L’olivier de Saint Augustin
C’EST BIEN CONNU. LES LIVRES NAISSENT DES ARBRES…
Extrait 3
On ne le sait pas toujours, mais le crépuscule n’est pas forcément synonyme d’adieu. Voilà pourquoi quand le ciel prend une couleur d’acier, les arbres restent sur la défensive. Leurs feuillages se frôlent à peine et leurs racines ne sont jamais au coude à coude. Cette précaution d’usage a fait ses preuves parmi les conifères et aurait favorisé l’extension d’innombrables forêts. Depuis, il est de coutume chez les arbres de ne pas gêner leurs voisins. L’arbre d’Augustin, lui, a le sommeil si profond qu’il en oublie les offrandes inhumées à ses pieds. Dès le coucher du soleil, on le voit se recroqueviller sur lui-même, ce qui, chez lui, est signe d’un recueillement intense. Au lever du jour, il se redresse et se souvient de sa verticalité première. Mais il faut attendre le milieu de l’après-midi quand le soleil est à son aphélie, pour qu’il soit plus à son aise. À ce moment-là, ses feuilles resplendissent de lumière et sa silhouette élancée retraverse le ciel. En cet instant précis, la mer semble se taire et un bruit léger se fait entendre. « Prends et lis ! » croit-il écouter au loin… Ces mots qui furent ceux d’Augustin sont à présent les siens. La journée s’annonce radieuse. À 2 900 ans passés, l’olivier de Sidi Messaoud est toujours là où il est, sur ce bloc crayeux qui donne sens à l’azur. L’instant d’après, la sève monte sans bruit. Une autre saison s’insinue en lui. L’heure est venue de se sentir en vie et de comprendre toute l’importance d’être arbre…