Citations de Umberto Eco (1504)
L’incrédulité n’exclut pas la curiosité, elle l’a conforte.
Il suffit en revanche de la vue de ce livre pour me [...] découvrir plus malade d'amour que je ne croyais. [...] Par la suite [...] la lecture de ces pages, lorgnées en toute hâte par peur que Guillaume n'entrât dans la pièce et ne me demandât sur quoi je me penchais si doctement, me persuada que je souffrais bien de cette maladie. [...] Avicenne suggérait, comme remède, d'unir les deux amants en mariage, et le mal guérirait. C'était bien vraiment un infidèle, encore que sagace, parce qu'il ne prenait pas en compte la condition de novice bénédictin, condamné à ne jamais guérir. [...]
Heureusement Avicenne, [...] conseillait comme cure radicale les bains chauds. [...] Il y avait d'autres moyens : par exemple, recourir à l'assistance de femmes vieilles et expertes qui passeraient leur temps à dénigrer l'aimée — et il paraît que les vieilles femmes sont plus expertes que les hommes à ce genre de besogne. [...] La dernière solution suggérée par le Sarrasin était franchement effrontée car elle prétendait qu'on fît unir l'amant malheureux avec un grand nombre de belles esclaves, chose fort inconvenante pour un moine. Enfin, me disais-je, comment peut guérir du mal d'amour un jeune moine, n'y a-t-il vraiment point de salut pour lui ?
Quatrième Jour, Après Complies.
Les simples ne peuvent pas choisir leur hérésie, Adso, ils s'agrippent à qui prêche dans leur contrée, à qui passe par le village ou traverse la place. C'est sur cela que tablent leurs ennemis. Présenter aux yeux du peuple une seule hérésie, qui ira même jusqu'à conseiller tout à la fois et le refus du plaisir sexuel et la communion des corps, c'est de bonne règle pour un prédicateur.
- Mais pourquoi ceux qui possèdent cette science ne la communiquent-ils pas au peuple de Dieu tout entier ?
- Parce que le peuple de Dieu tout entier n'est pas encore prêt à accepter tant de secrets, et il est souvent arrivé que les dépositaires de cette science aient été pris pour des magiciens liés par un pacte au démon, payant ainsi de leur vie le désir qu'ils avaient eu de faire part aux autres des trésors de leurs connaissances.
[Voici une belle définition d'Umberto Eco à propos de la posture à adopter par le chercheur.]
La recherche des lois explicatives, dans les faits naturels, procède de façon tortueuse. Devant certains faits inexplicables tu dois essayer d'imaginer un grand nombre de lois générales, dont tu ne perçois pas encore le rapport avec les faits qui te font problème : et tout à coup, dans le rapport soudain d'un résultat, un cas et une loi, se profile à tes yeux un raisonnement qui te semble plus convaincant que les autres. Tu essaies de l'appliquer à tous les cas semblables, à l'utiliser pour en tirer des prévisions, et tu découvres que tu avais deviné. Mais jusqu'à la fin, tu ne sauras jamais quels prédicats introduire dans ton raisonnement et lesquels laisser tomber.
Mon garçon, il est malaisé de départir ces choses-là. La ligne qui sépare le bien et le mal est si labile...
- C'est inutile, ajouta-t-il, nous n'avons plus la sagesse des anciens, elle est bien finie l'époque des géants !
- Nous sommes des nains, admit Guillaume, mais des nains juchés sur les épaules de ces géants, et dans notre petitesse il nous arrive parfois de voir plus loin qu'eux à l'horizon.
Il voulait être fasciné par les choses qui lui plaisaient et non par celles que les autres lui conseillaient.
L'humanité ne supporte pas la pensée que l'homme est né par hasard, par erreur, seulement parce que quatre atomes insensés se sont tamponnés sur l'autoroute mouillée. Et alors, il faut trouver un complot cosmique, Dieu, les anges ou les diables.
La philosophie est le plus beau moyen de régler ses comptes avec la mort .
La bibliothèque se défend toute seule, insondable comme la vérité qu'elle héberge, trompeuse comme le mensonge qu'elle conserve.
Souvent une liste de titres dit fort peu, seul le bibliothécaire sachant, d'après l'emplacement du volume, d'après le degré de son inaccessibilité, quel type de secrets, de vérités ou de mensonges le volume recèle. Lui seul décide comment, quand, et de l'opportunité de pourvoir le moine qui en fait la demande, parfois après m'avoir consulté. Parce que toutes les vérités ne sont pas bonnes pour toutes les oreilles, tous les mensonges ne peuvent pas être reconnus comme tels par une âme pieuse.
Tous les grands écrivains sont des grands lecteurs de dictionnaires : ils nagent à travers les mots.
Prends garde, mon fils... La beauté du corps se limite à la peau. Si les hommes voyaient ce qui gît sous la peau, [...] ils auraient un frisson d'horreur à la vision de la femme. Toute cette grâce se compose de mucosité et de sang, d'humeurs et de bile. Si l'on songe à ce qui se cache dans ses narines, dans sa gorge et dans son ventre, on ne trouvera que tas d'ordures. Et s'il te répugne de toucher la morve ou la merde du bout des doigts, comment donc pourrions-nous désirer étreindre le sac même qui contient l'excrément ?
Quatrième jour, nuit.
Je compris à ce moment-là quelle était la façon de raisonner de mon maître, et elle me sembla fort différente de celle du philosophe qui raisonne sur les principes premiers. [...] Je compris que, lorsqu'il n'avait pas de réponse, Guillaume s'en proposait un grand nombre, et très différentes les unes des autres. [...]
- Mais alors, osai-je commenter, vous êtes encore loin de la solution...
- J'en suis très près, dit Guillaume, mais je ne sais pas de laquelle.
[...]
- Vous ne commettez jamais d'erreurs ?
- Souvent, répondit-il. Mais au lieu d'en concevoir une seule, j'en imagine beaucoup, ainsi je ne deviens l'esclave d'aucune.
Si l'aiguillon charnel se faisait sentir, ils ne considéraient pas comme péché que pour l'émousser homme et femme couchassent ensemble.
- Or donc, si je comprends bien, vous faites, et vous savez pourquoi vous faites, mais vous ne savez pas pourquoi vous savez que vous savez ce que vous faites ?
Le but ce n'est pas de voir à tout prix ou de lire à tout prix, mais de savoir que faire de cette activité et comment en tirer une nourriture substantielle et durable.
La sagesse n'est pas de détruire les idoles, mais plutôt de ne jamais commencer à en créer. (vu à la télé)
Tel que relevé pour "Les fils de la pensée" https://filsdelapensee.ch/
- Fraticelle de mes braies, péteur de minorite ! lui cria alors le cuisinier. Tu n'es plus avec tes gueux de frères ! C'est la miséricorde de l'Abbé qui pourvoira aux enfants de Dieu !
Salvatore s'assombrit et, hors de lui, fit volte-face :
- Je ne suis pas un fraticelle minorite ! Je suis un moine Sancti Benedicti ! Merdre à toy, bogomile de merde !
- Bogomile la ribaude que t'encules la nuit, avec ta verge hérétique, porc ! cria le cuisinier.