On croit toujours que nos mères emportent notre enfance quand elles s’en vont, mais on oublie l’adulte qu’elles nous laissent devenir.
Mais la vie aime les bosses. La vie caresse les reliefs, les creux des secrets et les boursouflures des plaies. La vie est une boxeuse qui frappe tous azimuts, hors du ring, hors des règles, hors catégories.
On ne vit que dans l’instant, le futur reste une illusion.
L’absence est une présence envahissante contre laquelle rien ne peut lutter.
Les bleus de l’enfance sont d’inarrêtables marées noires où l’on se débat, on patauge et on s’englue. Que reste-t-il de cette boue à nos semelles une fois devenus adultes ? Quelle trace sème-t-on sur les moquettes de nos présents ?
Parler aux morts, c’est se parler à soi-même avec la larme à l’œil. Un petit apitoiement différé vers un miroir de pierre, toujours la même complainte ancestrale et qui résonne uniquement dans nos propres cœurs. N’avoir peur que de ses peurs, ne douter que de ses doutes, ne pleurer que ses propres larmes.
Vous êtes "les gens". Tout le monde est "les gens". "Les gens", c'est nous tous. Et les réactions que je peux induire sont celles des "gens". Ca s'appelle la pensée commune. Nous sommes tous pareils, formatés à réagir "en fonction de...". Nous sommes tous les ingrédients d'un schéma de pensée vertueux, d'une recette de sorcière. Nous sommes tous à l'intérieur d'un chaudron, brassés, mélangés. Mais aussi tous saupoudrés de condiments : la peur, l'inquiétude, le chômage, l'insécurité, l'égoïsme, la consommation nécessaire, l'élitisme forcené, l'apparence...
Les blessures des autres donnent le goût du sang et nous rendent oublieux des nôtres.
On gêne quand le sourire de celle qui nous donne tout pâlit devant nos ombres. On gêne quand les plus beaux moments de la vie deviennent douloureux. On gêne lorsqu’on n’est pas assez heureux et qu’une petite fille devrait rire aux éclats. On gêne quand on se bat contre soi-même, contre les autres, lorsque se tenir debout est une lutte.
Fuyez la vieillesse ! Fuyez la mollesse ! Fuyez l’apathie confortable et faussement généreuse d’une mer molle aux seins trop plats. Larguez tout, rognez les bouts, dérivez, prenez des embruns et des vagues dans la tronche, de toute façon, vu la vôtre...