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Citations de Valérie Toranian (128)


Le matricule à cinq chiffres, tatoué sur la peau des déportés d’Auschwitz. Je savais parfaitement de quoi il s’agissait : ma connaissance de la déportation juive était infiniment supérieure à celle des marches de la mort arméniennes. Je regardais le tatouage en silence. Je me disais que Mathilde avait de la chance. Sa grand-mère, contrairement à la mienne, avait une preuve.
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— Tu l’aimais ?
Comme les enfants qui ne se lassent pas d’entendre la scène augurale de l’histoire d’amour entre leurs parents, je rêve d’un chapitre romanesque pour ma grand-mere, un épisode qui la détache du tragique. Je voudrais équilibrer les émotions de la spectatrice que je suis. Je voudrais qu’au cœur du malheur surgisse une scène d’amour kitsch et rassurante : un coucher de soleil sur le Bosphore.
— Je me suis mariée avec lui parce que Kémal arrivait et qu’il fallait partir. Partir seule pour une femme, c’etait Impossible. Il me tournait autour...
Je vois mon coucher de soleil sur le Bosphore se perdre en mer, torpillé par le pragmatisme de ma grand-mère. Je ne m’y résous pas complètement.
— Mais on dit qu’il était brillant, intelligent, que c’etait Un grand orateur...
Elle consent du bout des lèvres :
— Oui, il parlait bien...
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"Ceux qui ont quelque chose à dire, ils n'en parlent jamais."
Albert Camus
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À l'époque, la vérité était une bataille dans laquelle on prenait des coups. Cent ans après le génocide, elle le reste encore.
 
Ce déni d'Histoire est un nœud coulant qui empêche tout Arménien, non pas de vivre, mais de respirer normalement. Être rescapé des camps de la mort, quand on est juif, doit rendre fou pareillement, mais « on » sait de quoi on parle. Même si ceux qui l'ont vécu sont condamnés à une impossibilité de le dire, et ceux qui les écoutent à une impossibilité d'appréhender avec justesse l'ampleur de l'entreprise d'extermination, il existe une compassion consensuelle face à l'innommable et à la souffrance.
Dans mon cas personnel, je voyais rarement de la compassion, quelquefois de la curiosité, souvent de la suspicion.
Enfant, adolescente et même adulte, combien de fois je me suis retrouvée à me lancer dans de longues explications sur l'Arménie (mais c'est où ?), son histoire (vous parlez arabe ?), le génocide (mais comment ça se fait, c'était quand, combien de morts ?).
Il y a ceux qui écoutent poliment, mais qui pensent qu'on dramatise des événements, certes regrettables, mais bon, c'était la guerre, tout le monde a souffert, et dans les tranchées aussi, c'était dur.
Il y a ceux qui veulent vous confondre : « Mais si ce que tu dis est vrai, comment se fait-il qu'on n'en parle jamais, de ça, en cours d'histoire, qu'il n'y ait pas de film, pas de livres, hein ? »
Quand je tente d'expliquer que les Turcs empêchent toute tentative d'écriture de l'histoire, qu'ils sont puissants et qu'ils ont les moyens de faire pression sur des États, on me soupçonne d'être en crise de paranoïa aiguë. Les Turcs, puissants ? Les gens ne connaissent pas plus la Turquie que l'Arménie, ou plutôt autant la marche turque de Mozart que le papier d'Arménie dans les drogueries.
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Le tragique est beau, le malheur est noble.
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Sur les photos de famille, elle se tient raide, l'air distant, presque froid. J'ai longtemps mis cette expression sur le compte d'une timidité face à l'objectif, mais il n'en est rien. Elle pose en femme respectable. Chacun doit comprendre qu'aucun des drames de sa vie n'a eu raison de ses bonnes manières, héritage de sa mère et de l'éducation stricte donnée aux filles. Sous la chair ronde, un corset de convenances articule son corps dans une vigilance permanente.
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Ma grand-mère est une "rescapée du génocide". Ces trois mots la définissent, la contiennent et l'isolent du reste de l'espèce. Son drame se confond avec elle : c'est une identité et une fin en soi.
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Lorsqu’on n’a plus rien, on est seulement riche de sa respectabilité et de son honneur. On peut revenir de l’enfer, de la mort, de la faim qu’on trompe en mangeant de l’herbe accroupie comme une bête, on peut revenir de la malaria, du typhus, on ne se remet pas d’être une mauvaise femme.
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La lecture ne comble pas ma solitude, elle me bouleverse. 
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- Pour faire le imrig helva, tu fais d'abord chauffer le lait avec du sucre.
- Quelle quantité?
- Atchki tchap... (formule qu'on peut traduire par : tu fais à l’œil).
- Nani, je ne sais pas faire la cuisine à l’œil. Dis-moi les mesures.
- Je ne sais pas. Tu te tromperas et tu apprendras. Ensuite, tu prends de la semoule de blé fine, tu fais revenir dans l'huile et quand elle devient rose, tu verses le lait chaud dessus.
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Chez nous, la joie est éphémère et le bonheur suspect.
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Je lis beaucoup, très vite et tout ce qui me tombe sous la main. La lecture ne comble pas ma solitude, elle me bouleverse. J'accède à l'immense famille humaine. Je suis aux premières loges du théâtre de la vie, peuplé de figures grandioses, mesquines, drôles, haïssables. Je découvre, soulagée, que nous partageons tous les mêmes défauts inavouables et honteux. Je ne suis plus la seule à être envieuse, menteuse, jalouse, hypocrite, chapardeuse. Nous sommes une armée !
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Mesrop ne sait pas s'il préfère quand Aravni fulmine ou quand elle se tait. Son silence est comme une arme blanche. Une pointe en métal qui creuse son foie.
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Mariam examine la gare attentivement, comme si la silhouette de son oncle allait surgir, tel le farfadet des contes qui guide les voyageurs perdus dans les forêts.
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La peur de finir dans les cachots turcs est telle que certains qui ne possèdent pas d'armes en achètent pour les rendre et prouver ainsi leur bonne volonté et leur docilité.
Évidemment, ils sont les premiers arrêtés. Et tous ceux qui n'ont rien restitué aussi. Il n'y a pas de choix gagnant.
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Ma grand-mère est une rescapée du "génocide". Ces trois mots la définissent, la contiennent et l'isolent du reste de l'espèce. Son drame se confond avec elle : c'est une identité et une fin en soi. A mes camarades j'explique d'un ton grave que ma grand-mère "a perdu sa famille, massacrée par les Turcs, alors qu'elle était très jeune, c'était horrible, elle a beaucoup souffert".
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Ils sourient en la voyant arriver. Elle a passé une blouse blanche et une coiffe. Une infirmière pour eux tout seuls, qui va les baigner, les coiffer, les raser, leur ôter leur crasse, quel bonheur. Être propre, c'est déjà guérir.
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Sur l'écran de télévision, Samantha fronce son ravissant petit nez de Sorcière bien-aimée, aux yeux bleus et au brushing impeccable. Je la vénère. Ma grand-mère s'ébahit de ses mimiques. Le merveilleux nous unit.
L'époque est formidable et aucune difficulté ne résiste au pouvoir magique des femmes. Le passé est une cave obscure, peuplée de vermine et de fantômes.
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Le passé est une cave obscure, peuplée de vermine et de fantômes.
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Le seul document personnel en sa possession, qu’elle conservera jalousement jusqu’à sa mort, est un diplôme.
Il n’atteste pas de son identité. Il atteste de sa croyance. Sa croyance naïve en une civilisation où l’instruction et l’éducation pouvaient sauver le monde de ses haines recuites, de son obscurantisme, de sa bêtise. Un monde idéal, rêvé par son mari, où l’homme ne serait plus un loup pour l’homme. Où il serait impossible de se transformer en bêtes sauvages, puisqu’on serait éduqués.
Caché sous sa robe, ce diplôme a été son talisman. Si le progrès et la science peuvent sauver le monde, ils sauveront peut-être Aravni, dix-sept ans, convoi d’Amassia, juillet 1915.
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