Dimanche 10 mai 2009
Rencontre avec le romancier Velibor Colic (dernier ouvrage paru : Archanges, roman a capella, éd. Gaïa 2008) : « Écrire sans pays » dans le cadre du banquet de printemps 2009 intitulé " Exils et frontières"
Velibor oli est un écrivain bosnien vivant en France. Il est né en 1964 dans une petite ville de Bosnie où il perdra sa maison et ses manuscrits réduits en cendres pendant la guerre. Après des études de littérature yougoslave à Sarajevo et Zagreb, il travaille à la radio régionale comme journaliste chargé de rock et jazz. Enrôlé dans l'armée bosniaque, il déserte dès mai 1992, est fait prisonnier mais s'échappe et se réfugie en France au mois d'août de la même année.
Accueilli à Strasbourg par le Parlement des écrivains pour une résidence d'un an, l'écrivain y reste quelque temps puis part s'installer en Bretagne où il vit désormais. Il organise des ateliers d'écriture dans les collèges environnants.
Son premier livre paru en France, Les Bosniaques, décrit la guerre de Bosnie sous forme de petits tableaux voire de croquis d'après des notes prises en catimini sur le front.
Son roman Perdido, biographie imaginée de Ben Webster, saxophoniste de Duke Ellington, se déroule dans le monde du jazz.
En 2008, Velibor oli décide d'écrire ses romans directement en français et publie aux éditions Gaïa Archanges, dans lequel il fait oeuvre de mémoire en évoquant les atrocités perpétrées durant la guerre en Bosnie. Il sera invité pour ce roman au Festival du Premier Roman de Laval.
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" Un exilé est un homme qui est plus ou moins mort quelque part. "
Plus que jamais je suis perdu dans une Europe aveugle, indifférente au sort des nouveaux apatrides. Mes rêves de capitalisme et de monde libre, de voyage et de villes des arts et des lettres sont devenus des mouchoirs en papier usagés, utiles pendant un bref instant mais gênants après l’utilisation. Rien que des cendres. J’ai échangé la fin du communisme pour le crépuscule du capitalisme.
La mélodie existe, mais elle est dispersée, éparpillée un peu partout comme de la poussière d'étoiles, comme le souffle du vent qui, soudain, tourne les pages d'un livre. Elle est jouée avec indolence, nonchalance, si bien que, d'une fragilité cristalline, elle semble inconstante, irréelle telles des lettres tracées sur le sable. Mais le son est clair pourtant.
— Quand on voit les croix des autres, soupire-t-il, on reprend toujours les siennes...
Les rêveurs, conclut tristement Azlan Bathalo, meurent de faim, prouvant ainsi qu'ils ont vécu de leurs rêves.
Je cherche la vraie parole de Dieu, et le curé, visiblement, a autre chose à faire. Dieu pêche les âmes à la ligne, le diable les pêche au filet.
Quand on mange bien, c'est du catholicisme. Et si on n'a rien à manger mais qu'on chante et qu'on danse, c'est du communisme.
Ce livre pourrait encore s'appeler "Les Quatre Saisons", mais elles ont une tonalité beaucoup plus sombre que celles de Vivaldi, elles se jouent sur la partie droite du clavier, la plus triste, accompagnée de la trompette argentée comme le clair de lune de Miles Davis, du jeu mélancolique de Stan Getz, doux et chaud comme la vanille, et d'un solo particulièrement sauvage de Charlie Bird Parker, qui se fiche tel un couteau dans le dos de la nuit.
Velibor Colic
Budapest, 1997-1998
(placé en exergue de Mother Funker)
Hubert Selbie retrouva Paris par un petit matin gris. A travers la vitre sale du taxi, il contemplait les trottoirs mouillés et les devantures des restaurants alsaciens qui jouxtaient la gare de l'Est. Il se sentait du vague à l'âme. C'était un peu comme si un oiseau noir, en route pour sa migration vers le sud, projetait sur son visage son ombre veloutée. p 89
De mon vivant, j’étais de partout et de nulle part, j’étais tout le monde mais aussi personne. J’étais un grand soleil et parfois des nuages ; tantôt l’ombre mais très souvent la lumière. J’étais l’eau fraîche et le sang chaud, l’enfant illégitime de chaque nation. Moustachu, barbu et pieds nus ; j’étais le saint des pauvres et le sel de la terre. J’étais l’oiseau, les percussions et chaque instrument à cordes. Compteur et conteur, poète et chanteur. J’étais celui qui porte le violon sur son épaule ; celui qui rendait vos rêves possibles. J’étais voyageur, fou du roi, paysan sans terre et apôtre, témoin et traître.J’ai fait mille fois l’amour et jamais la guerre.
(...) Une chose est sûre : mon nom est Azlan Tchorelo, Azlan Bahtalo et Azlan Chavoro Baïramovitch et je suis mort ce matin.
Voici mon histoire