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Critiques de Véronique Cazot (298)
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Betty Boob

« No body is perfect »



Élizabeth, une jeune femme d’aujourd’hui, se réveille sur son lit d’hôpital, un sein en moins. Rongé par le cancer, on a dû lui retirer...

Cette ablation dans son corps et dans son identité va transformer sa vie.



Réapprendre à vivre avec le regard des autres.

Redevenir une femme à part entière...



Elle y laissera quelques plumes bien sûr, et non des moindres - « son job et son mec », mais ce sera pour mieux reprendre son vol, sur les ailes d’une nouvelle féminité.



A travers un parcours sensible semé d’embûches : « Dans le territoire des ours mal léchés et des princesses frileuses » (p. 114), ponctués de moments burlesques et tendres, Élizabeth va devenir sous nos yeux ébahis par les croquis et les couleurs pleins de vie de Julie Rocheleau, un « oiseau de nuit ».



Sans paroles, les dessins frivoles et graves s’enchaînent, rythmés par des intermèdes écrits, à la manière d’un film muet, et par une chanson sur le même ton. À découvrir et même écouter, grâce à un flashcode !



Élizabeth devient « Betty one boob », « Betty Boob ». Un hymne à la différence, à l’espérance et à la vie !



Prix de la BD Fnac 2018.



Lu en janvier 2018
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Betty Boob

Deux corps endormis, allongés têtes bêches. Elle, les cheveux épars sur l'oreiller, un corps sensuel... Et des crabes qui, se rapprochant, finissent par recouvrir son corps, terminant par son sein gauche...

Dans cette chambre d'hôpital sinistre et froide, Elisabeth se réveille en sursaut. Elle enfile sa perruque et hurle de désespoir lorsqu'elle découvre que son sein gauche lui a été retiré. Elle a beau le chercher partout, sous le lit, dans les tiroirs de la commode, dans sa valise, derrière les rideaux de la chambre, elle ne le retrouve pas. Alarmée par tout ce raffut, l'infirmière tente de la calmer. En vain. C'est alors qu'entre en scène le médecin, le sein gauche de la jeune femme dans un bocal.

Pomponnée, vêtue d'une belle robe, Elisabeth, heureuse, se prépare à sortir enfin de l'hôpital. Mais c'est un compagnon tremblant, penaud, presque effaré à la vue du sein manquant, qui se présente à elle. Il ira même jusqu'à s'évanouir lorsqu'il verra le sein dans une belle boîte. De retour à la maison, la jeune femme veut reprendre une vie normale : un dîner aux chandelles, quelques pas de danse. Mais à l'heure du coucher, lui n'ose la regarder voire l'embrasser. Un premier coup dur pour la jeune femme d'autant que son employeur, n'appréciant guère cette nouvelle poitrine faussement et maladroitement remplie, va la licencier...



Comment se reconstruire après une ablation mammaire ? Comment ne pas avoir le sentiment d'avoir perdu une part de sa féminité ? Comment affronter les regards réprobateurs voire accusateurs ? Comment supporter le regard troublant et embarrassé de celui qui vous aime ? Betty Boob, elle, n'en a que faire des préjugés, des carcans de la mode, des qu'en dira-t-on. Suite à une course-poursuite rocambolesque après sa perruque, la jeune femme va faire une rencontre qui changera sa vie. Adieu Elisabeth, bonjour Betty Boob (traduisez par nichon en anglais). Partant d'un sujet grave à savoir le cancer puis l'ablation mammaire, Véronique Cazot emprunte un chemin de traverse et nous offre un album burlesque, fantasque, poétique et empli de vie. L'on suit le périple de Betty, de son lit d'hôpital à la scène, côtoyant moult personnages aussi touchants que décalés. Ce récit, sans paroles, sans phylactère, juste entrecoupé d'une page noire avec peu de dialogues, est magnifié par le dessin haut en couleurs de Julie Rocheleau. Un trait expressif, des planches colorées, des plans variés, des pleines pages poignantes...

Un récit émouvant, un hymne à la vie et à l'amour...
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Les petites distances

Un gros bouquet de fleurs artificielles dans les bras, Max tente tant bien que mal de se faufiler à travers la foule qui semble l'ignorer. Arrivé en haut de chez lui, quelle n'est pas sa surprise de découvrir sa petite amie dans les bras d'un autre. Apparemment, elle aurait oublié qu'elle vivait avec lui depuis 4 ans. Cela ira de mal en pis. Son nouveau colocataire, Nabil, ira jusqu'à oublier qu'il vivait avec lui, sa psychologue, à qui il se confie, ne le reconnaîtra pas.. Max se rend compte qu'il devient de plus en plus transparent aux yeux des autres...

Léo, après avoir bu quelques verres, se fait raccompagner chez elle par un jeune homme. Le couple fait l'amour mais dès le lendemain matin, la jeune femme feint l'amnésie et le somme de s'en aller. Son amie et voisine, Jasmine, qui passe la saluer en coup de vent, n'est pas étonnée de la voir refaire le coup de l'amnésique. Une fois seule, Léo est confrontée à des spectres qu'elle chasse dans tout l'appartement. Le lendemain, dans l'escalier, elle croise Max qui vient juste de s'installer...





Véro Cazot nous plonge dans un récit intimiste où, peu à peu, Max devient invisible. D'abord insignifiant aux yeux de son entourage, il finit par disparaitre totalement. Libre de tout geste, il s'immisce dans la vie de Léo jusqu'à partager son quotidien. Une étrange relation fantastique s'établit alors, évidemment à sens unique. Le personnage de Max, bien que transparent, est attachant, sincère dans ses sentiments et ses gestes, voulant protéger Léo de ses fantômes qui la hantent. L'auteure aborde différents sujets tels que la timidité, la difficulté des relations amoureuses, l'amitié, la solitude, l'enfance... Une comédie sentimentale douce-amère, fantastique et attendrissante. Graphiquement, Camille Benyamina nous offre de magnifiques planches empreintes de douceur et de mélancolie, des pleines pages sensuelles. Son trait se révèle juste et tout en finesse, sa palette de couleurs délicate.
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Betty Boob

Une jeune femme vit le cauchemar de sa vie, l'ablation d'un sein suite à un cancer. Son monde s'effondre. Son compagnon ne la désire plus, elle perd son emploi, elle s'enferme dans ses complexes. La vie est cruelle, à un point tel que même le vent s'en mêle et lui arrache sa perruque, ultime coquetterie pour camoufler la perte des cheveux due à la chimiothérapie. Elle se retrouve par hasard dans une troupe de saltimbanques déjantés, tous physiquement hors de la norme de la beauté qu'impose notre société polluée par les préjugés, les magazines de modes, les icônes de la superficialité. Je pense qu'elle s'appelle Elisabeth, va-t-elle pouvoir se reconstruire ?



Un conte moderne, sur notre société qui broie les individus qui sont différents, qui ne sont pas standards. La difformité ne tient que du regard des autres. Comment pouvoir se reconstruire quand on est une jeune femme à qui on a enlevé un sein, symbole de féminité, de maternité ? Ce livre nous ouvre les yeux sur un des grands drames de la vie, la maladie, ses séquelles, ses traumatismes. Les dessins sont contemporains, formidables, emplis d'émotions. On dirait du vécu, le message est fort et ne passe que par eux. Les dialogues sont pratiquement absents. C'est formidable que cette histoire presque muette puisse être, juste par les illustrations, aussi parlante. le silence est d'or et les dialogues sont d'argent. Absolument à découvrir. Une bande dessinée engagée, pour une bonne cause, qui vous fera réfléchir et un message fort, d'espoir, pour toutes ces femmes qui vivent ou ont vécu le drame du cancer et de l'ablation d'un sein.

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Les petites distances

Les petites distances, c'est un roman graphique qui allie le texte de Véro Cazot et les dessins de Camille Benyamina.

Max est discret ou plutôt c'est peut-être sa vie qui apparaît insignifiante. On ne fait pas attention à lui lorsqu'on le croise dans la rue. La première scène très cocasse m'a fait penser à un film de Charlot, on le voit tenter de traverser une rue et se faire refouler, par une foule compacte et indifférente, jusqu'au trottoir d'où il venait... Il retrouve sa petite amie avec laquelle il vit depuis quatre ans et la découvre au lit avec un autre homme et celle-ci semble avoir oublié qu'elle partageait sa vie et son appartement avec Max...

Même sa psy semble lui accorder peu d'importance. Il finit par s'effacer peu à peu du réel, devenir transparent, invisible, disparaître du paysage. Au début du récit, c'est au sens figuré, mais peu à peu il disparaît complètement aux yeux des autres personnages et c'est toute la grâce et la magie du graphisme qui permettent d'introduire cette touche à la fois fantastique et poétique au récit.

Invisible, il s'emmourache de sa voisine Léonie, dite Léo et s'installe alors chez elle, bien sûr à son insu. Léo est une femme célibataire, imaginative et angoissée, sujette aux hallucinations et aux cauchemars. Invisible, Max observe la vie de Léo se dérouler sous ses yeux, assiste impuissant à ses histoires amoureuses et malheureuses, empêtrée parmi ses démons.

Peu à peu il y a quelque chose à fois de touchant et de burlesque dans cette cohabitation saugrenue. Max trouve peu à peu sa place et c'est comme si une harmonie s'installait peu à peu entre ces deux êtres qui ne peuvent pas communiquer, comme si Léo ressentait peu à peu la présence diaphane de Max, une présence apaisante, comme s'ils étaient parvenus à quelques effleurements l'un de l'autre. Ici le dessin et le texte oscillent avec grâce entre la réalité et l'imaginaire.

Dans ce roman graphique où s'invite le mythe éternel de l'homme invisible, des sujets sont abordés avec beaucoup de sensibilité et d'intelligence tels que l'amour, la solitude, la sexualité, la difficulté de communiquer, l'enfance.

J'ai beaucoup aimé cette bande dessinée, cette fable sociale et intimiste, empreinte de poésie, de douceur et de mélancolie. Le sentiment de devenir invisible dans nos mondes bruyants et éphémères, est sans doute palpable, plus que jamais.

Les personnages sont attachants, fragiles, désemparés, nous offrent tantôt des tranches de vie émouvantes pour décrire cette très belle histoire d'amour et d'autres fois des scènes croquignolesques, rabelaisiennes, pleine d'espièglerie et de légèreté, même si la fin m'a un peu déçu...

Le dessin sert merveilleusement le propos d'un scénario qui vient mettre en lumière celles et ceux qui sont touchés dans leur existence par le sentiment d'effacement.
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Betty Boob

Elisabeth a gagné son combat contre le cancer du sein, mais elle a perdu son sein gauche dans la bataille. Loin de se laisser abattre, la jeune femme compose avec sa nouvelle féminité. Mais pas facile de lutter quand tout, dans le regard de votre entourage, vous rappelle que l’on vous a amputé d’une part de vous-même… Licenciement, rupture amoureuse, Elisabeth enchaîne les désillusions mais, un concours de circonstance va la conduire tout droit à “L’oiseau de nuit”, un cabaret dans lequel travaille une galerie de marginaux attachants! L’occasion pour la jeune femme de prendre un nouveau départ et de trouver sa place dans un monde où la tolérance est de mise!



Wahouuu! J’avais déjà été conquise par l’absence de texte dans la bande dessinée de Lupano et Panaccione: “Un océan d’amour”, trouvant que cet apparent mutisme était largement éclipsé par un dessin extrêmement expressif et une narration bien orchestrée. J’avais mis la force de cette performance sur le compte du talent des deux auteurs, mais je dois dire que Vero Cazot et Julie Rocheleau ne sont pas en reste et confirment largement ce ressenti avec “Betty Boob”! Je recite donc Confucius sans scrupules: “Une image vaut mille mots”.



A la façon d’un film muet, 2-3 lignes de textes ouvrent chaque chapitre et résument ce qui est dit ou pensé, et ça suffit largement! Tout le reste passe par la mise en scène des cases et l’expressivité des personnages! Elisabeth est une héroïne pétillante et terriblement attachante, qui force le respect par son courage et sa joie de vivre. Son combat, qui est celui de nombreuses femmes (environ 20 000 femmes sont concernées par la mastectomie chaque année en France) permet de lever un tabou largement répandu dans notre société. Perd-on sa féminité en même temps que son sein? Faut-il camoufler cette absence pour continuer à rentrer dans le moule? Est-on moins désirable? Faut-il avoir honte? Et bien la réponse est NON!



A travers cette superbe ode à la vie, pleine d’entrain et de fantaisie, Vero Cazot et Julie Rocheleau nous font passer un message positif et bourré d’optimisme qui fait un bien fou! A souligner la qualité du dessin de Julie Rocheleau qui fait beaucoup dans cette narration parfaitement maîtrisée et cette atmosphère pétillante. Le trait est précis, très expressif avec un petit côté cartoon que j’adore! Les couleurs sont douces, assez sobres et mettent parfaitement en valeur les personnages. Bref, j’ai eu un gros gros coup de cœur pour cette bande dessinée originale qui a largement mérité son prix Fnac de la Bande Dessinée en 2018!



Avis rédigé en écoutant en boucle “Dans tous mes états”, merci Casterman!
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Le champ des possibles

Voici mon retour de lecture sur le roman graphique Le champ des possibles.

Quand Marsu et Thom se rencontrent dans un congrès d'architectes au bout du monde, c'est un véritable coup de foudre professionnel.

Thom, qui achète des droits d'utilisation virtuelle d'habitations remarquables, fait découvrir à Marsu, grâce à un casque de VR, quelques endroits paradisiaques.

Marsu et Thom vont entamer une relation amoureuse dans ces mondes virtuels.

Dans la vie réelle, Marsu a un compagnon, Harry, qu'elle aime profondément et qu'elle ne veut absolument pas quitter.

Mais elle ne veut renoncer à aucune de ces deux relations..

Le Champ des possibles, c'est l'histoire de Marsu, une jeune architecte qui est en couple avec Harry, son mari.

Quand elle rencontre Thom, c'est un coup de foudre professionnel. Il lui fait découvrir la réalité virtuelle, et lui montre son travail.

Tous deux sont complémentaires, et très rapidement ils entament une relation dans le monde virtuel !

Mais la jeune femme aime toujours son mari, dans le monde réel !

Ce qui, soyons honnêtes, n'est pas évident même si la jeune femme ne cache rien, ou presque, aux deux hommes.

Marsu est un personnage attachant, même si je ne suis pas fan de son comportement. Certes, elle aime dans un monde virtuel, on ne peut pas dire qu'elle trompe réellement son mari.. Quoi que.. Quand même, cela se discute ;)

J'ai également apprécié les deux hommes de sa vie, Thom et Harry. Ils sont attachants eux aussi.

L'histoire est bien ficelée, les personnages sympathiques et l'ensemble donne un bon roman graphique.

J'ai apprécié les graphismes et la colorisation, c'est un bien bel objet :)

Le Champ des possibles est une fable sur les possibilités de la VR et ses dangers qui m'a beaucoup plu.

Je vous le recommande et le note quatre étoiles.
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Betty Boob

C’est l’histoire d’une femme qui a vécu le drame du cancer, avec l'ablation d’un sein. Ce sujet grave et angoissant est ici traité avec gaieté et optimisme. Le texte est réduit au minimum, comme dans les vieux film muet, le graphisme est traité dans une ambiance d’affiches des années folles, dynamique, avec une gamme de couleur limitée, un traitement imitant la sérigraphie. L’optimisme de récit n’évite pas les dérive fleur bleue de l’intrigue, mais celle-ci est assez secondaire, ce qui en ressort plutôt, c’est cette joie de vivre qui prend le dessus, c’est avant tout un beau livre d’images, un livre “feel good”, un livre d’ambiance, un livre contre la morosité et l’apitoiement sur soi un livre où le graphisme fait encore plus d’effet que l’intrigue. C’est juste une lecture qui fait du bien et c’est déjà beaucoup.
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Les petites distances

En ce moment, je dévore les bandes dessinées. A la bibliothèque numérique, j'ai emprunté : Les petites distances de Véronique Cazot.

Max est un homme tellement insignifiant qu'il finit par devenir vraiment invisible.

Léo est une femme peureuse qui vit dans ses rêves. Ils se croisent, avant que le jeune homme ne disparaisse..

Max s'installe chez Léo et observe sa vie.

Les petites distances est une bande dessinée très originale. Léo est un homme comme les autres toutefois il a l'impression que personne ne s'occupe de lui. Il a l'air invisible. Cela commence quand sa copine s'envoie en l'air avec un autre alors qu'ils devaient fêter leur anniversaire de rencontre. Il va voir une psy mais à l'impression qu'elle ne l'écoute pas.. Tout est ainsi jusqu'au jour où Max devient réellement invisible.

Léo est une jeune femme plutôt jolie, assez lunaire. Elle voit des choses, des esprits.. Elle est peureuse jusqu'au jour où... Max s'installe chez elle. Un fantôme en chasse d'autres..

Max est là, il vit avec Léo sans que celle-ci ne le voit. Un couple comme tant d'autres, dans un sens..

Il y a beaucoup de pudeur dans cette bande dessinée. C'est joliment écrit et j'ai beaucoup apprécié les dessins. J'ai été charmée par cette lecture. Je l'ai emprunté par hasard.. comme quoi le hasard fait bien les choses :)

J'ai adoré le dénouement, ça ne pouvait que finir ainsi.

C'est avec plaisir que je mets quatre étoiles.
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Les petites distances

J'ai beaucoup aimé cette bande-dessinée, autant pour son histoire très touchante que pour les dessins doux et chaleureux, les deux s'harmonisant parfaitement pour nous immerger dans l'atmosphère intimiste de ce récit qui sort des sentiers battus. En effet, Max, devenu invisible à force d'indifférence, emménage chez Léo, jeune femme hantée par des terreur nocturnes et seule personne capable de percevoir ne serait-ce que vaguement la présence du jeune homme. Au fil de la cohabitation, une étrange relation se noue entre Léo et Max...

J'ai trouvé que le dénouement arrivait un peu rapidement, surprenant le lecteur et changeant complètement la perspective qu'on avait de l'histoire de Léo et Max, mais cela ne m'a pas empêcher d'adorer Les petites distances.
Lien : http://lecturesdestephanie.b..
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Betty Boob

"Elle a perdu son sein gauche, son job et son mec.

Elle ne le sait pas encore, mais c'est le meilleur jour de sa vie."

Avec un tel pitch, je me suis demandée sur quoi j'allais tomber. Et en fait, c'est BD est extra. Un peu comme un film muet, les chapitres sont séparés par une grande page noire, avec un peu de texte... le reste ne contient quasiment pas de dialogues, quelques bruits, beaucoup de mimiques très expressives.

Et avec toute cette légèreté, on aborde un sujet bien lourd : le cancer du sein, l'ablation du sein et surtout toutes les conséquences dans la vie de cette femme.

J'ai beaucoup aimé. C'est plein de tendresse et surtout plein d'espoir.

Un vrai coup de coeur.
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Olive, tome 1 : Une lune bleue dans la tête

Je remercie les éditions Dupuis pour l'envoi, via net galley, de la bande dessinée : Une lune bleue dans la tête , tome un de la série Olive de Véronique Cazot.

Olive, c'est l'histoire d'une fille de 17 ans, très timide et renfermée mais à l'imagination débordante.

Un jour dans le monde onirique qu'elle s'est créée au fil des années débarque Lenny, un spationaute blessé et malade.

Que fait donc cet homme dans son espace réservé où personne n'est jamais invité ?

Une lune bleue dans la tête est une bande dessinée assez intrigante.

Olive est particulière, qu'à t'elle vraiment ? Elle est dans son monde, elle est timide, certains la traitent d'autiste mais l'est t'elle vraiment ?

Elle part dans un monde bien à elle, où vivent des créatures issues de ses rêves... Tout ça est très mystérieux et j'ai apprécié l'univers crée par l'autrice.

Les dessins et les textes m'ont plus, de même que l'histoire.

Olive est touchante. Elle va avoir du mal à accepter dans sa vie deux intrusions. D'un coté celle de Charlie dans sa chambre. Alors qu'Olive est pensionnaire et dispose d'une chambre seule, elle va devoir partager sa chambre avec Charlie qui est aussi démonstrative qu'Olive est renfermée ! J'ai beaucoup aimé le personnage de cette jeune fille qui n'imagine pas où elle met les pieds en entrant dans la chambre d'Olive.

La seconde intrusion est celle d'un mystérieux homme dans le monde onirique qu'elle s'est crée. Et celle ci l'inquiète presque plus que l'arrivée de Charlie dans sa vie..

Ce premier tome est intéressant, intriguant et si j'en ai l'occasion je serais ravie de lire la suite.

Cette série est prometteuse, et je lui mets un très joli quatre étoiles :)
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Betty Boob

Elisabeth perd son sein gauche, son boulot et son mec.

Mais c'est sans compter sur les surprises de la vie.

Elle va apprendre à aimer et à se réapproprier ce corps qu'elle ne reconnaît plus.

Un magnifique album avec de superbes planches et pas de textes qui allie poésie, humour, burlesque sur un sujet très souvent évité et peu exploité.

Superbe.
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Le champ des possibles

Je remercie #NetGalleyFrance et les Éditions Dupuis pour cette merveilleuse découverte de #LeChampdespossibles de Vero Cazot et Anaïs Bernabé !



Thom Robinson, architecte en réalité virtuelle, vient découvrir l'hôtel "Cocon" réalisé par Marsu Chevalier. Elle conçoit des bâtiments écorégénérateurs et durables et explique que les organismes vivants sont des "sources d'inspiration extraordinaires" lors du ColloquEco qui ouvre l'album. Thom Robinson semble avoir le don d'ubiquité... et Marsu va découvrir le "champ des possibles" qu'il a ouvert avec son univers virtuel, Athome...



Je suis rapidement entrée dans l'univers graphique : à partir de la planche de la page 20, j'étais totalement conquise par l'esthétique d'Anaïs Bernabé ! Le trait est fin, travaillé et subtil. La colorisation est parfaite, tout comme la mise en page des vignettes. J'ai quand même une légère préférence pour les illustrations pleine page (p45, p64, p88 par exemple) qui se rapprochent d'oeuvres d'art à part entière ! Je me suis même surprise à les attendre impatiemment !



Le scénario de Véronique Cazot est intéressant et bien mené. En passant par les histoires personnelles de personages évoluant dans un environnement un peu futuriste "mais pas trop", l'album interroge nos imaginaires au sujet du virtuel, de la construction, du couple, de la parentalité...

Ces thèmes m'intéressent énormément et l'album engage beaucoup de questions sur les univers "virtuels" : les liens qu'on y noue ne sont pas virtuels et peuvent se transformer en réelles relations, n'est-ce pas ? Dans ce cas, où est la frontière entre "réel" et "virtuel" ? Pas dans l'irréel, c'est certains... Peut-on vraiment insérer des frontières où ça nous chante dans un univers numérique ? Où commence la vérité et où s'achève l'imagination dans un monde parallèle au monde physique et présentiel ? L'album nous encourage à nous poser encore plus de questions de cet ordre... Et j'ai beaucoup apprécié cela !

Enfin, les personnages sont attachants, l'histoire est touchante, les illustrations portent magnifiquement les questions autant que les émotions : j'ai été très émue par la lecture de cet album ; coup de cœur
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Le champ des possibles

Un titre qui explore la réalité virtuelle d'une manière originale mais convenue.

A moins que ce ne soit une version techno du triangle amoureux, du ménage à trois, enfin deux plus un.

Du "trouple" pour utiliser un synonyme contemporain très à la mode dans le monde occidental moderne :

"arrangement domestique dans lequel trois personnes décident de former un couple à trois, en habitant ou non dans le même logement. Dans un sens plus moderne, le terme fait référence à toutes relations amoureuses de polyamour, et sexuelles ou non, ou parfois uniquement sexuelles, entre trois personnes".

Ici on met en concurrence le monde réel et un couple "à l'ancienne" et le monde virtuel dans lequel la femme du premier couple trouve un deuxième partenaire plus ou moins virtuel (réels mais dont les "avatars" vont se rapprocher jusqu'...).

Voilà, c'est la base du scénario, avec des réflexions sur la fidélité, les frontières entre réel et virtuel, l'emprise de ce dernier sur le premier.

Tout le monde il est gentil, tout le monde il est beau et moderne. Il y a même une quatrième personne, lesbienne, qui a utilisé, avec la bénédiction de la femme du trouple, le compagnon réel du même trouple, pour exercer son droit à enfanter. C'est dire si tout ceci est consensuel et contemporain comme il se doit.

Graphiquement, c'est flashy, psychédélique parfois, puisque des effets visuels, les couleurs, rendent compte avec réussite des passages réel-virtuel et du brouillage des frontières.

Voilà, aujourd'hui (ou demain...), tout est possible comme le stipule le titre, pour le bonheur de tous. En tout cas c'est un album qui tente de nous en convaincre.
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Le champ des possibles

Marsu rencontre Thom, alors qu'elle vient présenter sa dernière réalisation à un congrès d'architectes. Thom a conçu un monde virtuel. D'abord réticente, la jeune femme va tomber sous le charme du monde virtuel et de Thom. Sauf qu'elle est mariée à Harry dans le monde réel.

J'ai eu du mal à adhérer à l'histoire dans les premières pages. Mais petit à petit, les enjeux se dessinent et je me suis pris à tourner les pages pour connaitre la suite. L'histoire est assez simple, mais racontée avec beaucoup de talent et surtout sans angélisme, même si les personnages sont

Côté dessins, je trouve le rendu superbe, notamment les fondus vers le virtuel avec ces bulles de couleurs qui semblent éclater sur les pages. C'est magnifique. Il y a beaucoup de détails, les personnages sont vraiment bien croqués, sans se retrouver avec un catalogue de mannequins.

Cet album est une réussite, tant visuel que sur le plan de l'histoire, que je recommande chaudement.
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Betty Boob

Cette BD aborde de manière originale une problématique très féminine : Comment se réapproprier sa féminité quand on a perdu un sein après un cancer puis son job et enfin son amoureux ? La réalité est brutale pour Elisabeth mais sa rencontre avec les danseuses d'un cabaret burlesque va l'aider à reprendre confiance en elle et lui permettre de commencer une nouvelle vie. C'est un album pratiquement muet mais plein d'énergie, d'invention et de surprises. L'illustration est virevoltante avec de grandes envolées lyriques et poétiques. La lecture ne peut que bouleverser et laisser un goût d’inédit pour cette BD.
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Les petites distances

Max est un jeune homme très effacé, au point qu'il en devient littéralement invisible. Alors qu'il tente de comprendre ce phénomène et de savoir d'où il vient, il rencontre Léonie (Léo), une belle rouquine.

Léo est bien visible elle, mais cette très belle femme est aussi pétrie d'angoisses. Et tour à tour elle se sent étouffée par une présence ou par l'absence.

Ces deux personnages vont cohabiter dans l'appartement de la jeune femme, sans que celle-ci s'en rende compte. Reste à savoir comment faire partie de la vie d'une personne qui ne vous voit pas ? Comment avancer, et plus difficile encore : avancer ensemble ?



Un récit vaporeux, intime et étrange à la fois. Une fable sur les paradoxes des relations humaines dans nos grandes villes modernes.

Les graphismes à la fois voluptueux, sensuels et comme fait de voiles intriguent, interpellent, sans qu'à la fin de cette lecture je sache réellement me positionner. J'aurai aimé que l'intervention du personnage de la psychologue soit plus fouillée et moins secondaire.
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Le champ des possibles

Tout est beau dans le meilleur des mondes !

Oui, mais lequel ?

L'IRL – In the real Life – le monde réel,

ou

le VR -Virtual reality – le monde illusion ? (Remarquez que si vous prononcez IRL, on entend irréel. Quel micmac…)

Marsu éprouve une attirance croissante pour le monde de Thom, berceau de mille vies à la fois. Un monde sans limites, sinon celles du retour au réel, une fois le casque déposé.

La vie en chair et en os paraît bien étriquée, même si Marsu et Darling forment un couple ouvert, allant jusqu'à offrir un enfant à leur amie lesbienne et célibataire, en la laissant procréer avec Darling. Marsu sera la marraine de l'enfant. Quelle ouverture d'esprit… quelle confusion…

Elle, l'architecte, perd pied à naviguer entre IRL et VR. Surtout que le procédé ATHOME, comprenez at home, c'est-à-dire « chez soi », permet de vivre les deux vies simultanément, moyennant un implant dans le cerveau.

Néanmoins, des questions émergent sur le nouveau compagnon VR de Marsu lorsqu'elle en parle avec son Darling :

« Comment peut-il être aussi tiède dans le monde physique alors qu'on est aussi connectés dans le virtuel ? »

- Il se souvient peut-être vaguement que tu es mariée, réagit Darling.

L'amoureux est décontenancé, il souffre mais n'essaie pas de retenir Marsu, aspirée par la féérie d'ATHOME. S''il est possible de vivre deux vies à la fois, GO !

Plus je tournais les pages, plus mon malaise grandissait. Je me projetais dans un futur possible, modelé par l'industrie numérique - voir le Métavers – et j'étais attristé. Attention danger.

J'ai repris mes classiques, Serge Tisseron en l'occurrence, qui évoque la « rêvasserie », la matrice, dirais-je du virtuel.

"Celui qui s'adonne à cette activité est totalement dissocié à la fois de sa vie et de son imagination. Il a l'illusion que sa vie est trépidante (…)

(…) le problème est que tôt ou tard, cette personne sent que les gens qui attendent quelque chose d'elle sont déçus et se déçoit elle-même. La rêvasserie finit par la posséder comme un esprit malin auquel elle ne parvient plus à échapper. »

C'est ce que décrit très bien le champ des possibles. Les auteures semblent avoir un penchant pour la réalité artificielle, différenciée du monde physique par des couleurs criardes, des fonds hachurés et un trait brut, tandis que la palette du monde réelle est harmonie, douceur et beauté. Large coup de chapeau à Anaïs Bernabé.

L'atelier de Darling, la cuisine du couple « open », une corde à linge flottant au vent, sont des merveilles de finesse et d'accords chromatiques. C'est ce que je retiens de ce bel album, un feu d'artifice esthétique comme j'en ai rarement vu.

Le fond me laisse perplexe, le délire final m'a largué. J'ai donné libre cours à un décodage, probablement déplacé, si les intentions des auteures se bornent à nous divertir. Cependant, la réflexion s'impose si elles ont voulu transmettre un message subliminal sur les relations amoureuses, le mal-être, le mirage du virtuel.

Alors pur divertissement ou matière à penser ou fable sans parti pris ?

Je vous laisse forger votre opinion sur ce qui est donné à voir, à imaginer et à philosopher.

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Betty Boob

Ce tome contient une histoire complète et indépendante de tout autre. Cette bande dessinée est parue en septembre 2017, écrite par Véro Cazot, dessinée et mise en couleurs par Julie Rocheleau. Elle présente la particularité de reposer sur une narration visuelle, sans dialogues, ni bulles de pensée ou autres indications dans des cellules de texte. La scénariste est également l'auteur de Et toi quand est-ce que tu t'y mets ?, Tome 1 : Celle qui ne voulait pas d'enfant dessinée par Madeleine Martin. La dessinatrice a également illustré la série La colère de Fantômas, tome 2 : Tout l'or de Paris sur un scénario d'Olivier Bocquet.



Élisabeth B. fait un cauchemar. Elle est allongée toute nue sur son lit, avec son conjoint, nu également. Une nuée de petits crabes s'avancent vers elle depuis les ténèbres de la chambre. Ils s'attaquent à son sein gauche qui est orné d'un piercing. Elle reprend connaissance dans une chambre d'hôpital, la tête rasée, une cicatrice là où devrait se trouver son sein gauche. Elle le cherche partout dans sa chambre, renversant les tiroirs et agressant l'infirmière qui arrive pour lui prodiguer des soins. Elle exige qu'on lui rende son sein et la menace avec un urinal plein. La cancérologue accède à sa demande et lui ramène son sein dans un bocal. Peu de temps après, le conjoint d'Élisabeth arrive pour venir la chercher. Il se sent mal au moment de toquer sur la porte de sa chambre. Il est pris de vertige en regardant l'endroit où se trouvait le sein gauche de sa copine. Il perd connaissance en voyant son sein dans la boîte ramenée par le médecin.



Élisabeth et son copain rentrent dans leur appartement, mais le soir elle éprouve des malaises en voyant son conjoint (il n'est jamais nommé) couper une pomme. Elle ressent une intense solitude et un sentiment d'abandon quand il se tient à l'écart d'elle dans le lit. le lendemain elle retourne travailler aux grands magasins Traubon Pourtoy, et elle éprouve une forme d'appréhension et de honte à se changer devant ses collègues dans les vestiaires. Elle décide de se rendre chez une spécialiste en prothèse et réussit à en obtenir une, malgré son prix exorbitant, par un étrange concours de circonstances. Mais les relations avec son conjoint ne vont pas en s'améliorant, et en plus elle perd sa perruque, ce qui la conduit à se lancer dans une course-poursuite farfelue échevelée pour la récupérer. le postiche finit sa course au milieu d'une troupe de burlesque en train d'embarquer sur une péniche.



Quelle étrange couverture, avec cette jeune femme presque nue, ce phénix sortant de son sein gauche, ce nippie sur son téton droit associé aux spectacles burlesques, et cet éclairage radieux en arrière-plan. le lecteur a pu être attiré par cette image étonnante, par le thème de l'histoire (s'adapter après une ablation mammaire) ou par la forme de la narration sans texte. Il plonge dans un récit très linéaire au cours duquel Élisabeth se réveille après l'opération, se rend compte que son conjoint est incapable de s'adapter, perd son emploi du fait de son changement d'apparence, et s'intègre dans une troupe de comédiens burlesques. La narration visuelle est impeccable, il n'y a pas de page incompréhensible. Julie Rocheleau réalise des dessins descriptifs, avec de petites exagérations dans la morphologie ou dans les expressions des visages pour les rendre plus expressifs, pur en accentuer la dimension comique, avec une bonne humeur communicative. de ce fait le récit n'est jamais déprimant ou triste, mais toujours plein d'entrain.



L'artiste dispose également d'un nombre de pages conséquent, 179 pages, ce qui lui permet d'en consacrer plusieurs à des dessins en pleine page, ou à des séquences oniriques. Elle détoure les formes, avec un trait élégant évoquant la légèreté du crayon graphite. Elle ne détoure pas les cases par une bordure. La plupart sont de format rectangulaire, mais elle peut aussi utiliser d'autres formes et un agencement différent de celui de cases disposées en bande quand la séquence le justifie, pour insuffler plus de mouvement. Elle sait varier le degré de précision des dessins en fonction de la séquence, de très précis et détaillés, à des représentations plus esquissées pour insister sur une ambiance ou un ressenti. Elle utilise une palette de couleurs réduite pour chaque scène, installant une ambiance chromatique spécifique, avec souvent une teinte dominante. Ces changements de rythme et de forme induisent un rythme enlevé à la narration, augmenté par l'absence de texte. Il s'agit donc d'une bande dessinée qui se dévore, et le lecteur se surprend à plusieurs reprises, à freiner sa lecture pour savourer l'inventivité des pages, et leur dimension burlesque. Par exemple, il finit par connecter la métaphore filée de la pomme, découpée par le conjoint, croquée par une collègue de travail.



C'est quand même une lecture parfois un peu bizarre. le lecteur apprécie la mise en scène des crabes venant s'en prendre au sein d'Élisabeth, comme une métaphore délicate et terrifiante du cancer. Il sourit en voyant Élisabeth mettre sa chambre d'hôpital sens dessus-dessous pour retrouver cette partie de son anatomie. Il est un peu décontenancé de voir que le bocal contenant son sein se trouve sur un tapis roulant, à côté d'un bocal de fraises. Il grimace devant l'efficacité de l'association entre la pomme découpée en tranche et la sensation de charcutage de son propre corps, ressentie par Élisabeth, à nouveau une séquence visuelle exécutée de main de maître. Par contre la scène de cambriolage dans le magasin de prothèses Au sein Graal semble délirante et forcée. La plastique de la commerçante met en avant l'opulence d'une poitrine symbolisant une fertilité hors norme. La course-poursuite après sa perruque dure une quinzaine de pages (pages 74 à 90) ce qui fait basculer la narration dans le domaine du dessin animé pour enfants, sortant totalement le lecteur de l'immersion dans un monde normal. Il y a encore plusieurs séquences tout aussi fofolles, très enlevées, mais aussi peu réalistes.



Le lecteur doit alors faire un petit effort de mémoire. Véro Cazot a inclus quelques références discrètes dans son récit à Betty Boop dans le titre et dans une loge (personnage créé en 1930 par Grim Natwick pour les studios Fleischer), à Alberto Vargas (1896-1982, page 96) dessinateur de pinups , ou encore à Dita von Teese effeuilleuse contemporaine. Mais bien sûr, la référence la plus évidente est celle au burlesque. Un petit tour par une encyclopédie permet de se rappeler que ce terme recouvre plusieurs domaines. Il peut s'agir (1) d'une bouffonnerie outrée, (2) d'un spectacle basé sur le comique de la surprise et de l'outrance, souvent légèrement racoleur, et aussi (3) dans le contexte du cinéma muet d'un comique du geste. En ayant à l'esprit ces différentes dimensions du burlesque, le lecteur se rend compte que les auteures les utilisent toutes les 3 dans leur narration. Ce qui peut parfois paraître comme outré ou très agité trouve alors sa place dans l'un des aspects du burlesque et le lecteur comprend la cohérence de la narration, à commencer par la course-poursuite à la façon Buster Keaton.



Emporté par la vivacité et l'inventivité de la narration, le lecteur peut effectivement lire cette bande dessinée pour sa bonne humeur, sa gaieté, et le plaisir des images, complètement oublieux du thème développé à partir de la mastectomie totale subie par Élisabeth. Mais au fil des séquences, les auteures évoquent bien le traumatisme de l'amputation, la réaction des proches confrontés à quelqu'un qui est sortie de la norme corporelle, le travail de deuil à effectuer pour Élisabeth, la norme sociale totalitaire (pour sa cheffe, Élisabeth ne présente plus les caractéristiques attendues pour effectuer son travail), la monétarisation des prothèses (une médecine réparatrice accessible uniquement aux bons salaires), la panique irrépressible à l'idée de perdre ce qui rend normale (la course-poursuite avec la perruque), d'autres écarts physiques par rapport à la norme (le surpoids, mais aussi un appareil génital masculin de a taille d'une cacahuète), etc. Ces traumatismes alimentent un cauchemar saisissant (pages 154 à 158) rendu très impressionnant par des dessins qui s'envolent vers l'expressionnisme. La fin reste dans une optique optimiste et souligne à quel point un phénomène de mode peut changer le regard de l'opinion.



Le plaisir de cette lecture provient également de l'absence de méchanceté des auteures. Elles mettent en scène le phénomène de rejet de la société normale qui s'exerce sur Élisabeth, mais sans pointer du doigt un individu ou un groupe de personnes. le conjoint est incapable de dépasser la mutilation, mais ce n'est pas intentionnel de sa part. Sa réaction n'est pas dictée par le mépris vis-à-vis d'une personne qu'il juge imparfaite, incomplète ou infirme. Les dessins montrent qu'il s'agit d'une réaction physique qui va jusqu'à la perte de connaissance. Il est incapable de contrôler ou de dominer sa réaction corporelle qui relève de la phobie, et pas du mépris ou de la répugnance. Les membres de la troupe burlesque ne sont pas monstrueux ou difformes. Ils présentent des caractéristiques physiques ne répondant pas aux critères de la perfection tels que véhiculés par les publicités de toute sorte. À nouveau la manière de les représenter fait ressortir leur bonne humeur et leur joie de vivre, les rendant bien plus agréables et plus sympathiques au lecteur qu'un personnage doté d'une simple séduction physique.



La remise en cause des idées reçues va plus loin avec la mise en scène d'une femme tatouée, et d'une mangeuse d'hommes au cours du spectacle burlesque. Ces numéros reposent sur la surprise du renversement des rôles, sous-entendant l'artificialité des conventions comportementales attribuées au genre. le lecteur apprécie d'autant plus Élisabeth qu'elle refuse le rôle de victime. Elle n'accepte pas s'enfermer dans la façon dont elle est décrite et classée par le reste de la société, rejetant l'identité qui lui est ainsi imposée.



En refermant ce tome, le lecteur se dit que les auteures ont tenu toutes les promesses faites par la couverture. Il a apprécié un récit très divertissant, avec une verve comique et une joie de vivre épatantes, s'exprimant au travers des émotions des personnages et des péripéties. Il s'est retrouvé entraîné dans des endroits et des situations inattendus, avec une lecture d'autant plus ludique qu'elle s'effectue sans le recours aux mots. le niveau de coordination entre Véro Cazot et Julie Rocheleau le laisse ébahi par sa fluidité, comme si l'album avait été réalisé par une seule et même personne. En outre les auteures mettent en scène le traumatisme de l'amputation et l'ostracisation banale de l'individu qui ne répond pas aux critères implicites de la normalité sociale. Il voit les petits rituels qui permettent d'acter une évolution, un changement, représentés avec sensibilité et humour, comme l'incroyable cérémonie d'enterrement. Enfin il s'agit d'un hommage à la tradition burlesque dans ses différentes manifestations, qui ne tombe jamais dans le plagiat. le lecteur en ressort rasséréné quant à son droit à la différence, réconforté d'avoir pu côtoyer une femme aussi pétillante qu'Élisabeth, et émerveillé par un spectacle drôle et surprenant.
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