Dans ses "Récits de la Kolyma", un recueil de nouvelles écrites après sa libération, l'écrivain russe Varlam Chalamov témoigne de l'enfer des goulags staliniens, auquel il a survécu après une vingtaine d'années de pénitence. L'histoire de Varlam Chalamov a été source d'inspiration pour Gisèle Bienne et Michaël Prazan, invités de Nicolas Herbeaux pour transmettre ce témoignage marquant et essentiel.
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J'ai toujours acheté des livres, ne fût-ce que quelques-uns, ne fût-ce qu'un par mois ou tous les deux mois. Quand je me suis marié, j'ai cru que j'allais pouvoir en rassembler un certain nombre - mes livres à moi, que je pourrais annoter, dont je pourrais corner les pages, des livres que je pourrais serrer, froisser, dont je pourrais caresser la reliure en écoutant ce bruissement plus doux encore que celui des feuilles d'arbres dans une forêt - celui des pages d'un livre.
Les livres sont ce que nous avons de meilleur en cette vie, ils sont notre immortalité.
J'avais du mal à écrire, et ce n'était pas seulement parce que mes mains étaient devenues calleuses, que mas doigts s'étaient recourbés autour des manches de pelle ou de pic et qu'il m'était incroyablement difficile de les déplier.
J'avais du mal à écrire parce que mon cerveau s'était épaissi comme mes mains, mon cerveau saignait comme mes mains. Il fallait ranimer, ressusciter des mots qui étaient désormais sortis de ma vie...
La poésie
Si je ne perds pas mes forces,
Si je puis dire quelque chose,
C'est que tu es ma volonté et ma force.
Là est le sens de mon chant,
Là est l'accusation de mes mots
Et le simple secret de mon être.
Tu conduis mon âme
Par la mer et la terre,
Les plantes et les bêtes.
Tu me protèges des balles,
Juillet, tu me le ramènes,
A la place des décembres éternels.
Tu cherches le bon passage,
Tu portes l'eau fraîche
A ma bouche toute sèche
A toi je suis lié
Par toi irradié
Je vais sans peur dans les ténèbres.
( Cet auteur a passé 22 ans au Goulag...)
" Cahiers de la Kolyma et autres poèmes"
Ce qui fait l’écrivain, c’est la pression qu’exerce sur l’âme le flux irrésistible de la poésie : on dirait que les mots cherchent à fuir un incendie qui se serait déclaré à l’intérieur, qu’ils se précipitent, se ruent sur le papier.
Correspondance avec Boris Pasternak
Le mécanisme qui broyait et tuait semblait éternel.
Ceux qui avaient tenu le coup, ceux qui avaient survécu jusqu'au terme de leur peine, étaient voués à de nouvelles errances, à de nouvelles souffrances sans fin. Le désespoir de n'avoir aucun droit, ce destin irrémédiable, c'est l'aube noire de sang des lendemains.
Mais il n'y avait pas que l'indifférence, l'envie et la peur pour témoigner de mon retour à la vie. La pitié à l'égard des animaux me revint avant la pitié à l'égard de l'homme.
Les conditions du camp ne permettent pas aux hommes de rester des hommes...
Tous les sentiments humains : amour, amitié, jalousie, charité, miséricorde, ambition, honnêteté nous ont quittés avec la chair de nos muscles...
Il ne nous reste que la haine, le sentiment humain le plus durable.
Les livres, c'est aussi un monde qui ne nous trahit jamais.
Le camp était une grande épreuve pour les forces morales de l'homme, pour l'éthique humaine élémentaire, et 99 % des hommes ne la surmontaient pas.
Ceux qui la surmontaient mouraient avec ceux qui ne l'avaient pas surmontée, s'efforçant d'être les meilleurs et les plus fermes uniquement pour eux-mêmes.