C'est seulement quand l'infirmière ouvre la porte d'un petit vestibule qui donne accès à la salle 1 que je m'arrête, je regarde mes mains, j'écarte les doigts, j'essaie de me rappeler le visage de Karin, mais quelque chose reste flou, il manque certains traits, la sensation dérangeante que je ne l'ai pas revue depuis des années.
Un contact s’instaure avec le passé qui est au-delà du souvenir. Un simple élastique ou quelques crochets tordus pour accrocher des tableaux peuvent donner l’impression, une fois dans le creux de la main, d’être irremplaçables.
[…] tu me regardes et racontes qu’il existe un certain type de réalité qui est proche de la mort, un état qui élimine toutes les protections, jusqu’à ce qu’on soit obligé d’affronter la vie sans espoir de réconciliation, je ne te comprenais pas, je te comprends, mais tu n’es plus là, un rien au-delà de tous les sens, et j’ai appris à vivre dans un état de froideur où je n’attends plus rien.
L’appartement de Karin paraît soudain un lieu de rassemblement pour le silence, quelque chose qui s’est produit à notre insu en l’espace d’une heure à peine, mais la masse de silence dépasse tout.
Vous parlez de souvenirs, ceux-là, peut-être qu’on ne peut pas les perdre, à moins d’être atteint de démence ou de mourir, en même temps on ne peut pas enlacer un souvenir dans un lit.