De temps en temps, un biot s'éveillait et venait se presser contre le panneau en plastiverre pour les observer. Ce n'étaient pas des êtres intelligents, pas encore. Ce n'étaient pas non plus des droïdes. C'étaient de pauvres monstres que les Qreph avaient développés pour qu'ils les servent et meurent dans la misère.
Han décrocha une petite capsule cargo, qu'il traîna jusqu'à la passerelle centrale du vaisseau. Là, il ouvrit l'un des petits compartiments secrets pratiqués dans le plancher. Il en sortit quelques caisses d'un excellent brandy Chandrilan, qu'il conservait pour soudoyer les responsables des capitaineries des spatioports. Il les passa à Leia pour qu'elle les entasse dans la capsule cargo.
-Qu'est-ce qu'on va faire? demande-t-elle. Les bombarder à coups de tords-boyaux?
-C'est à peu près ça, répondit Han. Ça s'appelle du 'pot-de-vin' volant. Cette boisson est une excellente monnaie d'échange surtout pour un sous-officier qui n'a pas vu la moindre fiche de paye depuis des mois...
La vie et la mort étaient une seule et même chose, parce que les moments ne s'évanouissaient pas, ils ne pouvaient être consommés comme l'air, l'eau ou la nutripâte. Ils existaient sur l'instant et à jamais, et ils s'étendaient sur toute la continuité de l'être, de la même façon que les atomes étaient éparpillés dans l'immensité de l'univers. Et tout comme les atomes se regroupaient en paquets d'énergie que les êtres humains percevaient comme étant la matière, les moments se rassemblaient en paquets de minutes et d'heures formant le passage du temps que les créatures mortelles percevaient.
Ce qui la troublait, c'était Yan. Ou plutôt, l'absence de Yan. Elle se sentait coupable de l'avoir laissé sur Woteba, surtout pour honorer une promesse faite par Luke... Et sachant l'effet que lui faisaient les insectes. Tout ça lui semblait mal. C'était la première fois depuis des années qu'elle voyageait plus de quelques centaines de kilomètres sans Yan, et elle avait l'impression qu'il lui manquait une partie d'elle-même. comme si on lui avait soudain amputé une partie de son cerveau, celle qui faisait des mauvaises blagues, ou comme si elle avait perdu un troisième bras...
Comme pour répondre à son ordre, deux têtes d'épingles scintillantes apparurent dans les profondeurs des pupilles de Han. Elles remontèrent doucement vers la surface, se transformant en petites boules de feu très pâles. Elles jaillirent ensuite par les iris et recouvrirent entièrement les deux yeux, évoquant deux petits soleils crépitant au fond de deux orbites vides.
- Comment pouvez vous tous être Sith ? demanda-t-elle. On nous a enseigné qu’il n’y en avait jamais plus de deux, un Maître et un apprenti.
- On vous a enseigné les coutumes anciennes répondit la voix. Nous ne sommes plus qu’un Sith à présent.
La colère et l'amertume qu'il gardait de la trahison de Vestara se dissipèrent, et il commença à se culpabiliser en songeant qu'il s'en était servi pour cacher ses véritables émotions. en réalité, il en voulait moins à la jeune fille qu'à lui-même. Il avait laissé ses sentiments pour elle -sentiments qu'il ne comprenait qu'à peine- l'aveugler sur sa nature profonde. Elle était née Sith, et cela signifiait que la traîtrise était chez elle aussi naturelle que la respiration chez lui. S'il avait oublié cela, n'était-ce pas plus sa propre faute, que celle de Vestara ?
Leia soutint le regard de Chewbacca avec cette même expression terriblement sérieuse qu'elle avait si facilement tendance à arborer ces derniers temps. Finalement, le Wookie grogna tout doucement en hochant la tête.
Han lui lança un bref coup d'oeil, ouvrant la bouche sous le coup de l'incrédulité.
-Quoi? C'est tout? Elle te dit qu'elle y est obligée et tu ne veux même pas savoir pourquoi?
Chewie haussa les épaules.
-Mais quand c'est moi qui propose un truc, poursuivit Han, tu ne peux pas t'empêcher de discuter pendant des heures!
Zek mourrait plutôt que de frôler le Côté Obscur. C'était l'une des choses qui frustrait tant Jaina à son sujet. Pour lui, c'était vrai ou faux, bon ou mauvais, ce qui rendait chaque choix très simple. Soit vous aimiez une personne, soit vous ne l'aimiez pas. Il n'y avait pas de place pour l'incertitude, pour la confusion des sentiments -pour se demander où était la frontière entre une amie pour la vie et un amour... ou même s'il y en avait un.
Jaina n'avait pas utilisé le nom Sith de Jacen auparavant parce qu'elle ne pouvait se permettre de faire semblant de penser à lui comme à quelqu'un d'autre que son propre frère; parce que lorsque le temps d'agir serait venu, elle savait que ce ne serait pas Dark Caedus qu'elle verrait dans la lunette de son arme, mais son jumeau, Jacen Solo, et si elle n'était pas prête à le tuer, alors ce serait elle qui mourrait.