La nourriture était rare, mais les deux femmes se préoccupaient surtout d'avoir chaud et, la nuit, elles restaient à parler, pour se protéger l'une l'autre de la solitude et de l'angoisse menaçante. La tribu consacrait bien peu de leur précieux temps au bavardage : ils parlaient pour communiquer, pas pour établir des relations. Elles faisaient donc exception aux habitudes, elles parlaient tout au long des interminables soirées. Elles découvraient chacune les épreuves endurées par l'autre et y gagnaient un respect mutuel. (p.89-90)
Elles ne s'étaient pas bien connues avant d'être abandonnées. Elles avaient été deux voisines rivalisant de jérémiades et échangeant des propos futiles. Là, le grand âge et la cruauté de leur sort étaient tout ce qu'elles avaient en commun. Cette nuit-là, à la fin de leur éprouvant voyage, elles ne savaient pas comment échanger des paroles amicales et chaque femme se repliait donc sur ses propres pensées. (p. 77)
En ces temps-là, il n'était pas exceptionnel de laisser les vieux derrière soi en cas de famine, mais c'était la première fois que cela arrivait dans cette bande -là. L'âpreté de la terre primitive semblait le demander, alors, pour survivre, les humains devaient imiter certaines coutumes animales. A l'instar des jeunes loups, les plus capables, qui rejetaient un chef âgé, ces gens devaient laisser les vieux afin d'aller plus vite, allégeant ainsi leur fardeau. (p.23-24)
Puis je m'avisai de l'importance d'être au coeur d'un grand groupe. Le corps a besoin de nourriture, mais l'esprit a besoin des gens. (p. 86)
Les uns et les autres avaient appris qu'un aspect inconnu de la nature humaine se révélait dans les épreuves. Les autres s'étaient crus forts, alors qu'ils étaient faibles. Et les deux vieilles qu'ont avait jugées les plus faibles et les moins utiles avaient été fortes.
Les rapports s'améliorèrent donc entre les deux femmes et le reste de la tribu. Les uns et les autres avaient appris qu'un aspect inconnu de la nature humaine se révélait dans les épreuves. Les autres s'étaient crus forts, alors qu'ils étaient faibles. Et les deux vieilles qu'on avait jugées faibles et les moins utiles avaient été fortes. Une compréhension tacite s'instaura, et tous se trouvèrent friands de la compagnie des vieilles femmes, auprès desquelles ils trouvaient informations et conseils. Ils comprirent que, pour avoir vécu si longtemps, elles en savaient plus long qu'ils ne l'avaient cru. (p.151-152)
L’obscurité s’avança, le pays devint calme et silencieux. Il fallait beaucoup de concentration pour s’occuper durant ces longues heures. Les deux femmes confectionnèrent force accessoires avec les peaux de lapin, mitaines, bonnets, passe-montagnes. Mais, en dépit de ces activités, une grande solitude se referma lentement autour d’elles.