Daewoo de
François Bon au Livre de Poche .
Valérie Martin, de la librairie Voyelle (75015 Paris), partage avec vous ce roman-enquête passionnant et toujours actuel. Un roman sur les gens, sur les femmes, un roman sur la crise sociale, écrit dans un style unique.http://www.livredepoche.com/livre-de-poche-3114311-francois-bon-
Daewoo.html
A ce qu'il me semble, bien des gens, spécialement ceux des classes supérieures, passent leur temps à s'efforcer de repousser la tristesse hors de leur vie, et dépensent pour ça beaucoup d'argent, mais sans aucun résultat parce que cette tristesse est là, que l'on soit riche ou pas, et qu'il faut bien l'accepter.
Je ne suis pas naïf au point de croire qu'on peut résoudre les problèmes qui agitent ce monde simplement en créant une école, mais ne sommes-nous pas dans l'obligation de soulager la souffrance dans la mesure de nos moyens ? Et l'ignorance est une souffrance, même si les pauvres brutes qui sont à nos portes ont tendance à l'ignorer. L'école, par sa simple existence, doit être une force au service du bien.
Le feu dans l'âtre avait faibli, mais je n'y prêtais pas attention. Un autre couvait dans mon coeur. Je suis restée tard dans la pièce à l'entretenir, à le nourrir, jusqu'à ce que des étincelles fassent flamber le bois sec de mon ressentiment. Alors j'ai cru être assise dans une fournaise.
On eût dit que le bonheur se dérobait toujours à moi, que j'étais condamnée à le regarder comme derrière la vitrine d'un magasin où tout brillait et me séduisait, mais où je n'avais pas assez d'argent pour entrer.
Elle lutta, retint sa respiration et tenta de se rouler en boule, mais deux forces s'alliaient contre elle : la pesanteur qui la poussait vers le bas et l'aspiration implacable des profondeurs. A mesure qu'elle sombrait, aucune pensée consciente ne traversait son cerveau; son énergie viscérale était tout entière tournée vers sa survie. Elle ouvrit les yeux, cherchant la lumière, mais ne vit que des ténèbres froides et silencieuses.
Enfant, je n'avais pas conscience que Père était un homme remarquable. Quand ma mère affirma que sa mort n'était pas accidentelle, je mis cette accusation sur le compte de sa douleur. Mais aujourd'hui, je pense qu'il devait avoir quantité d'ennemis. Lorsque nous fûmes obligées de renoncer à notre maison et d'aller habiter la ville, je découvris que Père, qui était si fort et si aimant, si sévère et si juste, était le seul rempart entre mon innocent bonheur et le chaos.
Je préfère pour ma part me cramponner à mon indépendance comme un homme à son radeau pendant un ouragan.