[...] ... Les bambouseraies de Takekami prenaient, sous le couchant, des teintes orangées. Cette vision, pour Tamae, ne fit plus qu'une avec l'image du ciel, déployé comme une éventail au-dessus de la rivière qui réfléchissait le Daigo.
Une voix se fit entendre.
- "Eh ! Ca va mieux ?"
C'était le batelier à la mine bienveillante ; il approchait son visage de celui de Tamae en lui souriant.
A un moment donné, le bateau avait quitté le cours principal pour se réfugier dans une anse tranquille, à l'abri des vagues. Tamae sentit un vent froid lui caresser le bas du vêtement : elle revint à elle.
- "Ca va mieux ? Eh ! bien, heureusement !" faisait la voix bienveillante du batelier. "C'était une fausse couche. Ton enfant,tu l'as perdu. Regarde un peu comme elle est pure, l'eau de la rivière ! Et regarde : c'est là que tu étais assise !"
Le batelier, une écope à la main, arrosait plusieurs fois de suite le fond du bateau et jetait l'eau sale à la rivière. Du sang déjà coagulé s'était déposé sur la paroi, dans le fond de l'embarcation. Avec un bambou garni de paille en faisceaux, il balayait. Ses mains étaient éclaboussées d'un sang à l'odeur âcre.
- "L'enfant, je l'ai jeté à la rivière ! Il n'y a personne à blâmer ! L'enfant n'avait pas sa place sur la terre ! Et maintenant : tu retournes à Chûshojima ?
- ...
- L'enfant n'avait pas sa place ici. Tu vas reprendre le travail, pas vrai ?" ... [...]