Vidéo d'une sculpture (2020)
Heureux celui qui sait se déprendre de ce qu'on lui a fait admettre à force d'images, de slogans, de poncifs formulés et reformulés quotidiennement, comme si tout allait de soi et était la vérité.
Une partie de mon être, rationnelle, prend les mesures et fixe les proportions. Il m'aura fallu des mois de travail pour que mon œil intègre les lois de l'anatomie humaine tant nous déformons ce que nous voyons. La prise en compte de la réalité est une condition préalable à tout acte créateur.
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La terre met l'homme au défit de se taire .
Elle est le silence de la création ,
l'échange de regards ,
le grain de la peau lissée par les doigts qui la touchent .
La terre pétrie , travaillée se passe de mots .
p. 26
Homme de chair
Tu serres encore mais mon esprit est devenu ma chair et je ne sais plus où elle commence et où elle finit.
(p. 66 / "De Terre et de chair ")
Homme de chair
Nous ne savions pas alors que, sans cet amour illimité qui s'incarne une fois dans la vie, rien d'essentiel n'est vécu. Je pense à toutes les formes d'amour. On peut aimer sans limites un frère, une soeur, un ami, un enfant. Mais l'amour entre nous permet de vivre l'unité des corps et le débordement de l'esprit. (p. 83)
Homme de terre
Il règne dans mon atelier un silence absolu et une température idéale. C'est un lieu de retranchement et, sans mes outils, il ferait penser à une chambre de recueillement. Le supplice ne tient pourtant pas aux outils. Il vient de ce que le corps subit dans l'immobilité de la pause. (p. 23)
"Je me sens en paix. A ce moment, ton image disparaît. Il me semble que je t'oublie. Il ne reste que le contact, doux et invisible.
A cela, je vois que l'amour transforme une vie."

"Un ami gravement malade pose pour moi" - page 37
La pièce était bien chauffée et les reflets du soleil sur la peau ravivaient les couleurs du corps intérieurement supplicié. C'était une séance picturale. Les volumes étaient absorbés par la lumière. Le parquet réfléchissait les rayons du soleil et le corps, surexposé, recouvert de reflets d'or, se détachait sur les boiseries sombres. L'ami, assis en tailleur, détendu, s'accordait un temps de méditation sous mon regard complice et protecteur.
A moi de prendre dans la terre la chair atteinte. A moi d'opérer l'alchimie de la guérison, comme si l'acte de création était prière, secrète espérance. Les couleurs chaudes entraient en harmonie : le corps ensoleillé buvait la lumière et rayonnait, la chair se délitait pour donner à la peau un éclat surnaturel. Le corps incarné devenait vision. A ce moment précisément, son regard était tourné vers le ciel, l'implorant d'une muette ferveur. C'était un regard christique, le regard de celui qui vit une dernière fois et qui place dans cette dernière fois toute l'intensité qu'impose le face-à-face avec la mort. La maladie, invisible, était intégrée dans un grand processus de transfiguration.
"[...] il est bon de pouvoir simplement être."
L'amour est une méditation à deux, un chant de grâce, la gratitude ressentie face à ce qu'il nous est donné de vivre.