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Critiques de Vénus Khoury-Ghata (144)
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Les mots étaient des loups: Poèmes choisis

Cette anthologie de la grande poétesse originaire du Liban regroupe quatre recueils : Quelle est la nuit parmi les nuits – Les obscurcis – Où vont les arbres ? – Le livre des suppliques

Pour qui connait l’œuvre de Venus Khoury Ghata, on retrouve ses thèmes de prédilection comme le rappel des chers disparus, le frère poète et interné en hôpital psychiatrique ou encore la figure très présente de la mère qui revient comme un leitmotiv dans toute l’œuvre.

L’imagination de la poétesse se nourrit de sa culture arabo-libanaise, de son enfance et du quotidien. Le lyrisme côtoie le prosaïsme au coude-à-coude, comme dans « inhumations »

« Manches retroussées

Vestes accrochées au noyer

Ils se mirent à plusieurs pour éventrer la terre

Poser la caisse dans le rectangle rouge

Avec midi soleil et sueur »

Elle fait aussi la part belle au merveilleux, comme dans les contes

« Elle lui apprit les vingt et une manières de marcher contre le vent

Et comment se lever avant la lampe sans l’offenser »



Dans « Où vont les arbres ? «, elle mêle le quotidien de la mère aux arbres des jardins et des forêts comme autant d’êtres vivants avec leurs propres sentiments.

« Les arbres bien nés sont frileux… »

« Le saule n’attend aucune consolation »

« morte/ la mère ressembla au tilleul de la place »

Dans « Compassion des pierres », Vénus Khoury-Ghata se penche sur la question « D’où viennent les mots ? » Elle dévide un alphabet poétique. Il y a les mots cri, les mots larme, il y a le premier mot

« Les mots dit-elle étaient des loups » Les mots sont là pour dire le monde mais aussi l’autre côté du monde

« Des mots d’origines obscures qui sont l’ordinaire des morts »



Dans « Le livre des suppliques », Vénus Khoury-Ghata s’adresse à ce frère poète et toxicomane, trop tôt disparu

« Tu es démuni aux moineaux qui attaquent ton figuier et déstabilisent ton échelle »

Et ce dialogue à un mort et beau et émouvant.



Bien sûr, il y aurait encore beaucoup à dire, tant l’écriture de Vénus Khoury-Ghata est d’une grande saveur et d’une richesse inouïe, mêlant prosaïsme et références littéraires.

L’écriture sensuelle et métaphorique de cette grande poétesse est tout simplement sublime.





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Lune n'est lune que pour le chat

Vénus Khoury-Ghata invente une astronomie poétique. Dans ses poèmes, la lune descend à reculons ou tombe dans le caniveau tandis que les étoiles, quand on ne les fait pas rissoler à la poêle, servent « à clouer la nuit sur la voûte du ciel. » On croise aussi d’étranges animaux : un goéland esseulé qui « embrasse la main de la lune », un pivert en colère, une grenouille qui chante faux ou encore un hanneton enfermé dans une lanterne.

Et puis, il y a le chat.

« Lune n’est lune que pour le chat »

Bien visible dans le titre, il se montre plus furtif au gré des pages, s’exposant plutôt dans les dessins pleins de poésie et d’humour de Sibylle Delacroix, des dessins oniriques qui jouent avec la palette des gris et des noirs. On aime l’espièglerie du félin noir comme la nuit.



« Chat qui saute du clocher

N’a pas la moindre écorchure »



Les arbres, le soleil ou la girouette sont des personnages à part entière.

Mais attention, car dans les rêves des « cinq garçons turbulents » il se passe de drôles de choses et « la souris mange le chat »



La poésie de Vénus Khoury-Ghata, vous l’aurez compris est pleine de fantaisie, d’humour et de surprises et on se laisse aller à cette divagation qui nous entraine dans le pays de la poésie où tout est possible.

Un recueil qui se lit et se regarde avec plaisir.

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La dame de Syros

D’abord il y a le bel et élégant objet, le mince livre espace de liberté, de rencontre artistique par-delà les siècles entre Kia, sobre dame de Syros, figurine de marbre blanc sculptée dans les Cyclades il y a environ 4000 ans, et Vénus Khoury-Ghata, écrivain et sensible poète d’origine libanaise, récompensée en 2011 par le Goncourt de la poésie.



Puis vient le récit, poétique et vivant, qui donne la parole à Kia tandis qu’un archéologue la découvre, la tire progressivement de son existence ensevelie et muette.

« Morte pourtant désirée par l’homme qui continue à creuser

le rire de l’archéologue ruisselle sur sa poitrine à la vue de mon pied »



Un très beau récit comme un chant intemporel au-delà de la mort et du temps que l’archéologue aurait libéré par hasard en découvrant cette statuette et que Vénus aurait reçu, capturé grâce à sa plume et sa sensibilité.

« Le sculpteur de Syros m’avait enfermée dans un espace défini

de tout temps

vêtue de nu

je portais mon corps à l’envers dans l’attente du cérémonial imprévisible »



Magnifique et rare rencontre que j’ai savourée avec un réel plaisir tout en admirant la photo de l’oeuvre ingénieusement placée sous le rabat de la couverture qui, une fois déplié, accompagne les réflexions de la Dame de Syros.



J’ajoute que ce livre fait partie de la collection Ekphrasis des éditions Invenit, « Une collection qui invite le lecteur-spectateur à suspendre le temps et à entrer dans l’intimité d’un écrivain à travers la lecture personnelle d’une œuvre. »

Une réussite culturelle et esthétique…à suivre !
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La maison aux orties

Lecture janvier 2019- Emprunt à la médiathèque..



"J'ignore si ces pages deviendront un livre, si mes conversations avec Mie sont utiles pour le déroulement de l'action et si je n'ai pas intérêt à mieux raconter le village maternel, préciser qu'à part les veuves et les chèvres qui dévoraient tout ce qui tombait sous leurs maxillaires, il y avait le poète enterré dans l'excavation d'un rocher qui surplombe le village . Khalil Gibran, auteur du fameux -Prophète- best-seller en Amérique, était revenu se faire enterrer dans le bois où il jouait enfant. (p. 13)"



Récit autobiographique de cette auteure libanaise , née dans le même village qu'un autre poète, Khalil Gibran !...Récit très personnel qui fait comme une suite à un autre texte publié en 1998, "Une Maison au bord des larmes", que j'ai lu il y a très longtemps... le souvenir d'un récit plein de douleur et de chagrins: le frère bien-aimé, enfermé dans un asile; une figure paternelle très âpre et violente...et une Mère-courage qui se bat contre l'adversité, impuissante à aider son fils poète, trop différente et maltraité par le père ....





Dans "Cette maison aux orties", Vénus Khouy-Ghata donne rendez-vos avec son enfance, sa jeunesse, sa famille, son village...dialogue sans cesse avec ses morts... sa mère, son frère, ses amis... l'omniprésence des images de guerre...



Magnifiquement écrit... mais que de chagrins, de cicatrices impossibles à guérir !



L'auteure nous raconte aussi ses amitiés, ses rencontres avec ses pairs, d'autres poètes, écrivains, comme de beaux portraits d'Alain Bosquet, Guillevic... et des lignes très denses sur sa passion des mots, de l'écriture qui l'ont construite, aidée à vivre, fait dépasser les peines infinies apportées par le destin !!



"Les bras chargés de mon Olympia vieille de plusieurs décennies (...) Olympia posée à mes pieds, je signe puis rebrousse chemin vers chez moi. Je continuerai à écrire, même si je n'ai qu'un seul lecteur au monde.

Je ne peux pas me passer des mots, ils sont ce que je connais le mieux dans ce monde. D'un commerce agréable , ils se laissent faire par ma plume, arrivent à exprimer deux avis contraires si l'envie m'en prend , me suivent au doigt et à l'oeil. Une cohabitation vieille de quatre décennies m'a appris à les reconnaître même déguisés sous une autre langue que la mienne. Je connais leur forme, leur couleur, leur odeur." (p. 64)



© Soazic Boucard- Janvier 2019
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La maison aux orties

Livre choisi à la médiathèque du village pour son titre. Besoin de réconfort et c’est ce que représente la maison. Les orties me faisaient penser à l’enfance, la nature.



Mais dans ce récit poétique, la maison aux orties est celle de l’enfance de Vénus. Sa mère analphabète et dépassée par les tâches journalières, laisse le jardin à l’abandon, alors les orties poussent griffant les jambes à chaque passage. Son père, un peu brute sur les bords ne fait que passer dans le récit surtout pour maltraiter le frère de Vénus, jeune homme différent, ne correspondant pas à l’idée que le père se faisait de son fils. Ils sont tous les trois décédés mais restent dans la vie de Vénus, surtout sa mère, qui regarde ses écrits par dessus son épaule en critiquant ou donnant ses avis, elle qui n’a jamais su lire.



Puis il y a Jean son amour, mort aussi, qui ne la laisse pas, il apparaît, lui parle, la conseille. Puis l’amant consolateur qui philosophe et ordonne un peu.



Vénus doit vivre et fait vivre ses morts. ses cris deviennent des écrits, ses chagrins, des regrets.



Comment faire le deuil de tous ces êtres aimés ?



C’est la mort du chat de son voisin, voisin un brin acariâtre et encombrant, qui va délivrer Vénus et lui permettre de laisser partir ses chers disparus.



Très beau texte.




Lien : http://pyrouette.canalblog.c..
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Lune n'est lune que pour le chat

Un superbe envoi de la collection Poés' Histoires! Merci à Babelio et aux éditions Bruno Doucey, que j'aime beaucoup !



" Lune n'est lune que pour le chat

sourcil du ciel sourcil du diable

n'éclaire le chemin d'aucun arbre

n'est utile qu'aux amoureux"....



Ainsi débute cette bal(l)ade d'un chat , la nuit, à travers les poèmes de Vénus Khoury-Ghata, délicieusement fantaisistes, pas toujours faciles d'accès néanmoins pour les plus jeunes, et les illustrations de Sybille Delacroix , que j'ai trouvées pleines de magie : pourtant dans des teintes sombres, entre gris, brun et beige, elles nous communiquent un monde enchanteur, onirique, mystérieux et tendre aussi. Le chat en est le fil conducteur, il apparaît dans tous les dessins. Par contre, je m'attendais à des textes liés également à mon félin favori, et cela m'a un peu déçue qu'il ne soit évoqué que dans quelques vers...



Cela reste un très beau recueil , délicat et imaginatif, déroulant les mots avec bonheur...
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Ce qui reste des hommes

Dans ce roman, deux amies se raconte l’une à l’autre. L’une se rend dans une boutique de pompes funèbres pour acheter un caveau prévu pour deux personnes. Elle a aimé des hommes et il ne lui reste plus qu’à choisir lequel sera installé à ses côtés. Son amie l’encourage dans cette quête.

Donc, son amie Hélène est partie mettre en vente une villa dans laquelle est mort son mari.

C’est un roman qui aborde divers sujets : la mort, le deuil, la solitude et le chagrin. J’ai beaucoup aimé cette correspondance entre ces deux femmes. Une relation très étroite les lie.

Un délicieux portrait de vieilles dames, plein de tendresse, nous est dressé par l’auteure. Elles sont très complices avec une vie bouleversante.

Lu dans le cadre du deuxième Prix Bab’elles de la Librairie de la ville de Sartrouville.

Merci beaucoup à la librairie et aux Éditions Babel – Actes Sud de m’avoir permis de découvrir ce livre.

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Ce qui reste des hommes

Deux veuves et une tombe-double

Dans un roman aussi court que pétillant, Vénus Khoury-Ghata raconte le parcours de deux veuves, la première en quête d'un compagnon pour sa tombe, la seconde passant du bon temps avec celui qui pourrait avoir occis son mari. Loufoque et entraînant!



Voilà une histoire peu banale. Diane, après avoir vécu un épisode traumatisant à la mort de son mari – il a été enterré à la va-vite – décide de prendre les choses en main pour sa propre mort en allant réserver un emplacement dans un cimetière. Son choix va se porter sur un marbre rouge, comme sa robe, mais surtout sur une tombe à deux places. La boutade de son amie Hélène, «il ne te reste plus qu'à trouver celui qui t'accompagnera», va vite devenir une obsession pour la croqueuse d'hommes. Lequel de ses amants accepterait-il de partager son tombeau? Et puis d'ailleurs sont-ils toujours en vie? Comme elle n'a plus de nouvelles, voici Diane en chasse. Si son carnet d'adresses est rempli de numéros de téléphone obsolètes, il peut encore servir grâce aux mentions des rues et des villes et lui permettre de renouer certains fils par trop distendus. Grâce à une concierge, qui a gardé le courrier de son locataire, elle va par exemple en apprendre davantage sur ce sinologue, parti visiter l'Empire du Milieu sur les traces de Révolution culturelle de Mao et la longue marche, et qui pourrait fort bien accepter son étrange proposition.

Hélène, également veuve, regarde cette chasse à l'homme avec intérêt, même si elle a pour sa part choisi de profiter de la vie. Rentrant dans la maison où son mari a été assassiné, elle se retrouve nez à nez avec deux squatteurs qui se sont appropriés les lieux et pourraient fort bien ne pas être étranger au règlement de compte sanglant perpétré là près de deux décennies plus tôt. Surprise mais nullement effrayée, elle va accepter ces deux hôtes un peu particuliers, alors que les voisins commencent à jaser. Mieux, elle les accompagne au casino et règle leurs dettes! Une veuve joyeuse et délirante qui n’hésite pas non plus à pratiquer des séances de spiritisme, histoire de demander leur avis aux défunts. À moins que ce ne soit un fantasme. Car il se pourrait fort bien que son histoire ne soit que littérature, une matière servie à sa copine romancière: «Tu t'es toujours servie de ta vie et de celle de tes amis pour imaginer tes livres. La goutte d'eau devient océan, sous la plume. Que d'amis caricaturés, leur vie fouillée, étalée au grand jour, au nom de la littérature!»

Dans ce subtil jeu de miroirs, Vénus Khoury-Ghata joue avec les codes, avec la fiction et avec ses lecteurs. Ceux qui connaissent un peu sa biographie savent qu’elle a eu deux maris, le second enterré chez des amis après un décès brutal, et un compagnon et peuvent faire le rapprochement avec Diane. Mais ce serait aller vite en besogne, sauf peut-être ce besoin de placer la littérature au-dessus de tout. La littérature qui vous sauve en période de confinement. La littérature et peut-être la présence d’un chat. «Elle oubliait qu’elle était une femme, rechignait à faire l’amour, réservant l’orgasme aux héroïnes de ses romans.» Avec beaucoup d’humour, elle nous offre ce bel antidote à la solitude.




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Lune n'est lune que pour le chat

Si ce n'avait été pour la très jolie couverture, je n'aurais probablement pas sélectionné ce livre proposé en Masse critique Jeunesse, tant je lis peu de poésie. Et comme souvent en poésie, il m'est difficile de parler des textes.



De plus, je ne trouve pas forcément les propos des éditeurs très adéquats : il est plus question ici de mélancolie que de "petit peuple rigolo", plus de tristesse, voire de cruelle ironie ("La grenouille qui chante faux"), que de malice. Quant au côté "cinéma" censé être mis en évidence par des marges noires, je reste fort dubitative... Des textes mis en images ne font pas un film, le cinéma n'a rien à voir avec ça, je ne saisis pas le concept, si ce n'est qu'il est probablement utilisé par la maison d'édition pour attirer un jeune public.



En revanche, je suis d'accord avec l'idée que les enfants peuvent eux aussi lire de la poésie et se laisser porter par des textes qu'on ne leur assène pas à l'école, par exemple, mais qu'ils peuvent s'approprier entièrement seuls, lovés dans leur propre monde. Et si je ne sais pas très bien dire à quelle tranche d'âge correspond le mieux ce recueil, pas toujours évident d'accès, je trouve que la mélancolie, la nuit, peuvent très bien se prêter à de jeunes lecteurs, qu'on n'est pas obligé d'assommer de joyeusetés. Je me souviens très bien que petite, j'écrivais des poèmes avec des titres comme "Les oubliettes" (c'est gai, tiens...)



Un regret : le graphisme général et le manque d'illustrations. Je trouve dommage que chaque double paire de poèmes soit imprimée sur page blanche, et pas sur un fond moins tranché et plus doux qui rappellerait les illustrations. Quant au travail de Sibylle Delacroix (l'illustratrice), c'est ce qui m'a fait aimer le recueil, que je concevais en fait davantage comme un album avant de le découvrir. C'est donc une déception qu'elle ne soit pas mieux mise en valeur, d'autant que la lune, et surtout le chat du titre, sont essentiellement présents par son entremise. L'idée originale, c'est que le chat et la lune apparaissent de page en page presque uniquement pour vous guider de texte en texte : ils sont juste des passeurs.







Masse critique Jeunesse
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Sept pierres pour la femme adultère

Voilà un roman de la chair, celle qu'on cache des regards, celle qui se fend puis enfante, celle qu'on moque, frappe, mutile, blasphème tout en étant sans valeur humaine.

Abandonnée par son amant, son chat mort, une femme part au fin fond du monde dans ce village perdu entre désert et montagne, pensant porter secours à un pays en guerre, mais découvrant un peuple aux moeurs médiévales. Les femmes n'y ont absolument aucun droit, ni celui de se plaindre, ni celui de quitter seules le village, et encore moins celui de se faire violer. Noor, mère de trois garçons, est condamnée à la lapidation mais le sol est trop sec pour qu'on puisse envisager de l'enterrer tout de suite; la lapidation est remise aux premières pluies, qui n'arrivent pas, laissant le village sans culture affamé.

Bien que l'étrangère, membre d'une organisation de volontaires, décide de la défendre auprès des autorités pour que Noor, enceinte suite au viol, ne soit pas lapidée, Noor ne revendique rien; elle se soumet sans révolte à l'autorité des hommes, c'est ainsi que ça se passe. L'étrangère se lie ainsi d'amitié avec elle ainsi qu'avec Amina, vieille fille au bon coeur qui s'inquiète elle aussi pour Noor, allant à sa recherche au delà des montagnes lorsque celle-ci décide de retrouver cet amant d'un jour.

L'étrangère, refusant l'illettrisme des enfants, le statut des femmes dans le village, les exécutions arbitraires, s'attaquera aux moeurs de ce monde mais la machine est bien trop rodée pour qu'elle puisse modifier quoi que ce soit et c'est impuissante qu'elle assistera à la barbarie.

Vénus Khoury-Ghata est d'origine libanaise et a surtout été récompensée pour sa poésie, qu'on retrouve dans ce roman envoûtant, oriental dans son style, mais violent, bouleversant. Il laisse en suspens beaucoup de questions et révèle la complexité qu'il y a à vouloir changer une culture que l'on estime - et est - barbare. L'auteur ne juge pas, ne donne pas de solutions, elle dit, tout simplement. C'est éprouvant, bouleversant. Et pourtant, la naïveté, l'ignorance de Noor et d'Amina sont source de joie et de légèreté.
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Ce qui reste des hommes

Récit fantasque et déjanté de deux amies vieillissantes…tentant de tromper les chagrins de l’entrée dans le grand âge ; comme un pied de nez à la vieillesse et à la mort ! ...



Texte déroutant comparé aux textes « habituels » de cette auteure !



Comme une sorte de rire sardonique pour conjurer la peur du « grand voyage » !

Les deux amies, Hélène et Diane ont des moyens sacrément divergents pour affronter cette grande peur ; l’une, Diane, cherche un homme parmi ses connaissances pour l’accompagner « dans la tombe », Hélène, continue, quant à elle, de cultiver la joie de vivre , en cumulant les aventures amoureuses et sexuelles !



« Trouver un mort prêt à te tenir compagnie dans ton caveau n'excite plus Hélène.

— Tu ferais mieux d'embaucher un vivant, un grand costaud capable de réchauffer ton lit et tout le reste…

Tu égrènes dans l'ordre: ton arthrose cervicale, l'épanchement synovial de ton genou gauche, ta tendinite.

Tu tomberais en miettes si jamais on te touchait.

L'homme parti, on prend un chat.

Argument irréfutable.”



Le ton est donné, deux vieilles amies de longue date, fantasques, irrévérencieuses s’écrivent, s’encouragent dans leur « vies vieillissantes » et solitaires. L’une, Hélène cumule les hommes…pour oublier les atteintes de l’âge ! et la seconde, Diane, cherche le compagnon possible pour l’accompagner dans le lieu du « repos éternel »…



Diane, écrivaine, séductrice née, divorcée et séparée de ses compagnons successifs… se retrouve face à la Vieillesse et la hantise de mourir seule… Et cela va plus loin, elle ne veut pas être enterré seule… Alors elle cherche parmi ses anciens admirateurs et amis, eux-aussi vieillissants, un candidat pour l’ »accompagner au cimetière » , dans la dernière demeure . Et bien évidemment, ce n’est pas évident de trouver le candidat idéal !!! Entre les "disparus" et les "candidats" potentiellement "acceptables"...cela se révèle une entreprise plus "coriace" que prévu !!!



J’apprécie beaucoup cette auteure, mais là, sincèrement, je suis restée quelque peu au bord de l’histoire.

Serais-je trop raisonnable ou effrayée par des sujets abominablement angoissants pour chaque quidam ??



Le mérite de ce court texte est qu’il possède une drôlerie, un humour grinçant, de l’autodérision, de façon éclatante, sur des sujets nous effrayant tous, à différents degrés : les dégâts de la vieillesse, cette volonté des femmes à séduire encore et encore, le refus que la sexualité s’absente irrémédiablement… la perte des gens aimés, et sa propre mort à envisager et à préparer… et sur ces sujets difficiles, Vénus Khouri-Ghata… réussit à faire rire et sourire , avec les mésaventures de ces « deux vieilles dames indignes », fort sympathiques , tour à tour, comiques, « pathétiques » et attachantes !

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La dame de Syros

Que pourrait ressentir une statue de femme vieille de plus de 5000 ans le jour où un archéologue la tire de terre?

Quelle était alors son existence, aveugle, immobile, mais entendant le vent, sentant les tremblements de la terre dont elle est protégée par son cocon, retraçant par le souvenir le pays où elle est née, les parfums des arbres, le ressac de la mer?

La voici, droite, sans yeux ni bouche mais avec tous les atouts féminins, seins et fente du ventre soudée par deux cuisses, et l'archéologue, heureux de cette rencontre, la vêtira peut-être.



"Bras croisés sur moi-même

Je suis ma propre cage

à la fois prison et prisonnière"
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Sept pierres pour la femme adultère

Sept pierres pour la femme adultère nous raconte l'histoire d'une française qui se retrouve a Khouf, une village perdu, pour une mission humanitaire. La-bas, elle fait la connaissance de Noor, qui attend la lapidation, pour avoir été violé par un homme. La française va remuer ciel et terre pour sauver Noor mais rien n'est facile dans un pays ou les femmes n'ont aucun pouvoir.



Venus Khoury-Ghata dresse un beau portrait de femmes, tellement différentes par leur culture mais au final si semblable. La culture orientale et la culture occidentale s'oppose ici en tout points et le dépaysement est total : "Une main te glisse un biberon entre les doigts, une autre t'aide a t'asseoir, cale ton dos avec des coussins, remplace tes chaussures par des babouches confortables. Elles son aux petits soins pour toi. Elles feront pareil pour toute nouvelle accouchée. Un loukoum fourré dans ta bouche pour enlever son acidité au lait. Un verre de jus d'amande pour le faire affluer. Deux gouttes d'essence de fleur d'oranger pour chasser les coliques, et pour la nuit la tisane de pavot, prodigieuse de sommeil." Malgré tout, le lecteur prend en pleine figure les dures lois du pays : lapidation, viol, jeune fille maltraité par leur époux ou par leur père.....



L'auteur a une plume très belle et ne cache rien de toute cette violence. La narration est aussi très surprenante au début car l'auteur s'adresse directement a ses personnages en les tutoyant. C'est parfois un petit peu déroutant mais ça ne gâche en rien cette très belle lecture.


Lien : http://missmolko1.blogspot.i..
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Orties

Orties, rêve d'un songe en lettres de feu.



Ce poème est extrait du recueil "Quelle est la nuit parmi les nuits" paru en 2004. Les éditions Al manar mettent en valeur ce très beau texte de Vénus Khoury-Ghata dans ce livre-objet illustré en page de couverture par la gravure estompée de Diane de Bournazel. Il existe également un autre ouvrage avec de nombreuses planches de dessins qui peut être consulté sur le site internet des éditions Al manar.



Orties fait écho au roman "la maison aux orties" qui m'a fait connaître l'auteure et poétesse Vénus Ghoury -Ghata. J'ai retrouvé le même hommage poignant à sa famille et à son enfance dans un village du Liban.



La grande inspiratrice de l'écriture flamboyante de l'auteure est sa mère défunte qui revient dans ses nuits sans sommeil :



"Penchée au-dessus de mon épaule

la morte analphabète surveille ce que j'écris

chaque ligne ajoute une ride à mon visage".



Arrive le personnage principal du texte, principal parce qu'il se fait entendre par ses bruits et sa colère "la colère du père renversait la maison nous nous cachions derrière les dunes pour émietter ses cris" ;



Les doigts effleurent la cicatrice douloureuse laissée par la mort d'un frère fragile dont la fibre poétique a été violemment atrophiée ;



Les mots écrits sur la page unissent dans le prisme de l'écriture trois soeurs touchées par l'embrasement de la folie :



"Trois soeurs réunies en une seule qui tient la plume

la fait courir sur la page

et la page se met à parler

la page dit :

encrier renversé

lampe brisée

pétrole en flammes

incendie (...)"



Les mots coulent à l'encre rouge des peines et des souvenirs d'enfance indissociables de la guerre et de la violence.

Oscillation constante entre Orient et Occident où la langue universelle deviendrait celle des billes de verre qui tintent dans les poches des enfants.



Sur la page blanche, les fantômes des disparus tracent des courbes et des traits, guident la narratrice vers un horizon de lumière.

Vers un jardin de mûriers arraché des orties envahissantes aux feuilles piquantes :



"je sarcle

élague

arrache

replante dans mes rêves

le matin me trouve aussi épuisée qu'un champ

labouré par une herse rouillée".

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Où vont les arbres ?

De quel bois sont faites les mères ?

Moins que rien dans les yeux des hommes, plus que tout dans ceux des enfants.

Ces enfants qui grandissent...



« Mère de rien du tout

qui traverse les années avec son tablier décoloré

une serpillière dans une main

sa dignité dans l'autre »



C'est cette figure maternelle, que Vénus Khoury-Ghata nous illustre dans les poèmes de ce recueil, tout en ombre et lumière. La femme et mère cimente les cœurs et tisse à travers ses larmes et ses colères, ses courages et ses peurs, les destins des petits qu'elle abrite et nourrit. Parfois insignifiante et transparente, à d'autres, forte comme un roc, elle n'en reste pas moins un des piliers, si ce n'est LE pilier de la maison.

Mais Père et Enfants en ont-ils vraiment conscience ? La Mère semble souvent porter son (le) monde à bout de bras dans l'indifférence et le mépris.



« A genoux devant l'âtre

la mère injuriait les flammes quand un sarment trop vert faisait des étincelles

elle avait un compte à régler avec le froid

avec ses reins

quatre enfants suspendus à ses hanches

un sol vomisseur de boue et de poussière

le balai fidèle compagnon

quitté à ras de tombe »



Après la lecture des « obscurcis », j'ai retrouvé avec plaisir et questionnement cet univers foisonnant mais tellement beau, féroce – déstabilisant – à travers les mots sublimes de Vénus Khoudry-Ghata.

La maison, thème tout aussi central et mystique (mythique ?) que la mère sous la plume de l'auteure, a quelque chose de fascinant. Elle est « animée », sans qu'on sache définir avec certitude « la couleur » de cette âme : Maison aux pieds des arbres de la forêt qui l'enserrent, ses murs gardent ou rejettent, retiennent ou libèrent, vont et viennent, suivant un mécanisme dont les rouages obscurs nous échappent.

C'est une lecture qui reste ouverte, déroute et attise le plaisir des mots, sonorité et sens imbriqués pour un constat beau mais souvent amer.



« Penchée au dessus de mon épaule

la morte analphabète surveille ce que j'écris

chaque ligne ajoute une ride sur mon visage

(…)

Assis sur le même seuil

les mots de ma langue maternelle me saluent de la main

je les déplace avec lenteur comme elle le faisait de ses ustensiles de cuisine

marmite écuelle louche bassine ont voyagé de mains en mains

quels mots évoquent les migrations d'hommes et de femmes fuyant génocides sécheresse faim

enfants et volailles serrés dans le même balluchon parlaient-ils

l'araméen caillouteux

l'arabe houleux des tribus belliqueuses

ou la langue tintant telles billes de verre dans nos poches d'enfants »
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La fiancée était à dos d'âne

Yudah est une jeune juive qui vit dans le désert algérien. Elle aime son cousin qui sans doute bientôt l'épousera.

C'est sans compter sur le rabbin Haïm qui arrive un jour au campement choisir une fille de la tribu Qurayza pour "l'offrir"comme fiancée à Abdelkader, afin de protéger cette communauté de ceux qui tuent les juifs sans raison.

Les Qurayzas ne connaissent Abdelkader que victorieux alors qu'il est devenu le prisonnier des français.

Et elle se retrouve sous la tente des épouses d'Abdelkader, qu'elle suivra dans leur déplacement jusqu'en France , en fonction des dernières nouvelles de l'Emir toujours invisible.

Ignorée de tous, coupée des siens, Yudah s'accroche aux superstitions de sa tribu et est loin d'imaginer le destin qui l'attend.



Un livre court 180 pages qui se lit facilement et donne envie de se pencher sur l'Histoire!
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Marina Tsvétaïéva, mourir à Elabouga

C'est une biographie romancée assez singulière que signe ici Vénus Khoury-Ghata.

Cette lecture nous en apprend bien sûr beaucoup sur Marina Tsvétaïeva, nous permet de découvrir la femme derrière les poèmes passionnés et les évènements qui lui ont fait créer des vers si proches des amours telles qu'on les vit à l'adolescence. Le récit met également en relief le contexte historique du régime répressif qu'était celui de Staline quand Tsvétaïeva compose son œuvre.



D'un point de vue purement didactique, on ne peut pas reprocher grand chose à son roman. Le parti pris est celui de la dépeindre comme une amante passionnée en recherche permanente d'une flamme masculine qui l'anime. Un portrait très proche de celui qu'elle fait d'elle-même dans son autobiographie me semble-t-il.

Sur le plan stylistique j'ai été plus surprise par la construction en quasi monologue avec ce "tu" qui s'adresse à la poétesse disparue m'a laissée parfois assez perplexe, créant une redondance un peu molle par moment et surtout un côté un peu nostaligico-larmoyant. Cet effet créé bien sûr l'impression d'un dialogue d'une amie ou collègue avec sa consœur disparue, mais je n'y pas été toujours très sensible ou du moins pas très favorablement.



Néanmoins cela reste une lecture intéressante à défaut d'être fulgurante.
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Lune n'est lune que pour le chat

Receuil de poèmes qui nous invite à suivre la ballde nocturne d'un chat.

Ces poèmes de Vénus Khoury-Ghata personnifient cet astre beau et mystérieux à la fois pour nous inviter à regarder le monde et la beauté de certaines scènes banales le temps de la lecture.

Les scènes nocturnes permettent de mettre en valeur ce qui se passe la nuit ou ce qu'on est trop pressés pour voir le jour. Cette ironie est ecore plus palpable dans les poèmes qui évoquent le soleil, où celui-ci est relégué à un fanfaron parmi d'autres.



Alors, qui mieux que les animaux pourraient nous révéler la beauté des choses simples ? Nous faire revivre le simple émerveillement qu'un enfant peut avoir en découvrant la nature ? Car le constat est sans apppel : c'est bien la nuit, à la lumière de la lune, au moment où l'humain braillard, indélicat ou trop superficiel est endormi que la beauté se dévoile - et où on ne peut échapper aux marques du temps qui passe. Le chat est donc (malheureusement) très secondaire, simple passeur et témoin.



Les poèmes de l'auteure capturent des instants à l'aide de métaphore et jeux de mots sur la polysémie de la langue française. Et pour accompagner ce voyage : les dessins de Sibylle Delacroix sont tout simplement MA-GNI-FIQUES ! Dommage qu'ils ne soient pas mis davantage en valeur en mettant les textes en regard avec une illustration.



Merci à Babelio et aux éditions Bruno Doucey pour ce partenariat.
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Les derniers jours de Mandelstam

Ossip Mandelstam a été un immense poète russe, né à la fin du XIXe siècle, et qui a connu la révolution, puis l'installation du stalinisme dans son pays. Il faisait partie de toute une génération de grands poètes : Anna Akhmatova, Marina Tsvetaïeva, Varlam Chalamov… Une génération d'artistes, que leur trop grand talent va mettre hors la loi en URSS, parce qu'écrire en dehors des canons fixés par Staline deviendra un crime. Ils connaîtront des destins tragiques, et Ossip Mandelstam n'y échappera pas. Interdit de parution, condamné à l'exil à Voronej, il sera arrêté en 1938 pendant les grandes purges et mourra dans un camp de transit en route vers le goulag. Dans son cas, ses condamnations ont un semblant de motif : un poème, Une épigramme contre Staline. C'est cette vie, et surtout ses derniers moments que Vénus Khoury-Ghata dépeint dans ce court texte.



Il s'agit forcément d'un récit poignant et touchant, par la force même du sujet, par les détails des souffrances et des humiliations du grand artiste qui se dirige vers la folie et vers la mort. Je n'ai pas été toutefois complètement convaincue par le traitement du sujet. Vénus Khoury-Ghata choisit des phrases courtes, des petits paragraphes, des mots simples. Des répétitions aussi, comme des leitmotivs, des épisodes, des phrases qui reviennent. Comme une sorte de poème en prose, dans lequel la sensibilité, l'expression des sentiments prime sur le récit. Une déploration, une élégie à la mémoire du poète. C'est un parti pris défendable, mais je n'ai pas été vraiment conquise par cette écriture, emportée par la poésie des mots. Cela m'a semblé par moments un peu artificiel. Et les extraits de poème de Mandelstam, d'Akhmatova, de Tsvetaïeva insérés dans le texte sont tellement extraordinaires, qu'il est difficile de soutenir la comparaison.



Je suis sans doute un peu difficile, et comme je l'ai dit plus haut, ce texte est touchant et sensible. Et s'il permet à un certains nombre de lecteurs de connaître Ossip Mandelstam et son destin terrible, et s'il donne envie d'explorer sa poésie, il aura accomplit l'essentiel.
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Où vont les arbres ?

Prenez le temps. Lisez lentement. Attardez-vous sur les mots de Vénus Khoury-Ghata et petit à petit, s'ouvrira devant vous une large palette d'émotions.

Ce livret-ci est essentiellement un hommage à la mère, aux mères, aux enfants qui s'échappent du nid familial. L'image du père est difficile, violente, est-ce dû à ce qu'a vécu son auteur ? Sans doute.





C'était hier

il y a très longtemps

la colère du père renversait la maison

nous nous cachions derrière les dunes pour émietter ses cris

la Méditerranée tournait autour de nous comme chien autour d'un mendiant

la mère nous appelait jusqu'au couchant



ça devait être beau et ce n'était que triste

les jardins trépassaient plus lentement que les hommes

nous mangions notre chagrin jusqu'à la dernière miette

puis le rotions échardes face au soleil





Une bien belle découverte...



Vénus Khoury-Ghata, d'origine libanaise, est une femme de lettres française. La poésie occupe une grande place dans la culture libanaise et l'auteure l'apprécie dès son plus jeune âge.
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