Elle savait que lorsqu'on voyageait sur les traces du passé les routes en ligne droite n'existaient pas et seuls les crochets, les hasards et les directions contraires augmentaient la probabilité d'arriver à destination.
Mais elle savait bien qu'il n'existait pas de marques extérieures, aucun signe de culpabilité qui d'un seul coup révèle toute une biographie.
Les deux femmes devinrent proches. Leurs rencontres étaient, pour l'une, des promenades dans sa mémoire, tandis que l'autre visitait le musée d'une vie en train de s'évanouir, invitée dans un esprit rempli d'histoires qui avaient pavé son chemin.
Vient un jour où les, années pendant lesquelles personne ne meurent sont terminées, où les enterrements ne sont plus us quelque chose de nouveau, mais font partie des devoirs réguliers de chaque adulte normal et de chaque enfant triste
Quand elle dormait et que les globes de ses yeux se déplaçaient sous ses paupières frémissantes, il se penchait sur elle et il aurait aimé que son crâne soit transparent comme du verre pour pouvoir contempler son rêve.
Autrefois on écrivait : Hic sunt leones sur les cartes pour indiquer les territoires inconnus qu'il valait mieux éviter, et sur les cartes nautiques: Hic sunt dracones. De nos jours, on s'aventure partout sans rencontrer de lions ni de dragons. Ils ont tous disparu, tout comme les taches blanches qu'ils habitaient. De nos jours il faut voyager sur les traces de ce qui disparaît.
Que faisait-on des choses qui avaient disparu de la mémoire, mais qui existaient encore dans le monde, et que faisait-on des choses qui avaient disparu du monde mais qui continuaient à exister dans la mémoire ?
Dans ses conversations, elle répétait souvent qu'accorder la grâce à quelqu'un était une sollicitude non méritée, que les gens tristes possédaient souvent des chiens qu'ils aimaient secrètement, et les gens méchants aussi, et tandis qu'elle disait cela, ses mains reposaient sur les têtes grises des deux chiens de berger.
Il advient quelque chose de dangereux dans l’amour, on lâche l’un contre l’autre la réalité et le mythe. Et pourtant. Si l’on ne craignait pas que quelque chose finissent dans les battements de coeur déréglés et les corps en émoi, pourquoi alors s’aimer ?
L'immobilité n'existe pas. On n'est jamais quelque chose ou quelqu'un suffisamment longtemps pour le rester. Les espoirs se muent en déceptions ou en expériences. Tout se transforme au fur et à mesure que l'on avance et au gré des années d'absence.