- Un peuple surprenant, les Allemands. Non seulement ils ont filmé l'incinération des corps, mais ils ont enregistré la musique de ceux qu'ils s'apprêtaient à brûler. Mon héritage d'Auschwitz: une copie de la bande originale.
- Qui se trouve où?
- Brûlée. (Il appuya sur un bouton, et la musique jaillit des deux hauts-parleurs fixés au mur). Dix-septième symphonie en sol mineur, de Mozart. Pianiste: Max Weill.
La loi appartient à ceux qui peuvent l'acheter. Les gens riches et puissants ne s'asseyent pas sur la chaise électrique, ils ne purgent pas de longues peines dans des prisons surpeuplées, ils ne perdent pas leur fortune au profit des gens pauvres et sans pouvoir.
Je connaissais Herschel depuis vingt ans, j'avais été son associé pendant dix ans, et je ne me rappelais pas l'avoir vu se lier d'amitié avec une femme sans avoir couché au moins une fois avec elle. C'était un de ses principes les plus fermes.
Comme elle était de dix ans ma cadette et aussi infatigable qu'un castor édifiant un barrage, j'envisageai aussitôt quelque marathon acrobatique, un décathlon de la volupté qui me laisserait aussi entortillé qu'un bretzel et m'expédierait tout tremblotant au service des infarctus du New-York Hospital.
En avril, nous étions débordés, submergés. Nous avions des tonnes de dossiers secrets à brûler, des millions en monnaie américaine à rapatrier ou à détruire, des lingots d'or sud-vietnamiens à envoyer en Suisse. Nous avions des stations qui réclamaient notre aide à corps et à cri dans tout le pays, et personne pour nous fournir des avions supplémentaires. L'armée était occupée à évacuer le Cambodge, et Langley refusait de nous prêter ses appareils. Nous devions organiser des opérations d'évacuation à travers tout le Viêt-nam, d'abord pour les Américains, ensuite pour les Vietnamiens; par C-141 le jour, par C-130 la nuit. Nous avons même procédé à l'évacuation secrète de personnes qu'on ne pouvait pas faire partir publiquement.
Nous avons dû faire face à la défaite du Cambodge, à l'effondrement du régime de Saigon; nous avons dû marchander avec les pays qui, l'un après l'autre, refusaient d'accueillir des réfugiés vietnamiens. Nous avions un secrétaire d'Etat qui n'adressait pas la parole au secrétaire à la Défense, un chef de station de Saigon qui sombrait dans la névrose à la vitesse grand V, et un ambassadeur qui y avait déjà sombré. Les forces nord-vietnamiennes encerclaient la ville, les troupes sud-vietnamiennes tuaient des femmes et des enfants pour monter avant eux dans des avions ou dans des bateaux.