Birdie by Tracey Lindberg | Canada Reads 2016 | CBC
Les mains de Wes étaient aussi brutales que ses paroles. Elle le sait, maintenant: les ecchymoses sur ses seins, les écorchures sur ses cuisses, ce n’était pas seulement de la passion. Ce n’était pas du tout de la passion.
Tous, sauf tante Val, tous enfonçaient lentement leurs doigts dans ses plaies pour lui rappeler ses torts, lui redire que, décidément, on ne pouvait pas compter sur elle. Pendant toute cette année, elle n’a toute simplement rien entendu. Maggie avait déjà quitté son corps ou presque, sans parler de la maison. Bernice était seule et assiégée.
Elle buvait pour se sentir comme elle se sent maintenant, bien emmitouflée dans la couverture en fausse fourrure apportée par Freda, paisible dans son SommeilVeille, capable de percevoir son passé sans le revivre, de le regarder sans qu’il l’engloutisse.
Reconnaître qu’elle était une ivrogne, même à jeûn, c’était insupportable. Après ça, quand le monde entier devenait plus beau et que son armature se ramollissait, ça allait mieux, c’était plus facile.
Au milieu des volutes, Bernice comprend que son corps est lourd de remords. Elle veut l’expulser. Sa coquille recrache le remords. La honte. Le mal-être qui étouffe le bien-être.
À ce moment-là, elle a cru que c’était son aura. Maintenant, elle sait que c’était le sang dans l’eau du bar qui l’avait attiré. Comme un requin.
Ce qu’elle fait de son temps, c’est de plus en plus mystérieux pour elle. Les heures glissent à son insu.
Et ses épaules, voûtées comme si elle avait perdu quelque chose. Un combat. Un ami. Une vie.