De "La Main Gauche de la Nuit", au "Nom du monde est forêt" en passant par "Les Dépossédés", l'autrice américaine de science-fiction Ursula le Guin, disparue en 2018, a tissé une toile narrative complexe d'une grande beauté littéraire et d'une actualité thématique brûlante.
Réflexion sur le genre et féminisme, écologie, inégalités sociales, ce sont autant de préoccupations qui se dessinent subtilement dans l'oeuvre monde de cette touche-à-tout
En compagnie de ses invités, Catherine Dufour, écrivaine de science-fiction et Jérôme Vincent, directeur éditorial des éditions ActuSF, Antoine Beauchamp vous propose de découvrir cette immense autrice qui fut un temps pressentie pour le prix Nobel de littérature.
Photo de la vignette : Dan Tuffs/Getty Images
#sciencefiction #scifi #littérature
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Pour un auteur de science-fiction, il existe un danger qui est tout à fait réel : il ne s'écrit pratiquement jamais de vraies critiques. Les lecteurs, bien sûr, nous font des remarques qui sont merveilleuses et toujours réconfortantes, et nous avons avec eux un rapport extraordinaire. Mais l'écrivain doit presque toujours se contenter d'être son propre critique. Ses textes de mauvaise qualité se publieront tout aussi vite, voire encore plus vite ; les fans le liront, parce que c'est de la science-fiction. Seule la conscience insiste pour s'efforcer d'écrire des textes excellents. À part l'écrivain, tout le monde s'en fiche.
UNE CITOYENNE DE MONDATH.
Au point où nous en sommes, le réalisme est peut-être le moyen qui convient le moins pour comprendre et décrire les incroyables réalités de notre existence.
Discours de réception du NATIONAL BOOK AWARD.
Ged s'était imaginé qu'en devenant l'apprenti d'un grand mage, il aurait immédiatement accès aux mystères et à la maitrise du pouvoir. Il comprendrait le langage des bêtes comme celui des feuilles, se disait-il ; d'un mot, il infléchirait les vents, et il apprendrait à changer de forme à son gré. Peut-être son maitre et lui se feraient-ils cerfs pour galoper ensemble, ou survoleraient-ils la montagne jusqu'à Ré Albi, portés par leurs ailes d'aigles.
Mais ce n'est pas du tout ainsi que les choses se passèrent. C'est à pied qu'ils s'en furent, descendant d'abord dans le Val, puis contournant lentement la montagne par le sud-ouest ; on leur offrait le gîte dans les petits villages, ou ils devaient passer la nuit à la belle étoile comme de pauvres sorciers itinérants, dinandiers ambulants ou mendiants. Ils ne pénétrèrent dans aucun domaine étrange. Il ne se passa rien. Le grand bâton de chêne du mage, que Ged avait tout d'abord regardé avec une crainte mêlée d'espoir, se révéla n'être qu'un robuste bâton de marche, rien de plus.
L'Archimage Nemmerle, Gardien de Roke, était un vieillard ; on disait de lui qu'il était le plus âgé de Terremer. Il souhaita aimablement la bienvenue à Ged, d'une voix tremblante comme le chant de l'oiseau. Sa robe, sa barbe et ses cheveux étaient blancs, et l'on aurait dit que le lent passage des années avait épuré de son corps tout ce qu'il avait pu contenir de lourd et de sombre, le laissant blanc et lisse comme du bois flotté qui aurait dérivé pendant un siècle.
Lorsque leurs regards se croisèrent, un oiseau se mit à chanter, perché sur une branche. À cet instant précis, Ged comprit ce chant, il comprit le langage de l’eau qui tombait dans le bassin de la fontaine, la forme des nuages, le début et la fin du vent qui faisait bruire les feuilles : il eut l’impression de n’être lui-même qu’un mot dans la bouche du soleil.
En fait elle ignorait tout de cette race venue d’un autre monde, et, lorsqu’elle s’aperçut que le lutteur victorieux, le jeune homme svelte appelé Jonkendy, la dévisageait effrontément, elle tourna la tête et eut un mouvement de recul fait de peur et de répugnance.
Dans la ville de Kerguelen, dont le soleil est l’étoile Forrosul, cet homme, Rocannon, avait parlé à Semlé, Dame de Hallan, et lui avait donné le bijou Œil de la mer près de cinquante ans auparavant. Semlé, qui avait vécu seize ans en une seule nuit, était morte depuis longtemps ; sa fille Haldre était une vieille femme et son petit-fils Mogien un homme mûr : pourtant, Rocannon n’était pas vieux. Toutes ces années, il les avait passées à naviguer entre les étoiles. Etrange ? On racontait des choses encore plus étranges.
La plupart des jeunes Anarrestis considéraient comme honteux le fait d'être malade : c'était là le résultat de la prophylaxie très efficace de leur société, et peut-être aussi d'une confusion née d'une utilisation analogique des mots « sain » et « malade ». Ils considéraient la maladie comme un crime, bien qu'involontaire. Se soumettre à l'impulsion criminelle, la reconnaître en prenant des calmants, était immoral. Ils craignaient les pilules et les calmants. En mûrissant, la plupart d'entre eux changeaient d'avis. La douleur devenait pire que la honte.
Pour faire bref, disons que j'avais toujours écrit, et que j'allais bientôt en arriver au point où il allait falloir publier ou capituler. On ne peut pas se contenter de remplir le grenier de manuscrits. L'art, comme le sexe, ne peut pas être pratiqué indéfiniment en solo ; d'ailleurs, l'un et l'autre ont le même ennemi, la stérilité.
("Une citoyenne de Mondath")
Et s’il reste un pan d’histoire sur Aka, vous êtes le membre de mon équipe le plus apte à le découvrir.