Uwe Timm

Du jour au lendemain, les grands, les adultes éraient devenus petits. Une expérience que je devais partager avec beaucoup de jeunes de ma génération. Il y a sans doute une relation entre cette expérience et la révolte estudiantine, anti-autoritaire, dirigée contre la génération des pères.
Des colonnes de véhicules se frayaient passage à travers la ville, jeeps, camions, automitrailleuses encadrant des groupes de soldats allemands prisonniers, dépenaillés et traînant la patte. La profonde réceptivité au mode de vie américain, cinéma, littérature, musique, habillement, ce cortège victorieux tenait au fait que la capitulation sans condition des pères, loin d'être seulement d'ordre militaire, signifiait aussi le bouleversement de leur système de valeurs et de leur mode de vie.

A la surprise des officiers américains chargés des interrogatoires, ces hommes n'étaient pas des brutes épaisses, mais des gens cultivés, connaisseurs en belles-lettres, en philosophie et en musique, qui -on aimerait que ce ne fût pas vrai - écoutaient Mozart et lisaient Hölderlin. Ils étaient d'ailleurs parfaitement conscients de leur iniquité, raison pour laquelle ils avaient tout fait pour dissimuler leurs actes.

Je suis convaincu que nous avons en nous, en notre âme, une partie bien singulière qui est réservée à un autre. Nous y voyons l'idée de notre autre moitié, nous, les imparfaits, cherchons en autrui la complétude. Extérieurement et spirituellement. L'amour signifie surestimer l'autre. L'amour le rend unique, nous rend absolument uniques.