage en Suisse organisé par les mutualités chrétiennes , valise donnée à tous les participants , jeunes garçons de 12 ans , c'est le début des voyages , c'est le moment de la grande rivalité entre les mutualités chrétiennes et socialistes .

Puis d'autres boîtes en carton vont suivre puisque l'auteur nous avoue ne rien jeter , il a de nombreuses boîtes d'archives qui contiennent les souvenirs de toute une vie .

L'auteur nous parle de sa famille , des femmes de sa vie qui sont sa maman , une de ses tantes Pit Germaine , une amie de la famille Wiske avec qui il partage l'amour du cinéma , et enfin la quatrième sa soeur pour qui il est une poupée vivante .

Il n'y aura pas d'autres femmes de sa vie puisque l'auteur annonce la couleur tout de suite , il est homosexuel .

Il nous raconte l'histoire de son premier amour où plutôt devrais je dire de son premier chagrin d'amour .

Oui il y a des scènes de sexe , enfin plutôt de nombreuses descriptions de masturbations, elles peuvent déplaire , pourquoi pas , mais moi je trouve qu'elles ont leur place dans le roman.

Ce livre est si bien écrit que j'ai ressenti pendant toute ma lecture que je lisais un texte d'une qualité exceptionnelle, tout est décrit avec un oeil acéré , un sens du détail qui m'a enchantée , ce qui m'a sauté aux yeux aussi c'est la narration des souvenirs d'enfance , rien n'a été oublié

Oh ces descriptions minutieuses des différents profs au collège , les laïcs et les prêtres , l'introduction du changement comme les laïcs justement dans l'école , l'auteur a un talent qui m'a plusieurs fois émue aux larmes à plusieurs passages de ma lecture .

Je ne sais si je peux faire cette comparaison mais tant pis j'ose , il m'a semblé qu'il y avait du Philip Roth chez l'auteur , le sens aigu des descriptions , le côté sexe .

Et puis il y a une tendresse incroyable qui se dégage du texte , tendresse qui côtoie en proportions parfaites une critique de la société flamande , oh les pages sur le Tour d'Ypres , les dernières pages sur les critiques des vétérans au club de gymnastique, c'est si juste .

Oui beaucoup d'émotions , une écriture à la hauteur de mes espérances les plus folles , première et oh pas dernière incursion dans cette littérature du Nord du pays , chez nos frères si proches et si différents à la fois ' les flamands ' , d'où cette impression bizarre d'être dans un autre pays quand on franchit la barrière linguistique, petit pays étrange , surréaliste avec ses latins et ses germains , oh me reviens à l'esprit l'anecdote hilarante sur l'emploi du mot escargot sur les cartes des restaurants en Flandres , oui justement j'allais oublier cet ingrédient magique également commun à Philip Roth , l'humour , l'auto dérision , ne la manie pas qui veut .

Je viens de terminer ce livre et j'écris ma critique tout de suite , heureuse , les mots viennent tout seuls , je ne me relis pas , j'aime écrite mes premières impressions comme ça vient spontanément et je me sens un peu vide , un peu triste aussi , il y avait si longtemps que je n'avais plus été étonnée , titillée , secouée par des mots .

Je ne recommande pas ce livre , il ne plaira pas à tout le monde , j'ai lu dans une autre critique que cette lecture faisait partie du programme scolaire en Flandres et bien chapeau

Une envie dingue , irrépressible de continuer ma découverte de l'auteur ainsi que d'autres écrivains de langue néerlandaise , moi qui jusque présent n'avais lu que le célèbre ' le chagrin des Belges ' d'Hugo Klaus , ah oui j'oublie Tiel Ulenspiegel que j'avais adoré

Encore un petit mot , j'ai beaucoup hésité à rejoindre un club de lecture mais qu'elle bonne idée j'ai eu , que de bonnes découvertes littéraires grâce à ces passionnés ( ées ) .
Commenter  J’apprécie          192
Les boîtes en carton

J'ai entamé ce livre autobiographique avec grand plaisir car il est plein d'humour et d'ironie, j'ai aimé la description de l'enfance de l'auteur, des femmes de sa vie, de son collège catholique ("la boîte") et de ses principaux professeurs.

J'avoue avoir abordé avec plus de réticences la description très franche de ses masturbations et de son amour pour un garçon de son âge car cette description est absolument sans fard ni tabou, mais ce ne fut que passager, je suis passé outre et je ne le regrette pas !

L'amour qu'il décrit a tout de l'amour universel avec ses sentiments, ses tourments, ses passions et ses désirs.

L'auteur s'adresse à plusieurs reprises directement à nous.
Commenter  J’apprécie          191
Gaz - Plaidoyer d'une mère damnée

Décidément, les écrits de Tom Lanoye ne me laissent pas indifférent...

Cette pièce de théâtre met en scène une mère, la mère d'un djihadiste qui a perpétré un attentat au gaz faisant de nombreuses victimes et d'une decapitation avant de se faire tuer.

Ce long monologue retrace toute la vie du fils qu'elle a mis au monde, sa grossesse, la naissance par césarienne, l'enfance, l'adolescence, l'addiction à Internet, et enfin son départ de la maison.

Elle l'a élevé seule, avec amour, et, effondrée, ne peut comprendre ce qui a fait de lui ce monstre, est-elle responsable ? Pourquoi n'a-t-elle rien vu ? N'a-t-il fait cette abomination que pour rechercher la célébrité, maladie de notre époque, tel Érostrate boutant le feu au temple d'Éphèse ? Elle n'apporte pas de réponse à ces questions mais nous fait ressentir de l'empathie pour elle. La société la juge, mais qu'a-t-elle fait de mal ?

Thème cruellement d'actualité...

J'aimerais voir cette pièce au théâtre. Quel beau et émouvant rôle de femme !
Commenter  J’apprécie          180
La langue de ma mère

Que faire quand on est le petit dernier d'une tapée d'enfants, homosexuel et fils de Josée, une maîtresse femme psychorigide et confinée dans la terreur du qu'en dira-t-on? Que dire quand on est un des dramaturges flamands les plus connus et que votre mère, bouchère de son état, devient à plus de soixante ans, la star des théâtres locaux? Que dire, qu'écrire enfin quand votre mère, frappée par une attaque, perd la parole et la tête, et se met à baragouiner une langue infernale?



D'abord, Tom Lanoye est désorienté, il tourne autour du pot (belge) et le récit sitôt commencé s'enlise dans les circonlocutions et détours. Démarrage un peu lent, hasardeux, limite décourageant...



Puis lui aussi il attaque:après la mort de sa mère et celle de son père, un tendre et doux boucher, amoureux transi de sa Josée jusqu'aux dernières heures, il écrit enfin sans plus aucune pression parentale et avec ce mélange de truculence et de tendresse qui est sa marque, le livre d'une mère qui est à la fois un monument d'égocentrisme et de manipulation, mais aussi une personnalité d'une vitalité folle , puissamment originale et libre.



Moins provocateur et caustique que Troisièmes noces, plus authentiquement sincère -agacé, exaspéré, attendri, admiratif, Lanoye joue toute la gamme- La Langue de ma mère est un livre attachant.



J'ai regretté pour ma part que le style flamboyant de Lanoye ne se soit pas frotté davantage à la " langue infernale" de Josée après son attaque: il l'évoque "een beetje" ( un peu, la seule expression qui demeure identifiable dans le sabir de Josée, et qu'elle utilise à l'envi), il la décrit, mais reste à distance comme si, même sur le papier, elle continuait de lui faire peur...
Commenter  J’apprécie          141
Troisièmes noces

Disons-le d'emblée: Troisièmes noces est un traitement de choc.



Voilà un auteur qui ne mâche pas ses mots, qu'il s'agisse de sexe, de bagarres, de décrépitude ou de douleurs physiques. Ni pudibonderie, donc, ni sensiblerie: Maarten, le narrateur, est un homosexuel cynique qui jette sur le monde et sur lui-même un regard sans complaisance et ne se dore jamais la pilule.Et il en prend beaucoup, au propre et au figuré, des pilules....



Malade- le Sida, sans doute, qui achève son travail de sape sur son corps épuisé- il sait que ses jours sont comptés, son compagnon de toute une vie, Gaétan, est mort depuis quatre ans, sans qu'il ait eu le courage de l'aider à abréger ses douleurs, son vieux père qu'il déteste cordialement, est dans une maison de retraite - alors plus rien ne le retient vraiment d'évaluer les autres à l'aune de ce qu'il pense de lui-même: pas grand' chose de bon..



Il s'embarque pourtant sans trop savoir pourquoi (l'argent? le jeu? un visage qui brusquement retient son regard blasé?) dans une affaire de mariage blanc ...avec une "négresse", la belle Tamara, débordante d'envie de vivre. Une Warrior, elle.



Tracasseries héroï-comiques de l'administration, soucieuse de dépister une arnaque aux lois de l'immigration, mariage -après un intermède primesautier avec un giton plein de piercings- visite au père, agression dans un tram, passage dans une ancienne colonie de vacances devenue centre fermé pour les immigrés illégaux...



Le mariage blanc avec une Black sexy a finalement un grand pouvoir de divertissement sur notre héros en bout de course. Un grand pouvoir sur les réminiscences de sa vie passée, aussi, qui se tisse avec justesse dans cette trame nouvelle.



Et le ton ironique, les aphorismes cyniques cachent de plus en plus mal une sorte de grâce toute laïque : avec Tamara, Maarten accède à sa propre humanité, il l'accepte et s'en trouve sinon changé du moins apaisé.



Il peut aller au devant de ce qui lui reste à vivre.



Un livre étonnant, qui fait rire, grincer des dents, qui peut aussi choquer certaines sensibilités ou certaines pudeurs, un livre talentueux et marquant, en tous les cas!



Je ne l'ai, pour ma part, jamais trouvé vulgaire ou heurtant, tant il est bien écrit-et bien traduit.



C'est surtout un livre d'une grande pudeur, où la crudité - celle des scènes finales, en particulier- la désinvolture du ton, le cynisme de la pensée , sont des défenses qui masquent -de plus en plus mal- une empathie vraie pour les laissés pour compte, les exclus, les vieux, les immigrés, les malades, hommes et femmes, victimes et bourreaux, jetés dans un jeu cruel qui les broie avec une sorte de délectation et qui s'appelle la vie.







Commenter  J’apprécie          142
Gaz - Plaidoyer d'une mère damnée

Quelle oeuvre opportune pour le temps présent !



Il y a plus d'un an, cet auteur belge flamand, a été invité à produire, sur commande donc, une oeuvre pour la commémoration de la première attaque au gaz, durant la première guerre mondiale. Il a produit une brève pièce de théâtre, un monologue, celui d'une mère dont le fils qu'elle a élevée seule et qu'elle aimait tant, s'est fait exploser ! Quelle souffrance pour cette mère.... aussi !



C'est magistral ! En néerlandais.



L'oeuvre vient d'être traduite en français après les attentats de Paris et question que j'aimerais poser à l'auteur, le traducteur, attitré de l'auteur, lui-même parfaitement bilingue, a transformé le texte. Par petits ajouts ça et là. J'imagine que c'est avec l'accord de l'auteur. Car cela change les nuances du texte.



Les personnes qui ont lu l'oeuvre uniquement en français la trouve tout autant puissante et parlante.



Vous aurez compris que, personnellement, je suis restée sur ma faim pour la traduction. Mais qu'importe lisez, et faites-lire ce texte, surtout les professeurs. C'est un excellent sujet de débat.
Commenter  J’apprécie          120




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Tom Lanoye (231)Voir plus

Quiz Voir plus

Quiz sur des classiques connus

Victor Hugo:

Atlantide
Notre-Dame de Paris
La mer rouge

20 questions
12664 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}