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Citation de Luniver


En général, une communauté qui s'estime dépositaire de valeurs très répandues (les pays démocratiques, disons) établit les limites de ce qu'elle juge intolérable. La condamnation à mort pour délit d'opinion n'est pas tolérable. Le génocide n'est pas tolérable. L'infibulation (pratiquée chez nous, du moins) n'est pas tolérable. Aussi décide-t-on de défendre ceux qui subissent des dommages aux limites de l'intolérable. Mais une chose doit être bien claire: cet intolérable est intolérable pour nous, pas pour «eux».

Qui est ce «nous»? Les chrétiens? Pas nécessairement. Des chrétiens très respectables, même s'ils ne sont pas catholiques, appuient Milosevic. Le plus beau, c'est que ce «nous » (fût-il défini par le traité de l'Atlantique Nord) est un Nous imprécis. C'est une Communauté qui se reconnaît sur certaines valeurs.

Donc, quand on décide d'intervenir en se fondant sur les valeurs d'une Communauté, on fait un pari : il consiste à poser que nos valeurs, et notre sens des limites entre tolérable et intolérable, sont justes. C'est là une sorte de pari historique semblable à celui qui légitime les révolutions, ou les tyrannicides: qui me dit que j'ai le droit d'exercer la violence (et quelle violence, parfois) pour rétablir ce que j'estime être une justice violée? Pour celui qui s'y oppose, il n'y a rien qui puisse légitimer une révolution: simplement, celui qui s'y engage croit, parie, que son action est juste. Il n'en va pas diversement pour la décision d'une intervention internationale.

Une telle situation explique l'angoisse dont nous sommes saisis en ces jours. Il y a un mal terrible auquel s'opposer (la purification ethnique) : l'intervention guerrière est-elle légitime ou non? Doit-on faire une guerre pour empêcher une injustice? Selon la justice, oui. Et selon la charité? Une fois encore, se pose le problème du pari: si avec une violence minimum, j'ai empêché une injustice énorme, j'aurai agi au nom de la charité, comme le fait le policier qui tire sur un assassin fou pour sauver la vie de nombreux innocents.

Mais le pari est double. D'un côté, on parie que nous sommes en accord avec le sens commun, que ce que nous voulons réprimer est quelque chose d'universellement intolérable (et tant pis pour qui ne le comprend pas ou ne l'admet pas encore). D'un autre côté, on parie que la violence que nous justifions réussira à prévenir des violences plus grandes.
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